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Les opposants à Poutine en Russie se demandent à quel point les choses vont empirer avec Trump

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One of countless Putin-Trump Internet memes. [1]

L'un des innombrables mèmes sur Poutine et Trump.

Dans la foulée de la victoire présidentielle de Donald Trump, les spéculations vont bon train en Russie et aux États-Unis pour savoir si le nouveau dirigeant de l'Amérique sera un ami ou un ennemi du Kremlin.

La semaine qui a précédé le 8 novembre, tous les experts et commentateurs tablaient sur un durcissement de la politique de Washington sous la présidence d'Hillary Clinton. Le monde doit désormais s'attendre à quatre années de leadership d'un homme qui n'a cessé de vanter les exploits géopolitiques de Vladimir Poutine, et qui a indiqué sa volonté de réécrire les engagements des États-Unis en Europe de l'Est, où la Russie est mécontente de l'élargissement de l'OTAN.

Tandis que les opposants à Trump aux États-Unis et dans le monde sont plongés en pleine panique post-électorale, l'opposition démocratique russe se retrouve dans le pétrin : la grande puissance américaine en qui elle croyait trouver un soutien et un modèle a finalement choisi pour président quelqu'un d'apparemment peu concerné par l'état de la démocratie russe.

Même si les opinions des opposants russes au sujet de Trump sont aussi variées que les opposants eux-mêmes, les militants et les politiques veulent savoir si le prochain président des États-Unis les aidera ou s'il fera obstacle à leur projet de mettre un terme au régime de Poutine et de revitaliser les institutions démocratiques russes.

Aussitôt après le scrutin américain, le blogueur anti-corruption Alexeï Navalny a publié un post sur son blog et une vidéo sur YouTube qui posent cette question : Trump est-il bon ou non pour la Russie ? La vidéo a été vue plus d'un million de fois.

Navalny démontre en quatre points que Trump, comme on pouvait s'y attendre, ne saurait être un cadeau pour la Russie: (1) Les promesses de Trump de supprimer les mesures pour la défense de l'environnement et les limitations à l'exploitation des ressources énergétiques vont faire baisser les cours mondiaux du pétrole ; (2) Les déclarations les plus flatteuses de Trump sur Poutine appartiennent au passé, et il est peu probable qu'il puisse mettre un terme aux sanctions, même s'il le voulait ; (3) Trump va entrer dans une nouvelle course à l'armement, ce qui va augmenter les dépenses militaires ; et (4) Trump et Poutine divergent sur les questions de politique intérieure comme l'immigration, le rôle économique du gouvernement, le droit au port d'armes et l'«islamisation» (sur ce dernier point Navalny s'adresse clairement à ses compagnons de route «libéraux-nationalistes», dont les vues politiques sur cette question sont beaucoup plus proches de celles de Trump que de celles de Poutine).

Malgré un million de vues et 38 000 votes en sa faveur, la vidéo de Navalny n'a pas convaincu tout le monde que Trump était une mauvaise nouvelle pour le Kremlin.

Comme Navalny, Vladimir Milov est un éminent libéral-nationaliste de la Russie contemporaine. Contrairement à Navalny, c'est aussi un spécialiste du secteur énergétique. En 2002, il a occupé le poste de vice-ministre de l'Énergie de la Fédération russe. Le dimanche 13 novembre, Milov, dans une interview au projet en ligne «Militant moscovite», dit sa déception après l'élection américaine et sa crainte que l'opposition démocratique russe ait perdu un allié précieux et trouvé un ennemi dangereux.

Что касается российской оппозиции, нам Америка как таковая не нужна. Это наша работа — здесь в России добиваться изменений, и мы помощи от них не ждем, но я скажу вот что.

Трамп вел свою кампанию больше года. Ни разу ни он, ни его вице-президент Пенс не покритиковали Путина по-серезьному. При том, что, Путин развязал войну на Донбассе, где погибло 10 тысяч человек, сбит малайзийский боинг — триста мирных жертв, в России продолжаются и еще усиливаются адские репрессии против политической оппозиции. Все видели, только что было много шума по поводу Ильдара Дадина, которого избили в колонии, а он сидит за то, что просто с плакатом стоял. Убили Бориса Немцова. Ну много чего происходит.

Ни слова плохого про Путина и про режим в России за все это время Трамп не сказал.

Мы же тоже считываем тоже этот сигнал — важно это все для него, или для него важны другие вещи. В этом смысле для нас Трамп выглядит как недружественный лидер, враждебный. Враждебный лидер, который является потенциальным союзником Путина и нашим противником.

То есть по сути он стал лидером недружественного для нас государства на сегодня. Для нас Америка, конечно, была символом свободного мира, она действительно очень много сделала для развития демократии в мире. Но с таким лидером это все меняется как в калейдоскопе, и мы видим в нем союзника диктатора. Вы видите, как все диктатуры бросились его поздравить, все антиглобалистские силы просто счастливы от этой победы. Это совершенно не радует. Я делаю вывод о том, что в ближайшее время Америка — это будет страна, которая будет скорее помогать Путину. А нам крайне неприятно, что все эти безобразия, которые в России происходят, не получили от Трампа ни малейшеи моральной оценки.

Concernant l'opposition russe, nous n'avons pas besoin de l'Amérique en tant que telle. Notre tâche, c'est d'apporter des changements en Russie nous-mêmes, et nous n'allons pas attendre après les Américains. Par contre, je vais vous dire une chose.

La campagne de Trump a duré plus d'un an. Pas une fois, non plus que son co-listier Pence, il n'a critiqué sérieusement Poutine. Et ce alors que Poutine avait déclenché la guerre dans le Donbass, où 10 000 personnes sont mortes, abattu un Boeing malaisien — 300 victimes innocentes — et que sur le sol russe se poursuivent de terribles répressions contre l'opposition politique. Tout récemment, tout le monde a vu la tempête médiatique autour du cas d'Ildar Dadine, tabassé en camp pénitentiaire, et incarcéré juste pour avoir tenu une pancarte lors d'un piquet de manifestation. Boris Nemtsov a été assassiné. Et la liste est longue.

Pendant tout ce temps, Trump n'a pas eu un mot contre Poutine et le régime russe.

Autant de signaux auxquels nous sommes attentifs — ces événements ont-ils ou non de l'importance pour lui, ou bien d'autres ? C'est en ce sens que nous percevons Trump comme un dirigeant inamical, hostile. Un dirigeant hostile qui pourrait devenir l'allié de Poutine et notre adversaire.

En substance, il est maintenant à la tête d'un Etat qui nous est pour l'instant hostile. Pour nous, l'Amérique était bien sûr le symbole du monde libre, et elle a fait réellement beaucoup pour le développement de la démocratie dans le monde. Mais avec un dirigeant de ce genre, tout change sans cesse comme dans un kaléidoscope, et nous voyons en lui l'allié d'un dictateur. Vous avez vu comment toutes les dictatures se sont précipitées pour le féliciter, toutes les forces anti-mondialisation sont proprement ravies de sa victoire.

Nous n'avons pas de quoi nous réjouir. Je soupçonne que l'Amérique va rapidement devenir le pays qui va voler au secours de Poutine. Pour nous, il est extrêmement regrettable que tous ces scandales qui se produisent en Russie n'aient pas suscité le moindre jugement moral de la part de Trump.

Milov a partagé ses commentaires sur Facebook, en les intitulant «Rappels à ces cinglés de l'opposition russe que Trump et “le choix du peuple américain” font saliver». «C'est le diable, probablement, qui les égare», écrit-il.