Au Liban, la décharge en bord de mer qui met en danger aussi les avions

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167 mètres, la distance entre la décharge et l'aéroport” Image publiée par ‘Labne&Facts’ sur Facebook. Source: Facebook.

Le risque de collision avec les oiseaux sur les pistes de l'aéroport international de Beyrouth, le seul du Liban, et à proximité, ne date pas d'aujourd'hui. Le problème est soulevé périodiquement par les médias, les écologistes et les citoyens conscients, depuis le jour où la décharge de Costa Brava a été installée à côté de l'aéroport, l'une des deux censée remédier à la crise apparemment sans fin des déchets du pays.

Mais ces derniers jours ont relancé l'anxiété devant le phénomène avec des reportages récents témoignant d'une aggravation. Une vidéo de la Radio-télevision libanaise (LBC) montre des mouettes planer en nombres plus importants que documenté jusqu'à présent au-dessus tant de l'aéroport international de Beyrouth que du site d'enfouissement.

L'information a incité beaucoup de monde à demander aux grandes compagnies aériennes et même à l’Association du transport aérien international (IATA) si des mesures sont prises pour empêcher une catastrophe :

Quelles mesures sont-elles prises par l'IATA pour éviter qu'une vraie catastrophe avec des morts se produise à l'aéroport de Beyrouth, Liban ?

Le juge des référés du Mont Liban Hassan Hamdan a répondu en ordonnant la fermeture provisoire de la décharge Costa Brava. La décision est intervenue après que des sources ont confirmé que plusieurs avions avaient croisé des mouettes sur les pistes de l'aéroport international de Beyrouth à l'atterrissage et au décollage.

Les oiseaux sont attirés par les déchets organiques trouvés dans la décharge, et peut-être aussi par la pollution de la rivière Ghadir voisine, abondante source de nourriture. Les diffuseurs d'ultra-sons installés par l'administration pour les éloigner ont perdu toute efficacité car les oiseaux s'y sont accoutumés.

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Mouettes sur la décharge Costa Brava à côté de l'aéroport de Beyrouth. Source: Capture d'écran du reportage de LBC. 

Selon une source judiciaire, les déchets sont toujours susceptibles d'être apportés au dit site jusqu'à ce que le jugement devienne exécutoire. Autrement dit, les ordures ne devraient pas s'accumuler dans les rues au cours des prochains jours.

Pour sa part, le nouveau ministre de l'Environnement Tarek Khatib a écarté les craintes d'une nouvelle crise des ordures semblable à celle qui a débuté en 2015, et qui a vu des montagnes de détritus s'empiler dans les espaces publics. Quant au ministre des Travaux Publics Youssef Finianos, il a déclaré à la presse le 11 janvier que la rivière Ghadir fortement polluée, qui se jette dans la mer à proximité du site de la décharge et pourrait être un autre point d'attraction pour les oiseaux et d'autres animaux, sera traitée.

The dumpsite as seen from the road. Photo taken by Zeina Nasser and used with permission.

La décharge vue depuis l'autoroute. Photo prise par Zeina Nasser et utilisée avec autorisation.

Le danger des collisions d'oiseaux

Si les collisions avec des oiseaux ne sont pas une cause principale d'accidents aériens fatals, elles n'en causent pas moins de sérieuses préoccupations pour la sécurité et l'économie. En tout, 219 voyageurs aériens ont été tués dans le monde à la suite de collisions avec des oiseaux depuis 1988, d'après Boeing. Le cas le plus catastrophiques se produisit le 4 octobre 1960, lorsque le vol 375 d'Eastern Air Lines, partant de Boston, heurta une volée d'étourneaux durant le décollage et eut ses quatre moteurs endommagés. L'avion s'écrasa alors sur le port de Boston et 62 passagers périrent.

Un autre cas célèbre eut lieu en 2009 à New York, popularisé par le biopic hollywoodien de 2016 du commandant Chesley “Sully” Sullenberger. Le vol US Airways 1549 de LaGuardia à Charlotte/Douglas International fut contraint à se poser sur l'Hudson River après être entré en collision avec un vol d'oies sauvages qui a mis en panne les moteurs. Les 150 passagers et les cinq membres d'équipage ont tous survécu après l'amerrissage héroïque.

Du point de vue économique, les dommages aux avions causés par les oiseaux sont estimés à des milliards de dollars, amenant de nombreux aéroports à renforcer les dispositifs de contrôle des animaux. Les mouettes comptent pour 77 % des accidents, selon l’International Bird Strike Committee [Commission internationale des collisions avec les oiseaux], et constituent la majeure partie de ceux qui fréquentent les environs de l'aéroport de Beyrouth. Si la plupart des aéronefs modernes sont construits pour résister aux dangers causés par les collisions avec les oiseaux, les aéroports à travers le monde prennent la menace au sérieux et emploient maintes techniques pour les repousser.

Le massacre des mouettes de Beyrouth

Le 14 janvier 2016, des dizaines de chasseurs ont été vus tirant des mouettes à côté de l'aéroport. Ces chasseurs se seraient vu remettre les cartouches nécessaires et auraient été acheminés, disent les activistes. Un chasseur a déclaré à LBC :

On nous a seulement donné les cartouches. Seules les mouettes sont ciblées car elles menacent la sécurité de l'aviation civile.

Un avis que ne partagent pas les mouvements de défense de l'environnement comme Lebanon Eco Movment, qui a partagé la photo, ci-dessous, d'un moineau mort, ainsi commentée :

.مجزرة الطيور لا تقتصر على ١٧ نوع من طيور النورس وانما تطال كل ما له جانحين
بالصورة طائر دوري مقتول من الفواصين المجرمين والمرسلين من مجرم حاقد لل يحترم الحياة

Le massacre d'oiseaux ne s'est pas borné à 17 types de mouettes. Il a visé tout ce qui possédait des ailes. Sur cette photo vous pouvez voir un moineau domestique mort, tué par des criminels envoyés par un criminel qui a une rancune contre le respect de la vie.

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Un moineau domestique mort à la décharge Costa Brava. Source: Lebanon Eco Movement sur Facebook

Les faits ont été condamnés par les militants sur les médias sociaux, et ont fait scandale chez les écologistes :

Honte à MEA AIR LIBAN pour avoir transporté les chasseurs qui s'en donnent à coeur joie pour descendre les oiseaux sur la décharge Costa Brava. RT SVP.

A la fin de la journée, des oiseaux gisaient fusillés par centaines, sans aucun aveu de responsabilité des responsables publics libanais. Le ministre libanais de l'Environnement nouvellement nommé commença par prétendre ne pas être au courant du plan d'abattage des oiseaux, avant de demander aux citoyens d'imaginer de meilleures alternatives.

Infraction aux conventions internationales ?

Les mouvements environnementalistes ont accusé le gouvernement libanais d'avoir violé les traités internationaux avec cette chasse. Le traité concerné le plus important est l'Accord sur la conservation des oiseaux d'eau migrateurs d'Afrique-Eurasie (AEWA) de 1999, auquel le Liban est partie, et qui couvre 254 espèces d'oiseaux.

Selon la Ligue libanaise pour la conservation des oiseaux, plusieurs autres espèces ont aussi été victimes de ce massacre. Ce sont le chevalier gambette, le chevalier guignette, la tourterelle turque, la tourterelle maillée, la tourterelle des bois, le moineau domestique, l'aigrette garzette, le grand cormoran, la sterne caugek, la mouette rieuse, la mouette pygmée, et la mouette mélanocéphale.

Enfin, dans un entretien avec Newsroom Nomad, Paul Abi Rached, le président de Lebanon Eco Movement, a dit que la décision du gouvernement libanais de mettre en oeuvre des ‘solutions’ de court terme peut avoir des conséquences catastrophiques :

Les oiseaux reviendront au bout d'un moment, et leur tirer dessus ne servira à rien … Pour résoudre ce problème on doit fermer la décharge Costa Brava et traiter le problème du Ghadir à la racine. Rien d'autre ne pourra marcher.

C'est à la fois illégal et criminel, mais ça montre avant tout l'incompétence de ce gouvernement … La décharge a été installée pour durer quatre ans, et on dirait qu'ils [les autorités] veulent garder les choses en l'état de manière à paver la voie aux incinérateurs, qui seront présentés à l'opinion comme la seule solution au problème des déchets.

J'ai des raisons de croire qu'ils vont recourir à cette tactique immorale et illégale [tirer les oiseaux à la carabine] comme un moyen de couvrir leurs carences et garder la décharge en service … C'était le premier test du nouveau gouvernement, ils promettaient de protéger l'environnement et ils ont gravement échoué.

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