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A New York, la mode et son impact social vus par une designer irano-américaine

Catégories: Etats-Unis, Arts et Culture, Médias citoyens, The Bridge
Model displays one of the scarves inspired by the maps of cities for Cityzn by Azin.

Ci-dessus une des écharpes inspirées par les cartes des villes, de Citizen by Azin. Photo partagée par Azi Valy et utilisée avec permission.

A la lumière des guerres et conflits présents dans le monde, une designer de New York a créé une marque inspirée par les villes qui cherchent à mettre en évidence leurs points communs tout en respectant les différences, et à créer « une prise de conscience de la ville et à faire de la mode un outil de transmission de messages pour créer un impact social ».

L’architecte devenue designer Azin Valy, irano-américaine, co-fondatrice du cabinet d’architecture I-Beam Design, entreprise basée à New York et plusieurs fois récompensée, a lancé en 2012 Cityzen by Azin [1], une marque de mode et d’accessoires de luxe.

A model wears one of Azin's scarves.

Un mannequin portant l'une des écharpes d'Azin. Les motifs sont censés connecter “le cœur et l'âme de la ville à un vêtement”. Photo partagée par Azin et utilisée avec permission.

“C’est une façon de connecter le cœur et l’âme d’une ville à un vêtement. Il est notre première structure habitable… Il s’agit d’avoir l’air audacieux et d’être audacieux. Il s’agit d’une citoyenneté mondiale, pas seulement de nationalisme ou de régionalisme », m’expliqua Azin Valy pendant une interview dans son bureau, à Soho.  « Voilà une façon de porter littéralement sa fierté sur soi, ou tout simplement de se connecter à la communauté mondiale ».

Omid Memarian: How did you go from being a successful architect to the fashion world?

Azin Valy: In 2011, my architecture firm, I-Beam Design, founded by Suzan Wines and me, was nominated for an urban planning exhibition at the Museum of Modern Art (MOMA) examining the future of cities that were going through the foreclosure crisis. As I was researching the urban structure of these cities—in New York, New Jersey, Florida, California and Nevada—I was amazed by their breathtaking views from above, despite the crisis they were facing on the ground. I wondered if there was a way to highlight their beauty while raising awareness about their challenges by incorporating them into textile designs. There I saw an opportunity to merge fashion and architecture (vis-à-vis urban planning) with social entrepreneurship. And so Cityzen by Azin was born, to bring awareness to place, and leverage fashion as a messaging tool to create social impact.

What excited me was the idea of allowing the landscape to define each design. For instance, the Tiber River forming the neckline of the Rome dress or the Chao Phraya River becoming a strap in the Bangkok dress, and the Ganges turning into a slit on the Dhaka dress.

The superimposition of the cities onto the shape of the body and playing around with the scale of each allowed numerous interpretations of each design which literally opened up a whole world to me. I felt that I could spend the rest of my life generating infinite designs while learning about each place and virtually traveling the world. It was also a way for me to connect to places I loved as well as places I was curious about.

Omid Memarian: Comment êtes-vous passée d’architecte à succès au monde de la mode  ?

Azin Valy: En 2011, mon cabinet d’architecture, I-Beam Design, créé par Suzan Wines et moi, a été proposé pour une exposition d'urbanisme au MOMA (Musée d'art moderne de New York) qui examinait l’avenir des villes qui traversaient la crise des expropriations (due aux subprimes). Alors que je faisais des recherches sur la structure urbaine de ces villes – dans les Etats de New York, du New Jersey, de Floride, de Californie et du Nevada – j’ai été stupéfaite par les vues à couper le souffle, malgré la crise perceptible au niveau du sol. Je me suis demandé s’il y avait un moyen de mettre l’accent sur la beauté de ces villes tout en faisant prendre conscience des défis auxquels elles sont confrontées, et je les ai incorporées dans les dessins de tissus. J’y ai vu une opportunité de fusionner la mode et l’architecture avec l’entreprenariat social. Et voilà comment est né Cityzen by Azin, dans le but de faire prendre conscience de la ville, et faire de la mode un outil de messagerie pour créer un impact social ».

L’idée que le paysage définisse le design était excitante. Par exemple, le Tibre formant le décolleté de la robe Rome ou le Chao Phraya devenant une bande sur la robe Bangkok, et le Gange se transformant en fente sur la robe Dacca.

La superposition des villes sur les courbes du corps et le jeu autour de celles-ci permettaient de nombreuses interprétations de chaque dessin, ce qui m’a littéralement ouvert à un monde sans limites. J’ai alors compris que je passerai le reste de ma vie à générer des dessins infinis tout en apprenant beaucoup sur chaque lieu et en voyageant virtuellement dans le monde. C’était également une façon de connecter les lieux que j’aime ainsi que ceux qui attisaient ma curiosité.

A portrait of the Iranian-American fashion deigner Azin Vali.

A portrait of the Iranian-American fashion designer Azin Valy. Photo shared by Azin and used with permission.

OM: When did you think of turning your idea into a fashion brand?

AV: When I realized the tremendous potential this concept has both from a design and creative point of view as well as the social impact it could have. After all, I am dealing with the World!
As an Iranian-American, I straddle two seemingly very different cultures that actually have a lot in common, yet are full of misconceptions about one another. I thought it would be a great opportunity to create a brand that transcends physical and mental borders and promotes a global dialogue towards understanding and peace.

OM: Quand avez-vous décidé de créer votre marque ?

AV: Quand j’ai réalisé l’énorme potentiel de ce concept aussi bien d’un point de vue créatif que du design, ainsi que l’impact social que ce projet provoquerait. Après tout, je dois m’occuper du monde entier !

En tant qu’Irano-Américaine, je jongle entre deux cultures en apparence très différentes, qui ont en réalité beaucoup en commun, et qui sont pourtant victimes de préjugés. L’opportunité était grande pour moi de créer une marque qui transcende les frontières physiques et mentales, et de promouvoir un dialogue global sur la compréhension et la paix.

OM: How you choose which cities to do?

AV: It varies according to the places I’ve been to or where I would like to go, or where my staff is from, but also based on world events and places in conflict or crisis. I research each city and learn about its history, culture, architecture, craft, etc. and choose colors accordingly. Each Cityzen piece is accompanied by a small hang tag or mini-guide that celebrates the featured city through the six senses of sight, sound, touch, taste, scent and thought, where we promote books to read or music to listen to or foods to taste.

I am also an idealist and like to choose cities that are in conflict, and show that the world is far greater than all the petty differences we go to war over, and that we need to unite in preserving it rather than destroying it. By raising awareness of areas in conflict or crisis, I hope to draw more attention to the plight of the people living there and utilize my brand for greater social impact.
I also work in collaboration with various charities to help raise funds and awareness for their causes according to their geographic location.

OM: Comment choisissez-vous les villes présentes sur vos vêtements ?

AV: Tout dépendait des lieux dans lesquels je me suis rendue, ou dans lesquels j’aurais aimé aller, ou d’où était issue mon équipe, ainsi  que des événements mondiaux et des villes en conflit ou en crise. Je fais de nombreuses recherches sur chaque ville et son histoire, sa culture, son architecture, son artisanat etc., et je choisis des couleurs en fonction de ces paramètres. Chaque pièce Cityzen est accompagnée d’une petite étiquette volante ou d’un mini-guide qui célèbre les villes choisies, à travers les six sens que sont la vue, l’ouïe, le toucher, le goût, l’odorat et la pensée, dans lesquels nous faisons la promotion de livres à lire, de musiques à écouter ou de plats à goûter.

Comme je suis également une idéaliste, j’aime sélectionner des agglomérations en conflit, montrer que le monde est plus grand que les insignifiantes différences qui déclenchent des guerres et affirmer que nous avons besoin de nous unir pour préserver ces villes plutôt que de les détruire. En mettant en évidence des cités en conflit ou en crise, j’espère attirer l’attention sur la situation désespérée des personnes vivant en ces lieux, et utiliser ma marque pour créer un plus grand impact social.

Je travaille aussi en collaboration avec diverses associations caritatives afin de lever des fonds et de promouvoir leurs causes en fonction de leur situation géographique.

A model wears one of Azin's scarves. Photo shared by Azin and used with permission. [2]

A model wears one of Azin's scarves. The line intends to have women ambassadors from all over the world to represent different cities in an effort to promote a global dialogue. Photo shared by Azin and used with permission.

OM: How hard was it to enter the super competitive fashion market?

AV: The challenge was the fact that I am an outsider to the fashion world—which may be an opportunity in and of itself. There is a lot that I have learned in a short period of time and a lot more to learn. I am excited about every aspect of it.

What is exciting about the fashion profession relative to architecture is the immediacy it has and the exposure it gets. The fashion industry has a tremendous ability to channel women who are 80% of the consumers into asserting their point of view not only through their spending but also their intellect.

OM: A quel point cela fut-il difficile d’entrer dans ce marché si concurrentiel qu’est la mode ?

AV: Le défi provenait du fait que je suis  étrangère à ce milieu – ce qui peut être une opportunité en soi. J’ai beaucoup appris en peu de temps, et il me reste encore beaucoup à apprendre. Chaque aspect de la mode m’enthousiasme.

Ce qui est captivant à propos de la mode par rapport à l’architecture est l’immédiateté et l’exposition qu’elle reçoit. L’industrie de la mode a cette capacité incroyable de permettre aux femmes – qui représentent 80% de la clientèle – de revendiquer leur point de vue non seulement à travers leurs achats, mais aussi grâce à leur intelligence.

OM: How do you envision the future of your brand? What’s the next step?

AV: For the near future, we are working on a collection of coats with an incredible Afghan/Swiss/American designer who is also an architect. Her name is Zolaykha Shehrzad of Zarif Design and she supports over 30 women in Kabul. We are producing a Kabul collection for next year which I am very excited about. We hope to have an event in the near future to showcase both brands and help raise funds towards peace efforts.

For the distant future, I am hoping to have women “ambassadors” from all over the world come together in sponsoring different cities and promoting a wider dialogue towards peace, as they are the peacemakers and the majority of donors in the world. I am also working on a business model in which I can partner with international and nongovernmental organizations to employ displaced people, particularly women, at fair market prices while creating a mobile manufacturing center within refugee camps.

Speaking literally and metaphorically, I have the entire world at my disposal to work with, and have come full circle in connecting all my interests.

OM: Comment envisagez-vous l’avenir de votre marque ? Quelle est la prochaine étape ?

AV: Nous travaillons actuellement sur une collection de manteaux avec une fabuleuse créatrice Afghane/Suisse/Américaine, également architecte. Elle s’appelle Zolaykha Shehrzad, de Zarif Design, et soutient plus de 30 femmes à Kaboul. Nous produisons une collection Kaboul pour cette année, et je suis vraiment très enthousiaste. Nous espérons organiser bientôt un événement afin de présenter les deux marques et lever des fonds pour soutenir les efforts de paix.

Dans un avenir plus lointain, j’espère avoir comme « ambassadrices » des femmes du monde entier, qui se rassembleront pour parrainer différentes villes et promouvoir un dialogue plus large pour la paix, car elles sont les artisans de la paix et représentent la majorité des donateurs. Je travaille aussi sur un modèle commercial dans lequel je peux m’associer avec des organisations gouvernementales et non-gouvernementales qui emploient des personnes déplacées, surtout des femmes, à un prix équitable tout en créant un centre de fabrication mobile dans les camps de réfugiés.

Pour parler de façon littérale et métaphorique, j’ai le monde entier à ma disposition avec lequel coopérer, et je peux faire le tour complet de tous mes centres d’intérêts.