L'artiste kirghize Gulzada Ryskulova a secoué la scène musicale locale avec une puissante interprétation d’un poème épique qui est l’un des fondements de la culture de ce pays d'Asie centrale.
Les conteurs de l'épopée de Manas, appelés manastchi, sont les gardiens d'une tradition orale dont les origines restent obscures. Ce sont aussi presque toujours des hommes.
Bannie sous l'Union soviétique, la tradition de cette captivante poésie orale qui raconte la vie d'un roi guerrier mythique a été considérablement stimulée pendant le mandat du premier président du Kirghizistan, Askar Akayev.
Avec la sortie d'une chanson basée sur l'épopée et chantée par une femme, le conte de Manas prend une nouvelle dimension pour délivrer un message urgent sur la nécessité de préserver la nature incroyable du pays et son patrimoine nomade.
Ryskulova a écrit sur Facebook :
Friends,
The whole might of the Kyrgyz Nomadic Spirit, the intimate, magical fluids of our mountainous country. Authentic feelings can be experienced through the voice, the music and the song of “”Aikol Manas”. The epic of Manas stands as the most crucial cultural legacy of Kyrgyzstan. In the span of two years we have worked tirelessly to achieve a deep [and] quality immersion into the marvellous, centuries old Kyrgyz culture.
Mes amis,
Toute la puissance de l'esprit nomade kirghize, les forces intimes et magiques de notre contrée montagneuse. Des sentiments authentiques peuvent être vécus à travers la voix, la musique et le chant de « Aikol Manas ». L'épopée de Manas est l'héritage culturel le plus important du Kirghizistan. Pendant deux ans, nous avons travaillé sans relâche pour parvenir à une immersion profonde et de qualité dans la merveilleuse culture kirghize séculaire.
Ci-dessous, le clip avec Gulzada, produit par Sumsarbek Mamyraliyev:
La version de Gulzada est une célébration de la culture kirghize, mais c'est aussi un défi lancé au patriarcat qui actuellement imprègne l'épopée. C’est en partie parce qu'il existe de nombreuses versions de la légende de Manas (tant écrites qu'orales) qu’il y a également différentes interprétations quant à ce que le roi guerrier devrait représenter pour le peuple kirghize.
Alors qu’Akayev a utilisé le conte de Manas comme un moyen de rassembler les divers groupes ethniques du Kirghizistan, plus récemment l'épopée a été détournée par des nationalistes qui veulent mettre l’accent sur la place des Kirghizes de souche comme étant les « enfants de Manas ».
Les féministes et les libéraux se sont sentis d’ailleurs lésés quand une statue symbolisant la liberté sous la forme d'un ange féminin en vol a été remplacée par une statue de Manas peu après que le Kirghizistan eut enduré sa deuxième et sa plus sanglante révolution en 2010.
Il y a près de deux ans, Global Voices avait écrit un article à propos d'un bénéficiaire de Rising Voices*, l'école Devochki-Aktivisti du Kirghizistan (jeunes filles activistes).
Une des histoires publiées sur le blog géré et édité par Devochki-Aktivisti et composé de lettres qui leur sont envoyées concernait une jeune fille Manastchi.
Dans cette histoire, la jeune fille écrivait :
Je suis une fille Manastchi (conteuse de l'épopée de Manas) depuis que j'ai 3 ans. Quand j'étais enfant, tout le monde trouvait que c’était formidable. Ils considéraient tous les enfants comme des égaux. Mais j'ai grandi et j'ai constaté que le fait d'être une fille plus âgée est beaucoup plus difficile. A partir de l'âge de 9 ans, tout le monde a commencé à me dire que je devais me conformer aux stéréotypes. Et c’est ainsi que mon activité préférée, être conteuse, s'est arrêtée pendant un certain temps. Je m'étais déjà résignée au fait que j'étais une fille.
Ci-dessous, vous pouvez voir cette jeune fille en train de donner un récital dans le style Manastchi pour promouvoir l'égalité entre les sexes :