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Dans toute l'Inde, les femmes défilent pour le droit de sortir en toute sécurité

Catégories: Asie du Sud, Inde, Cyber-activisme, Droits humains, Femmes et genre, Liberté d'expression, Manifestations, Médias citoyens
Screenshot from Youtube Video [1]

Capture d'écran de Youtube.

De New Delhi à Bangalore et de Mumbai à Pondichéry, des milliers de femmes ont manifesté [2] le samedi 21 janvier. Elles portaient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire “I will go out” [“Je vais sortir”], slogan d'une campagne de reconquête : celle de leur droit d'accéder aux lieux publics sans avoir peur de se faire agresser.

À la suite de l'horrible cas d’agression collective [3] à Bangalore, qui a déclenché un débat de société sur l'exclusion des femmes de la scène publique, des militants se sont rassemblés sur internet en utilisant le mot-clic #IWillGoOut et ont formé des groupes dans tout le pays.

Les marches du samedi 21 ont commencé à 17h dans plus de trente villes indiennes. L'organisation fut assurée par divers groupes de défense des droits des femmes.

Le poster officiel de #IWillGoOut. Samedi 21 janvier à 17h, les femmes reprennent la nuit. (Plus de villes ajoutées à la liste en ce moment-même !)

Depuis les agressions du réveillon du Nouvel An à Bangalore, plusieurs formes de protestation [8] ont eu lieu dans cette ville, dont des chaînes humaines, des campagnes sur internet et des rassemblements dans des parcs.

Voici comment le groupe se décrit [9] sur Facebook :

#IWillGoOut is a nationwide gathering on 21st January in solidarity against sexual harassment and misogyny, and to reclaim women's rights to safe public spaces. We're a collective of individuals and organisations across various cities in India.

#IWillGoOut est un rassemblement national, le 21 janvier, en solidarité et contre le harcèlement sexuel et la misogynie, pour revendiquer le droit des femmes à un espace public sûr. Nous sommes un collectif d'individus et d'organisations dans plusieurs villes indiennes.

Les manifestations de ce samedi ont coïncidé avec la marche mondiale des femmes [10], centrée à Washington DC contre la misogynie, le sectarisme et la haine que les critiques attribuent à Donald Trump (devenu le quarante-cinquième président des États-Unis le vendredi 20 janvier).

Plusieurs capitales européennes ont vécu des manifestations similaires, où des milliers de femmes sont descendues dans les rues [11] de Berlin, Paris, Rome, Vienne, Genève et Amsterdam en solidarité avec les marches-sœurs en Asie et aux États-Unis.

Une manifestation s'est également déroulée à Nairobi, au Kenya, avec un message supplémentaire [12] adressé au gouvernement :

Here in Kenya we will march to demand reproductive rights, women's land and inheritance rights, and the implementation of the 2/3 rule. We will march to end sexual harassment and assault, female genital mutilation, and the trafficking of women and children; and to end discrimination against LGBTQ people, sex workers, disabled women, HIV positive women, refugee women, women in the informal sector and other marginalized groups.

Ici au Kenya, nous allons défiler pour réclamer nos droits reproductifs, les droits à l'héritage et à la terre pour les femmes, ainsi que l'exécution de la règle des 2/3. Nous défilerons pour mettre fin au harcèlement et aux agressions sexuelles, à la mutilation génitale féminine, et à la traite des femmes et des enfants, pour mettre fin à la discrimination à l'encontre des citoyens LGBTQ, des travailleuses du sexe, des handicapées, des séropositives, des réfugiées, des travailleuses du secteur informel et des membres des groupes marginalisés.

Les manifestations en Inde ont attiré des milliers de femmes à travers tout le pays, et les participants ont inondé les réseaux sociaux de photographies et de vidéos de l'évènement :

Toutes les femmes affirment maintenant que le jour et même la nuit nous appartiennent.

À New Delhi :

Au Jantar Mantar.

Les femmes de Delhi, bruyantes et fières pendant le défilé d'hier. J'étais fière d'en faire partie.

Dans le Kérala :

Nos sœurs de Thrissur, dans le Kérala !

À Mumbai :

#IWillGoOut, chapitre de Mumbai.

Personne ne devrait se cacher par peur :

[Je vais sortir] parce que j'en ai marre de me cacher derrière des portes pour éviter de me faire peloter.

Nous avons atteint le Jantar Mantar et la nuit tombe.

Je vais sortir !!

Dans tout le pays, les gens se préparent à sortir. Et vous ?

Kaavya Pillai, journaliste et féministe, explique l'importance de ces manifestations :

Nous ne pouvons pas vivre nos vies en ayant peur des lieux publics. La seule solution est de se les approprier et de revendiquer la nuit.

#IWillGoOut parce que mes ambitions et mes espoirs sont plus larges que les limites patriarcales.

Bangalore s'est joint au mouvement :

Bangalore se prépare à dire #IWillGoOut. Rejoignez-nous à la gare à 16h30 aujourd'hui et défilez avec nous pour la sécurité des femmes.

Hyderabad aussi :

#IWillGoOut à Hyderabad.

Shikha Sreenivas donne dans The Ladies Finger [55] les raisons pour lesquelles il est si important d'avoir cette conversation :

Systems of oppression and control work differently in various cultures, they reinvent themselves with the times to find new ways to control women, their bodies, and their movement. But these women are full of hope and energy to fight a mindset that seems undefeatable. The movement is a powerful reminder of sisterhood sans borders. These women reminded me what I had forgotten in my despair — that the streets of this country are ours too.

Les systèmes d'oppression et de contrôle fonctionnent différemment dans différentes cultures. Ils se réinventent au fil du temps et trouvent de nouvelles façons de contrôler les femmes, leurs corps et leurs mouvements. Mais ces femmes sont pleines d'espoir et d'énergie pour combattre une mentalité qui semble invincible. Ce mouvement est un puissant rappel d'une sororité sans frontières. Ces femmes m'ont rappelé ce que, dans mon désespoir, j'avais oublié : que les rues de ce pays sont aussi les nôtres.

S. Sentalir commente dans The Hindu [56] :

The movement questions the traditional notion of public spaces as the domain of men. It challenges the patriarchal culture that raises questions on a woman’s presence outside her home and blames her attitude and clothes for any act of violence or harassment.

Ce mouvement remet en question la notion traditionnelle d'espace public en tant que domaine masculin. Il conteste la culture patriarcale qui questionne la présence d'une femme hors de chez elle et accuse son attitude et ses vêtements pour tout acte de violence ou de harcèlement.

Zoya Vallari écrit dans Feminism in India :  [57]

The rally in India was triggered by the appalling incident of mass molestation [58] on New Year’s Eve in the city of Bangalore. This march is aptly called ‘#IWillGoOut [59]’. The ‘I’ in the title asserts a woman’s agency to decide her own actions, behaviour, clothes or timings. The ‘Will’ describes a wilful act of protest in the face of harassment that women experience when they claim their agency. The ‘GoOut’, seemingly straight-forward, stands for multiple things – go out to protest, go out to work, go out to party, go out to question the illegal state actions [60], go out to contest elections [61] or simply to stare at the sky and loiter in the streets [62] because it is ‘I’ who has the agency to decide what I want to go out for.

Le rassemblement en Inde fut déclenché par l'affligeant cas d’agression de masse [58] la veille du Nouvel An dans la ville de Bangalore. Cette marche fut justement appelée #IWillGoOut [59] [Je Vais Sortir, NdT]. Le “Je” affirme le pouvoir d'une femme de décider de ses propres actions, comportement, vêtements et horaires. “Vais” décrit un acte de protestation volontaire face au harcèlement vécu par les femmes quand elles utilisent ce pouvoir. “Sortir”, qui semble bien simple, représente bien des choses : aller à une manifestation, aller au travail, se rendre à une soirée, sortir pour remettre en question des actions gouvernementales illégales [60], sortir pour contester des élections [61], ou simplement pour regarder le ciel et traîner dans les rues [62] parce que c'est ‘moi’ qui ai le pouvoir de décider pour quelle raison je veux sortir.