L’Australie doute de la guerre contre les drogues

Nimbin H.E.M.P. Embassy

L'ambassade de H.E.M.P. à Nimbin (hemp = le chanvre – Nimbin est un village australien connu pour sa communauté de hippies) – Avec l'aimable autorisation de Nimal Skandhakumar sur Flickr (CC BY-NC-ND 2.0)

[Article d'origine publié en anglais le 7 décembre 2016] Nombre d’Australiens ont soutenu dans sa démarche Richard Di Natale, chef de file du parti des Verts, quand il a appelé récemment de ses voeux la fin de la guerre contre les drogues. Les Verts sont un parti minoritaire en faveur de la protection de l’environnement, d’une politique environnementale responsable dont fait partie la lutte contre le réchauffement climatique, et de la justice sociale.

Opposition farouche ou encadrement ? Le désaccord entre politiciens, décideurs et professionnels de santé dure depuis des années quant à la stratégie à adopter face à la consommation récréative de drogue, alors même que l’opposition classique entre partisans d’un durcissement des lois et de la dépénalisation fait partie des sentiers battus.

Bien évidemment, l’opinion publique s'intéresse plus que passagèrement au programme de dépénalisation des Verts puisque celui-ci comprend notamment la distribution de kits lors de festivals de musique. Ceux-ci permettraient aux spectateurs de tester la composition des substances qu’ils ont achetées. Le mouvement #JustOneLife, qui soutient cette proposition, est sous le feu des critiques après avoir testé ces kits de tests légaux cet été.

Sur Twitter, les réactions de la part de professionnels de santé ont été très nombreuses, tandis que d’autres ont vu en certains projets de loi tels que celui de la Thaïlande, qui s’apprête à dépénaliser les méthamphétamines, la preuve que l’on assiste à l’émergence d’un mouvement d’envergure mondiale.

L'essai courageux par la Thaïlande d'une approche à contre-courant de la soi-disant “guerre contre les drogues” mérite  qu'on en recommande l'adoption…

La Société médicale australienne, à en croire son président le docteur Dr Michael Gannon, rejette la dépénalisation de drogues illicites dont le cannabis, mais souhaite qu'on ne s'arrête pas là :

L'AMA est favorable à la substitution, à la réhabilitation, au traitement. Tout relâchement de la loi sur le cannabis doit être accompagné d'une éducation précise, bien dotée en ressources

The Age, parmi les quotidiens australiens les plus lus, soutient cette démarche; d’après le journal, la guerre contre les drogues ‘‘devrait être abandonnée en faveur d’une politique de limitation des risques fondée sur la dépénalisation, la régulation et l’éducation.’’ Il ajoute, ‘’nous soutenons fermement cette proposition, et nous estimons que les ressources gaspillées par cette ‘guerre’ malavisée et indéfendable devraient être redistribuées de la justice vers la santé, car il faut davantage de centres de traitement et d’accompagnement pour aider les personnes ayant des problèmes de drogues à en guérir.’’

De nombreux tweets ont renvoyé à cet éditorial. L'utilisateur de Twitter et médecin Alex Wodak, partisan d'une réforme de la législation sur les drogues, est très déçu de l'inaction des politiques :

Dans les média, de plus en plus d'éditoriaux et de tribunes réclamant une réforme urgente de la législation sur les drogues, mais beaucoup de responsables restent dans le déni.

Le mouvement Harm Reduction Australia (‘Limiter les risques Australie’] a mis en ligne un communiqué qui évoque ce qu’il appelle ‘l’hystérie autour des drogues’ :

’Lorsque les Verts ont fait part de leur volonté d’abandonner leur opposition farouche à la légalisation des drogues en faveur d’une approche plus empirique et régulatrice, les réactions ont été mal fondées et parfois très étranges.

… L’arrestation, la condamnation et dans certains cas l’emprisonnement ont un impact permanent sur la vie de dizaines de milliers de personnes chaque année, et il s’agit d’une démarche coûteuse, contreproductive et dangereuse.

De plus, nous observons une nouvelle fois une inquiétante augmentation du nombre de décès par overdose.

Quelques rares réactions en ligne ont critiqué la proposition des Verts. Peut-être une expression de la majorité silencieuse, dont le commentaire de Shooglebunny sous un article du Guardian pourrait bien représenter l'opinion :

Oui, il est toujours temps pour une ‘conversation adulte’ qui devra évidemment conclure que la légalisation des drogues sera ce qu'il y a de mieux depuis l'invention de l'eau chaude.

Il est essentiel que la classe moyenne puisse accéder facilement à l'herbe et aux drogues douces, sans possibilité d'être criminalisés et qu'une sorte de contrôle qualité soit imposé.

De cette façon ils peuvent fumer, sniffer et avaler comme bon leur semble. Peu importent les conséquences sociales négatives pour les moins privilégiés; ceux-là ne comptent pas de toute façon.

Tout cela peut paraître vain pour le moment, puisque les grands partis n'ont guère montré d'intérêt à discuter la proposition des Verts. La ministre fédérale de la Santé, Sussan Ley, a balayé les “appels au changement” des Verts. Le parti Travailliste dans l'opposition n'approuve pas actuellement la dépénalisation, et argumente plutôt pour davantage de possibilités de traitement et un renforcement des politiques de minimisation des risques.

Les Verts comptent neuf sénateurs et un député au Parlement fédéral. Comme le gouvernement n'a pas de majorité au Sénat, ils ont la possibilité de maintenir la question à l'ordre du jour national.

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