Anton Nossik, un blogueur connu qui a reçu en octobre une amende de 500.000 roubles (environ 7.700 euros) pour un post sur son « Live Journal » dans lequel il appelait la Russie à « effacer la Syrie de la surface du globe », a lancé une campagne pour la suppression de la loi en vertu de laquelle il a été jugé. Il s'agit de l'article 282 de la Constitution de la Fédération de Russie, une loi fourre-tout qui interdit « les actions ayant pour but d'inciter à la haine ou à l'hostilité, d'attenter à la dignité des personnes ou des groupes en raison de leur sexe, race, nationalité, langue, religion, ou de leur appartenance à un groupe ethnique, accomplies en public ou à l'aide des mass medias », souvent considéré comme extrêmement sévère et contraire aux droits humains fondamentaux : un individu peut être reconnu coupable même si ses actes ne provoquent aucune forme de violence, et — depuis l'adoption du « paquet Yarovaya » il y a quelques mois — écoper d'une peine allant jusqu'à cinq ans de prison.
Après le jugement qui l'a condamné à une amende, Nossik a fait parvenir ses propositions à « Initiative publique russe » (IPR), un site web conçu pour filtrer les propositions faites par les particuliers au gouvernement fédéral. Deux mois plus tard, il recevait la réponse : sa proposition avait été approuvée, une pétition serait lancée sur le site le 30 novembre. Les citoyens russes de plus de 18 ans pourraient voter pour ou contre jusqu'à cette date après s'être enregistrés sur un portail gouvernemental. Une proposition doit réunir 100.000 voix pour pouvoir être examinée par le gouvernement fédéral.
Voici le texte de la pétition:
Статья 282 УК РФ о «действиях, направленных на возбуждение ненависти либо вражды» сформулирована таким образом, что допускает огромное количество злоупотреблений, произвольных трактовок, и создаёт почву для уголовных дел за «преступления мысли». Не существует ни одного документа и ни одного судебного решения, в котором было бы внятно прописано, какие высказывания подлежат квалификации как «экстремистские», а какие подпадают под конституционную норму защиты свободы слова. В последние годы мы видим постоянный рост числа случаев, когда эта статья использовалась для преследования инакомыслящих, подавления свободы печатного слова, просто сведения личных счетов между региональными силовиками и критикующими их общественными деятелями. Также известно немало случаев, когда совершенно случайных людей преследовали по этой статье просто «для галочки», для выполнения плана определённых силовиков по «борьбе с экстремизмом». За 21 год её существования статья многократно переписывалась, и каждый раз — в сторону ужесточения наказания. Но внятного определения «экстремизма» в ней как не было, так и не появилось.
L'article 282 de la Constitution russe sur les « actions ayant pour but d'inciter à la haine ou à l'hostilité » est formulé de telle façon qu'il ouvre la voie à de multiples abus et interprétations arbitraires, et offre un terrain propice pour monter des dossiers pour « délit d'opinion ». Il n'y a pas un seul document ou décision de justice qui énonce clairement quels faits sont classifiés comme « extrémistes », et quels faits sont protégés par les normes constitutionnelles en matière de liberté d'expression. Les dernières années, nous avons vu croître régulièrement le nombre de cas où cet article a été utilisé pour poursuivre des dissidents ou réprimer la liberté de la presse, ou simplement permettre la surveillance de comptes privés critiquant les responsables de la sécurité régionale et leur activité publique. On a aussi connaissance de plusieurs cas où des individus lambda ont été poursuivis en vertu de cet article juste pour la montre, dans le cadre d'une soi-disant « lutte contre l'extrémisme ». En vingt et une années d'existence, l'article a connu maintes moutures, à chaque fois dans le sens d'un durcissement. Mais toujours pas de définition claire de ce qu'est l'« extrémisme ».
« Il est temps d'agir collectivement — écrit Nossik dans son « Live Journal » le samedi. — Partager, retweeter, mettre des liens, liker, faire savoir largement que cette initiative est mise au vote, tout cela est bienvenu… Ainsi que tout ce qui peut être visuellement créatif… créez des bannières, des clichés pour Instagram, tout ce que vous pouvez imaginer de beau pour une diffusion la plus large possible…»
Les tribunaux russes ont de plus en plus souvent recours à l'article 282, généralement appelé « loi anti-extrémiste », pour étouffer l'opposition: pour la seule année 2015, il a permis de juger 414 personnes, contre seulement 137 en 2011. Cette loi s'attire des critiques non seulement à l'étranger, mais aussi de la part d'un certain nombre de députés russes en raison de l'extraordinaire latitude qu'elle donne aux juges pour des poursuites motivées par des raisons plus politiques que judiciaires. Il y a quelques mois, Mikhaïl Dektariov, Alexeï Didenko et Ivan Soukharev, membres de la LDPR, le Parti libéral-démocrate russe [d'extrême droite] ont porté à la Douma d'Etat un projet de loi sur l'abolition de l'article 282. Le projet demandait que soit reconnu son caractère négatif, en ce qu'il ouvre la voie à des poursuites contre « n'importe quel citoyen pour ses centres d'intérêt idéologiques personnels ». Le projet n'a pas été adopté; l'article 282 est toujours en vigueur.
Le mardi, Nossik a publié dans son « Live Journal » un Questions & Réponses pour ses lecteurs, exposant les raisons de signer la pétition. Selon ses dires, l'article 282 est une loi « dont personne n'a jamais constaté l'utilité, mais dont les abus sont légion. L'élasticité de l'article 282 permet de convaincre de culpabilité tout aussi bien les commissaires d'expositions que les utilisateurs de VKontakte qui publient une caricature antiraciste».
Как же бороться с экстремизмом, расизмом, ксенофобией, если эта статья будет отменена? В российском законодательстве предусмотрено больше дюжины разных статей для уголовного и административного преследования за экстремистскую деятельность, позволяющих привлекать к ответственности правонарушителей за конкретные совершённые ими деяния, а также за членство в экстремистских и террористических организациях. Особенность 282-й статьи состоит в том, что она приравнивает к делам высказанные вслух мысли, мнения, и даже простое выражение согласия с чужими словами. Таким образом, практика по 282-й статье, в сущности, мешает реальной борьбе с преступлениями на почве расовой и религиозной нетерпимости, отвлекая правоохранительный ресурс на деяния, не представляющие никакой общественной опасности.
Comment faire pour lutter contre l'extrémisme, le racisme, la xénophobie si cet article est supprimé? La législation russe prévoit plus d'une douzaine d'articles pour poursuivre judiciairement et administrativement les activités extrémistes, permettant d'engager des poursuites contre des contrevenants pour des actes concrets commis par eux, mais aussi pour leur appartenance à des organisations extrémistes ou terroristes. La spécificité de l'article 282 est de mettre sur le même plan les idées exprimées à voix haute, les opinions, et même la simple expression d'un accord avec les paroles d'une autre personne. Ainsi, l'application de l'article 282, en définitive, nuit à la vraie lutte contre les délits liés à l'intolérance raciale ou religieuse, en concentrant les ressources juridiques sur des actes ne présentant aucune dangerosité.
Насколько эта проблема вообще актуальна? Ведь по 282-й статье привлекают к уголовной ответственности всего несколько сотен человек в год. Практика уголовного преследования за преступления мысли чрезвычайно соблазнительна для карательных органов. Назначать «злодеев» с помощью Гугла и Яндекса проще, чем ловить настоящих преступников на улице, вести агентурную работу в экстремистском подполье, собирать улики. Поэтому практика по 282-й растёт в последние годы как раковая опухоль, в то время как профилактики реальных преступлений на почве нетерпимости мы вообще не видим. С учётом тенденции роста дел по 282-й за последнее пятилетие, уже в 2017 году счёт обвиняемым пойдёт уже на тысячи, а процент оправданных по этой статье к сегодняшнему
равен нулю.
En quoi est-ce vraiment un problème ? Quelques centaines de personnes par an seulement sont poursuivies sur la base de cet l'article 282. Le recours à des procédures judiciaires pour des délits d'opinion s'avère extrêmement séduisant pour les instances punitives. Il est plus simple de désigner les « méchants » à l'aide de Google et Yandex que d'arrêter les vrais criminels dans la rue, de faire un travail d'infiltration dans les milieux extrémistes ou de réunir des indices. C'est pourquoi le recours à l'article 282 a enflé ces dernières années comme une tumeur cancéreuse, alors que dans le même temps, la prévention contre les crimes réels n'a pas pas avancé. Le recours à l'article 282 était à la hausse durant les cinq dernières années; en 2017, le nombre de personnes reconnues coupables atteignait déjà des milliers, tandis que le pourcentage de personnes innocentées avoisine zéro.