Présidentielle U.S. 2016 : Evaluer les dégâts

Political graffiti in Caracas. FOTO: Erik Cleves Kristensen (CC BY 2.0)

“L'accession de Trump à la présidence des USA aura des répercussions ressenties non seulement aux Etats-Unis mais ailleurs dans le monde, en particulier en Amérique Latine.” Graff politique à Caracas. PHOTO: Erik Cleves Kristensen (CC BY 2.0)

Le matin du 9 novembre a marqué le point culminant de 18 mois de course tortueuse pour la présidence des Etats-Unis. Donald Trump en est sorti vainqueur en totalisant 279 grands électeurs et plus de 59 millions de voix. Avec la conclusion amère de ce chapitre dans la compétition pour la Maison Blanche, les USA doivent à présent envisager ce que peuvent apporter les quatre années à venir. La question qui cependant préoccupe le plus pour l'instant de nombreux Américains est : comment ce pays en est-il arrivé là ?

Une pluralité d'analystes ont pointé les profondes disparités socio-économiques et raciales qui n'ont cessé d'accabler les Etats-Unis depuis qu'ils se sont constitués en république il y a 238 ans. La fracture raciale dont beaucoup espéraient un rétrécissement avec l'élection à la présidence de Barack Obama en 2008, a en réalité pris le chemin opposé : l'accroissement des violences policières contre les communautés de couleur, et les expulsions massives de d'immigrants hispaniques en sont les manifestations les plus récentes.

Une situation exacerbée par le fait que, si l'économie américaine a bien réussi à se remettre de la crise financière de 2008, ce n'a pas été le cas pour toutes les couches de la population, et encore moins pour les blancs pauvres des zones rurales. Ce qui a fourni un terreau fertile pour l'émergence de figures comme Donald Trump et Bernie Sanders, qui ont pu gagner de la vitesse dans la course aux primaires de leurs partis respectifs. Les deux candidats ont promis l'un comme l'autre de sortir de l'immobilisme politique, Trump avec des tactiques de peur pour faire monter le mécontentement des électeurs républicains, suggérant, par exemple, que les Mexicains étaient des violeurs, des criminels, et des intermédiaires du trafic de drogue vers les Etats-Unis. Par ras-le-bol de la politique traditionnelle, les Républicains ont choisi Trump, au motif qu'étranger à la machine politique de Washington, il pourrait être un agent de changement réel.

L'establishment politique a aussi eu son rôle dans la création de la situation actuelle. La direction du parti Démocrate—avec l'aide des Super délégués et une entourloupe présumée du Comité National Démocrate pendant les primaires qui ont donné la préférence à Hillary Clinton—ont saboté les chances de Sanders d'avoir une réelle chance de devenir le candidat désigné du parti Démocrate. De son côté, l'establishment républicain, la dynastie Bush en tête, a échoué à monter une alternative crédible à un candidat dont la campagne a abondé en insultes, misogynie, xénophobie et propositions risibles comme la construction d'un mur tout au long de la frontière entre le Mexique et les USA. Pas plus John Kasich que Ted Cruz ou Marco Rubio—ce dernier considéré à un moment comme le sauveur du parti Républicain—n'ont pu arrêter la course du magnat de l'immobilier déchaîné.

Les médias ont eux aussi joué un rôle clé dans la sélection des candidats des deux partis. Sous couvert d'impartialité, les chaînes de télévision ont eu du mal à résister à la séduction de Trump. Résultat : une année où chiffres, faits et vérité ont été remplacés par les rumeurs, conjectures et mensonges colportés par Trump et ses collaborateurs. Ces même médias ont fini par inconsciemment blanchir l'image de Trump, quand des émissions humoristiques populaires comme le Saturday Night Live et The Tonight Show Starring Jimmy Fallon humanisèrent le candidat en l'invitant comme vedette, sans tenir compte des protestations vigoureuses contres ces apparitions. Pour beaucoup, les médias ont normalisé le discours absurde de Trump. Des chaînes de télévision comme CNN savouraient les pics d'audience que leur valaient Trump et les insultes qu'il lançait à ses adversaires. Et malgré le temps d'antenne quasi illimité qui lui était accordé à la télévision, Trump continuait à clamer son hostilité aux médias, répétant que lui et sa campagne n'étaient pas traités équitablement.

Les répercussions de l'accès à la présidence des USA de Donald Trump seront ressenties non seulement dans ce pays, mais aussi dans les autres parties du monde, et notamment en Amérique Latine. Les avancées politiques feront sans doute place à des reculs, puisque Trump a promis d'abroger l'accord avec Cuba et de renégocier les traités de libre-échange avec des effets certains sur la Colombie, le Mexique, le Chili et Panama, entre autres. Trump pourrait aussi avoir dans le collimateur le Venezuela, sans parler de ce qu'il réserve à l'Iran et la Corée du Nord, confrontées à un Trump impulsif capable de lancer une frappe nucléaire ou de mettre fin aux accords atteints à grand peine lors des pourparlers nucléaires.

Au lendemain de cette campagne électorale vertigineuse, tout ce qui reste à faire pour les Etats-Unis est d'évaluer les dégâts. Au-delà le la question de qui a gagné l'élection, le problème de la polarisation politique à Washington est plus aigu que jamais, par la grâce du “triangle de fer” d'intérêts intriqués qui règne sur la destinée du pays.

Le président-élu devra gérer non seulement des défis comme la réforme de la santé ou le choix d'un nouveau juge à la Cour Suprême, mais aussi le besoin urgent de remédier à l'épreuve infligée au pays par sa candidature. Mais en payer le prix prendra de longues années.

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