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La longue route vers l’isolement diplomatique du Burundi

Catégories: Afrique Sub-Saharienne, Burundi, Médias citoyens, Politique, Relations internationales
Burundian troops board AMISOM plane. 28 June 2016. By AMISOM Photo / Ramadan Mohamed.

Des militaires burundais embarquent dans un avion de l'AMISOM. 28 Juin 2016. Par AMISOM Photo [1]/ Ramadan Mohamed.

Depuis plusieurs mois, la longue crise politico-sécuritaire au Burundi exacerbe les tensions diplomatiques et la détérioration économique.

Mi-2015, la répression des manifestations contre le troisième mandat controversé du président a provoqué un coup d’Etat raté et des rébellions armées, ce qui a déclenché une répression des rebelles armés et également des militants des droits humains, des opposants pacifiques, et les médias [2]. Des centaines ont été tués, beaucoup plus détenus ou torturés, et 328.000 [3] déplacés dans les camps de réfugiés. Pierre-Claver Mbonimpa, un militant des droits humains qui vit en Belgique depuis une tentative d’assassinat en 2015, a décrit [4] comment la violence autoritaire est devenue moins publique au cours de 2016, par exemple avec les disparitions [5].

Isolement international

En octobre, après l'ouverture d'une enquête préliminaire [6]sur les atteintes aux droits humains, Bujumbura a fait l’annonce sans précédent de son retrait de la Cour Pénale Internationale [7], suivie par l’Afrique du Sud et la Gambie. L’ambassadeur burundais auprès de la Haye a dit [8] que c’était « le peuple » qui l’avait exigé, mais des membres de la diaspora ont protesté [9] contre cette décision, et plusieurs [10] Burundais ont porté [11] plainte pour crime contre l’humanité.

Des manifestations [12] pro-gouvernementales ont fortement [13] dénoncé les critiques. Pourtant, selon [14] SOS Médias Burundi – une initiative « clandestine » fondée après la fermeture forcée des radios indépendantes en 2015 – certaines personnes avaient été contraintes à y participer. Dans le contexte actuel, il est difficile de mesurer le soutien populaire pour le gouvernement ou ses opposants à cause du déplacement en masse et des restrictions sur les médias et l’expression politique.

des terroristes ont réussi et ils ont essayé de tuer Willy Nyamitwe [Ministre des Communications]. Bruxelles et l’UE les ont soutenus…

Le gouvernement a mis fin à sa collaboration [23] avec le HCDH, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, à la suite d’un rapport [24] accablant, rejeté [6] comme biaisé par les ministres. L’ONU avait de plus passé une résolution pour établir  une commission d’enquête, nommée [25] le 22 novembre. Le gouvernement a aussi demandé le remplacement d’encore un envoyé spécial, Jamal Benomar.

Des officiels ont dit que les critiques occidentales révèlent le néocolonialisme et une intention cachée de contrôler les réserves de nickel du pays. En novembre, le journal Iwacu a publié une traduction en français, du kirundi original, du discours [26] du secrétaire-général du parti au pouvoir, où la Belgique est identifiée comme « l’ennemie » pour avoir généré des divisions ethniques et des tensions entre l’UE et le Burundi. Il a également accusé la Belgique d’avoir soutenu le coup d’Etat raté.

Le conseiller communication du président Willy Nyamitwe a dénoncé [27] une « guerre de médisance et de déstabilisation » par l’UE, et le président a prévenu que toute coopération [27] avec le Rwanda et la Belgique pourrait cesser. En décembre, l’absence des ambassadeurs européens à une réunion a fait monter encore plus la tension [28] diplomatique.

Le dialogue facilité par la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), dirigé par l’ex-président tanzanien Benjamin Mkapa, a été improductif : [32] l’activité n’a pas été dynamique et les officiels ont refusé de parler avec la coalition d’opposition, le CNARED.

En décembre, Mkapa a fait la déclaration inattendue que les opposants ne devraient plus contester la légitimité du troisième mandat présidentiel, et que ceux qui sont accusés de violence ne pourraient pas participer au dialogue.

Ceci a sapé les pourparlers de l’EAC, et des leaders du CNARED ont par la suite rejeté [33] la médiation de Mkapa. Pourtant, certains membres ont néanmoins accepté d’assister [34] à une réunion, ce qui pourrait indiquer des divisions [35] profondes dans l’opposition. Si le dialogue se poursuit avec seulement l’opposition [36] « coopérative », les problèmes fondamentaux risquent de ne pas être traités.

Nous ne pouvons que regretter d'avoir gaspillé notre temps en écoutant Mkapa, un homme qui nous a traités de criminels. Nous retiendrons la leçon. Adieu, médiation de l’EAC

Vu le manque de progrès par médiation, un compromis semble hors de portée, ce qui fait craindre la possibilité d’une recrudescence de la violence politique. Le 1er janvier, le Ministre de l’Environnement Emmanuel Niyonkuru a été assassiné [39], seulement quelques semaines après la tentative d’assassinat du Ministre des Communications Willy Nyamitwe.

Les officiels en cherche de soutien [40] diplomatique ont été encouragés par le Président de l’Union Africaine (UA), Idriss Déby, qui a déclaré [41] que le troisième mandat présidentiel est légitime, une divergence d'avec la Commission de l’UA. Iwacu a souligné que l’isolement de Bujumbura est relatif, puisque la Russie et la Chine freinent  la pression du Conseil de Sécurité de l’ONU. Les présidents de l’Afrique du Sud et la RDC, Jacob Zuma [42] et Joseph Kabila [43], se sont montrés compréhensifs, mais la contestation [44] forte [45] qu'ils connaissant dans leurs pays pourrait rendre ce soutien incertain à long terme.

Un affrontement armé entre militaires congolais et des hommes armé burundais – on ne sait s’il s’agit de militaires ou d'insurgés – pourrait empirer les relations.

Bujumbura reste toujours très dépendant de l’aide internationale, surtout de la Belgique et l’UE. Les sanctions ont fortement frappé le budget gouvernemental, et ont déclenché une confrontation [46] sur les paiements pour la participation du pays à la mission militaire de l'ONU en Somalie, l’AMISOM [47].

Même les gouvernements qui sont favorables diplomatiquement n’ont pas offert beaucoup d’aide [40] économique. Ceci n’affecte pas beaucoup les officiels de haut niveau, mais pourrait exaspérer les citoyens si les déficits budgétaires [48] de l’austérité [49] augmentent leurs difficultés déjà exacerbées par la crise, comme les pénuries alimentaires [50], les taux élevés d’inflation [51] et de chômage [52], les problèmes du financement des écoles et de l’infrastructure, et les nouveaux impôts [53]. Le 29 décembre, par exemple, des fonctionnaires ont manifesté [54] à Bujumbura contre les retards  de paiement des salaires.

L'autre récit

Les officiels et les manifestants pro-gouvernement ont accusé leurs détracteurs d’avoir « semé la division » et la déstabilisation. Le Sénat a approuvé [55] un contre-rapport à celui de l’ONU, et son président a demandé que la Belgique évite de coopérer avec des militants « subversifs [56] ».

En janvier 2016, le gouvernement a traité la force de maintien de la paix proposée par l’UA d’invasion [57], avant que l’UA ne fasse marche [58] arrière. En août, un communiqué [59] a rejeté [23] une force policière proposée par la résolution [60] 2303 du Conseil de Sécurité de l’ONU, proposée par la France. Le gouvernement a évoqué la souveraineté, ainsi qu’un néo-colonialisme supposé de la Belgique et la France. Le Canada [61] a aussi été accusé d’avoir soutenu des complots [62] d’invasion.

Bujumbura accuse le Rwanda [63] de soutenir les attaques rebelles, souvent avec peu de preuves. Pourtant, un document fuité de l’ONU avait antérieurement impliqué le gouvernement rwandais dans l’entraînement des insurgés. Les relations [64] bilatérales se sont effondrées, des dizaines de milliers de réfugiés burundais ont fui vers le Rwanda, la commerce et les voyages ont été restreints, et un conflit territorial a été rallumé.

La rude réalité: le Rwanda a joué un rôle majeur dans la déstabilisation du Burundi. J’ai fourni des preuves à la conférence d’Oslo

L’analyste Thierry Vircoulon a affirmé que le gouvernement cherche des boucs [61] émissaires externes pour distraire des problèmes économiques et divisions politiques. La répression et la diplomatie intransigeante se font au nom [68] de la souveraineté [69] et du « peuple  [8]», ce qui fait des opposants des opposants à la nation.

Le gouvernement a organisé son propre dialogue, comme une alternative à la médiation internationale. Pourtant, International Crisis Group [70] l’a traité d’un « simulacre de débat », surtout, ses conclusions [71] qui avaient recommandé des changements [72] de la constitution renforçant le pouvoir du  CNDD-FDD – Nkurunziza, y compris la suppression de la limite des deux mandats présidentiels et un affaiblissement de l’Accord d’Arusha, (l’accord de paix post-conflit). Le président [73] a aussi évoqué un possible quatrième mandat, critiqué par l’opposant Jean Minani [74] pour vouloir « rester au pouvoir éternellement ».

Réactions

L’attention internationale est largement ailleurs, et les divisions au sein de l’ONU et l’UA ont généré l’inertie [75]. L’EAC, en théorie, a une influence économique, mais plusieurs gouvernements voisins sont réticents et préoccupés par leurs affaires domestiques.

Le statut quo “gelé”, de violence politique plus clandestine et l’adversité [76] économique [77], pourrait durer indéfiniment. En dépit  des problèmes économiques et budgétaires [78] sérieux, Bujumbura semble prêt à tout simplement attendre la fin de la pression internationale. Davantage de sanctions, ajoutées aux attaques insurgées, pourraient renforcer cette mentalité d’assiégé.

Les efforts internationaux vers le dialogue et le compromis ont été improductifs, mais d’autres options existent. Un soutien aux médias indépendants pourrait aider à améliorer l’accès aux informations fiables, et le déploiement des observateurs des droits et de la police, antérieurement acceptés, pourraient aussi freiner la violence et l’impunité.