L'élection présidentielle au Nicaragua, une ‘démocratie sans consensus’ ?

Daniel Ortega, presidente electo de Nicaragua por tercera vez consecutiva. Fotografía tomada de Wikimedia Commons.

Daniel Ortega, président-éllu du Nicaragua pour un troisième mandat consécutif. Source photo Wikimedia Commons.

La victoire du président Daniel Ortega à l'élection nicaraguayenne début novembre 2016 n'a surpris ni les observateurs ni la population. Le scrutin, qui s'est déroulé dans une large indifférence des citoyens, ouvre à M. Ortega un troisième mandat consécutif dans ce pays d'Amérique Centrale.

La longue carrière politique de Daniel Ortega a commencé à la tête du Front Sandiniste de Libération Nationale (FSLN), le parti gauchiste qui joue depuis plusieurs décennies un rôle de premier plan au Nicaragua. Les bases du FSLN ont été jetées lors de la révolution sandiniste au Nicaragua et la chute de la dictature d’Anastasio Somoza. S'en est suivie une longue lutte pour le pouvoir avec les Contras nicaraguayens– la contre-révolution — qui avaient l'appui du gouvernement étatsunien.

Le régime Ortega et ses années au pouvoir n'ont cessé de susciter la critique, notamment en ce qui concerne le processus démocratique dans le pays. Un des aspects les plus controversés de cette réélection a été la nomination de la femme d'Ortega, à présent président-élu, comme colisitère.

Sur le blog latino-américain d'information Con Distintos Acentos, la chercheuse Renée Salmerón analyse en profondeur les résultats du scrutin, de même que les arcanes du pouvoir nicaraguayen et les perspectives du pays pour les années à venir. L'article interprète les chiffres et insiste sur ceux qui sont les plus intéressants, mais, plus important, s'attache à la façon dont la démocratie nicaraguayenne, à tous égards, ne paraît pas unir ses citoyens autour d'un but commun:

[En] el país continúa vigente lo que refería [el profesor e investigador Andrés] Pérez Baltodano, para quien en el país lo que se vive es una «democracia electoral sin consenso social». El martes pasado, La Prensa recordaba que hace diez años se celebró el último debate entre candidatos a la presidencia. A aquel debate no acudió el recién reelecto presidente, quien además desde el año 2008 no comparece ante la asamblea nacional.

Dans le pays, existe toujours ce dont parlait [le professeur et chercheur] Andrés Pérez Baltodano, pour qui ce que l'on vit est une “démocratie électorale sans consensus social”. Mardi dernier, La Prensa a rappelé que cela fait dix ans qu'a eu lieu le dernier débat entre candidats à la présidence. Le président récemment réélu n'est pas venu à ce débat, et d'ailleurs il n'a pas paru devant l'assemblée nationale depuis 2008.

Salmerón souligne aussi comment le discours politique, qui tire ses références de l'histoire récente du Nicaragua, ne parvient pas à établir de lien avec la population, et n'a pas pour effet une participation plus large :

La oposición y el gobierno yerran. En el entorno político se ha manifestado cierta tendencia en el discurso de la oposición y algunos analistas sobre la valoración al gobierno. Dicha tendencia tiene que ver con los siguientes factores: El primero, es el que relaciona el contexto político electoral de los 90's con el actual. El segundo, compara al presidente Ortega con el dictador Anastasio Somoza […] El tercero, afirma que existen civiles armados en el norte del país (rebeldes). Y finalmente, un cuarto, es el que asocia la Nica Act (Nicaraguan Investment Conditionality Act) con la política de Estados Unidos en el contexto de la guerra fría. Todo es una reminiscencia del pasado.

Ese discurso no abona el diálogo, y no ha surtido efectos movilizadores en el comportamiento de los ciudadanos.

L'opposition et le gouvernement se trompent. On a vu dans le milieu politique une certaine tendance dans le discours de l'opposition et quelques analystes pour l'évaluation du gouvernement. Cette tendance est liée aux facteurs suivants. Premièrement, elle met en relation le contexte politique électoral des années 90 avec celui d'aujourd'hui. Deuxièmement, elle compare le Président Ortega au dictateur Anastasio Somoza […]. Troisièmement, elle affirme qu'il existe des civils armés (des rebelles) dans le nord du pays. Et enfin, elle associe le Nica Act (la loi sur les conditions d'investissement au Nicaragua) à la politique des Etats-Unis dans le contexte de la guerre froide. Toutes des réminiscences du passé.

Ce discours n'ouvre pas la voie au dialogue, et ne fait pas fructifier la mobilisation dans le comportement des citoyens.

Et de continuer :

Por su parte, el gobierno no ha sabido gobernar para todos, simpatizantes y no simpatizantes. Los ciudadanos incluidos en sus programas sociales, y que integran los gabinetes de poder ciudadano son simpatizantes del FSLN […] en su mayoría. Ello ignora el clivaje histórico sandinismo-antisandinismo […] que existe en el seno de la sociedad y que en la elección se ha manifestado a través de progobierno vs abstención.

Pour sa part, le gouvernement n'a pas su gouverner pour tous, sympathisants et non-sympathisants. Les citoyens inclus dans ses programmes sociaux et qui intègrent les conseils de pouvoir citoyen sont des sympathisants du FSLN. Il ignore le clivage historique entre sandinisme et anti-sandinisme qui existe au sein de la société, et qui s'est manifesté dans l'élection sous forme de pro-gouvernement contre abstentionnistes.

Des élections qui ne construisent pas des démocraties

Un des domaines d'analyse se rapporte à une étude critique des élections. Pour Salmerón et ses collègues, construire une démocratie ne se borne pas à tenir des élections. Il y a de nombreux éléments, et la représentation n'en est qu'un ; qui plus est, si des groupes de déliberation et de discussion ne sont pas impliqués dans les débats, le risque est réel que les élections se réduisent à un événement symbolique sans grande signification :

Empero, no solo los candidatos son responsables por no debatir. Ni los medios, ni las universidades reunieron a los candidatos para discutir sobre sus programas de gobierno. No basta con las elecciones. Como sugirió McConnell (2009: 310) se debe reflexionar hasta qué punto la simple celebración «exitosa y regular» de elecciones es suficiente para consolidar una democracia liberal representativa. Todo parece indicar que no es suficiente. Por qué si desde hace meses se habla de una alta aprobación, y ahora el gobierno gana con una mayoría absoluta, continúa la crítica a un maquillaje de las encuestas o una farsa electoral.

Cependant, les candidats ne sont pas les seuls responsables de l'absence de débat. Ni les médias, ni les universités n'ont réuni les candidats pour discuter de leurs programmes. Les élections ne sufisent pas. Comme l'a évoqué McConnell (2009:310), il faut réfléchir jusqu'à quel point le seul fait de tenir des élections “réussies et régulières” suffit à consolider une démocratie libérale représentative. Tout semble indiquer que cela ne suffit pas. Car si on parle depuis des mois d'une forte approbation, et qu'à présent le gouvernement a gagné avec une majorité absolue, la critique se poursuit de sondages maquillés et de farce électorale.

Un gouvernement de temps de paix, un chamboulement des amis et ennemis

Intervention étrangère et conflit armé n'ont pas disparu de l'actualité. Les temps n'en ont pas moins changé, et les plus grands défis d'aujourd'hui ont plus à voir avec les querelles internes que les influences externes. Pour Salmarón, les défis sont d'unir le Nicaragua autour d'un objectif commun, et de surmonter les obstacles résultant du manque de soutien de certains alliés stratégiques :

El voto duro del FSLN ya ha tenido lo que ha querido: Este partido gobierna en tiempo de paz. No puede alegar más las ideas del “imperialismo” o “el capitalismo salvaje”. No puede evocarse más a los enemigos. Pero además, esta vez no puede citar a los amigos. Hay que decirlo. Dejémonos de tonterías, se acabaron los beneficios producto de la relación con el expresidente Hugo Chávez. El país no es productivo como potencialmente debiera.

La polarización no ha desaparecido. Hay un sector que tiene su espacio en la sociedad. Ello es innegable. Es un reto para el gobierno reivindicarse, corregir los vicios, decir sí a la transparencia, a la inclusión y al verdadero cambio económico social.

Le vote dur du FSLN a déjà eu ce qu'il voulait : le parti gouverne en temps de paix. Il ne peut plus prétexter les idées d’ “impérialisme” ou de “capitalisme sauvage”. Il ne peut plus invoquer ses ennemis. Mais en plus, cette fois il ne peut plus citer d'amis. Il faut le dire. Arrêtons les balivernes, les bénéfices produits par la relation avec l'ex-président Hugo Chávez sont finis. Le pays n'est plus productif comme il devrait potentiellement l'être.

La polarisation n'a pas disparu. Il y a un secteur qui a sa place dans la société. Il est indéniable. C'est un réseau dont le gouvernement peut se revendiquer, corriger les défauts, dire oui à la transparence, à l'inclusion et au véritable changement économique et social.

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