Les vannes de Belo Monte, deuxième plus grande usine hydroélectrique du Brésil et quatrième barrage le plus important au monde, ont été fermées en novembre 2015 afin de débuter le remplissage des réservoirs du barrage en Amazonie – transformant à jamais la vie des populations indigènes et voisines de Belo Monte. La difficulté de navigation sur le fleuve, la disparition de points de pêche, l’augmentation des épidémies et le décès de poissons constituent quelques-unes des conséquences pour les populations environnantes.
« Vivre aujourd’hui sur le Rio Xingu est impossible. Les gens vivaient bien, et désormais ils souffrent, n’ont aucune vie digne de ce nom », commente Raimunda Gomes da Silva en passant sur les pierres de Volta Grande, un tronçon du Rio Xingu durablement affecté par le barrage.
Raimunda résidait avec son mari, João, sur l’une des îles du Xingu, qui furent submergées par le réservoir artificiel de l’usine. Tous deux vivaient de la pêche et de l’agriculture. Dorénavant, elle habite une maison dans le quartier Airton Senna II d’Altamira, ville de 100 000 habitants – l’une des plus grandes dans les environs de l’usine.
Depuis la fermeture des vannes, environ quatre-vingt pour cent du volume du Xingu ont été déviés de son lit naturel vers un canal artificiel menant jusqu’au réservoir. La quantité d’eau ne passera ainsi plus par le Volta Grande, une portion du Rio Xingu de près de cent kilomètres qui traverse deux Territoires indigènes, Arara da Volta Grande[2] et Paquiçamba[3], qui appartiennent aux peuples Arara et Juruna. Ici demeurent des centaines de familles.
Des îles brûlées et déboisées ont été partiellement submergées par le lac artificiel. Photo: Isabel Harari/ISA
« Le problème principal est le manque d’eau. Une crue ne nous apporte rien, et une pénurie met notre vie en danger. Une inondation serait compromettante, nous amenant de nombreux problèmes comme des résidus, entraînant la mort des poissons et des arbres qui seraient submergés. A l’inverse, même avec encore un peu d’eau, ce ne serait pas suffisant », explique Raimunda.
Sans fleuve et sans poisson
Entre février et avril 2016, l’Ibama a infligé une amende de 35,3 millions de réaux[4] (environ 9,5 millions d'euros) à Norte Energia pour la mort de 16,2 tonnes de poissons pendant le remplissage du réservoir, qui a duré trois mois.
Trois amendes successives ont été données – 27,5 millions de réaux pour la mort des poissons, 7,5 millions pour le non-respect d’une des conditions de l’autorisation et 510 000 réaux pour avoir présenté de fausses informations quant au recrutement des travailleurs s’occupant du sauvetage des poissons. L’amende de 27,5 millions de réaux constitue la plus forte sanction infligée depuis le début de la construction de Belo Monte.
Le Loricariidae, un poisson très commun dans la région, aveugle et rongé par les parasites. Photographie : Torkjell Leira/ISA
Le décès de nombreux poissons ne constitue pas l’unique problème auquel doivent faire face les populations du Xingu. Depuis le début de la construction de Belo Monte, les indigènes de la région ont rapporté la compromission – et parfois l’extinction – d’importants points de pêche.
Avec le blocage définitif du fleuve et la diminution du débit du Xingu, les conséquences deviennent plus importantes. « Les gens mettaient une heure pour arriver jusque sur les lieux de pêche ; désormais, ils mettent deux fois plus de temps. Parfois, les gens n’ont pas accès à certains lieux car l’eau a trop baissé, ils ne peuvent plus passer », affirme pour sa part Natanael Juruna, un indigène.
La pêche est la principale activité de subsistance des Juruna, selon l’Atlas des Impacts du Barrage de Belo Monte[5]. Les résultats d’une enquête de surveillance indépendante réalisée par les Juruna, en partenariat avec l’ISA et l’Université Fédérale de Pará, soulignent que la production de poissons annuelle des Juruna est de 4 469 kg. 98% de cette quantité est destinée à leur propre consommation, tandis que les 2% restants sont commercialisés. Le poisson représente 55% de leurs repas.
La navigation demeure difficile sur le fleuve, en raison de la diminution du débit de l'eau. Photographie : Isabel Harari/ISA