Une centaine d'Iraniens, dont beaucoup de résidents en règle, en difficulté pour entrer aux USA

Cette photo tweetée par le compte Twitter de la Marche des Femmes sur Washington dit : “Interdisez Bannon… pas ma mamie”. Bannon est l'un des conseillers spéciaux de Trump, et inspirateur probable de l'interdiction. Il dirigeait en 2016 le site d'extrême-droite Breitbart News, qu'il appelait “la plate-forme de l'alt-right”.

Difficile d'évaluer l'ampleur de l'impact de l'interdiction temporaire décrétée par le président Donald Trump contre les nationaux de sept pays à majorité musulmane –Iran, Irak, Libye, Somalie, Soudan, Syrie et Yémen. Mais une base de donnée crowdsourcée lancée par un professeur iranien au MIT donne un aperçu effarant des effets sur les ressortissants iraniens.

Dans les quatre jours qui ont suivi la signature du décret, ce sont plus de 110 Iraniens détenteurs de cartes vertes, de visas étudiant et de tourisme valides et de bi-nationaux de pays comme le Canada, qui connaissent des difficultés d'admission aux États-Unis, selon la base de données des entrées, rétentions et expulsions commencée par le professeur iranien d'ingéniérie au MIT Hazhir Rahmandad.

Sur les plus de 286 signalements enregistrés bénévolement dans la base de données, 213 sont des nationaux iraniens. 112 d'entre eux ont connu des difficultés significatives pour entrer aux USA, 76 ont été refusés “à la porte de départ avant l'embarquement” ou “après l'arrivée aux USA”, tandis que 36 ont été admis “après délai ou négociation significatifs”.

Si vous avez eu des problèmes pour entrer aux Etats-Unis à cause de l'interdiction de voyage, vous pouvez les signaler sur la base de données de Rahmandad ici. 

La situation reste volatile et imprévisible pour beaucoup, y compris la question de savoir si l'interdiction concerne les détenteurs de la carte verte américaine ou les bi-nationaux iraniens-canadiens. L'interdiction d'entrée de Trump était initialement applicable à quelque 500.000 détenteurs de cartes vertes, avant que l'administration ne fasse marche arrière. Cette dernière a émis d’innombrables informations contradictoires au long du week-end.

Dans une déclaration à CNN, des responsables du Homeland Security américain ont clarifié que les nationaux des sept pays titulaires de cartes vertes valides devaient être autorisés à entrer aux Etats-Unis :

Voici notre message pour eux : prenez l'avion. Revenez aux Etats-Unis. Vous passerez un filtrage secondaire, mais tout le reste sera normal.

Aujourd'hui, le Département de la Sécurité intérieure a indiqué qu'il n'allait plus totalement ‘interdire d'entrée’ les détenteurs de cartes vertes des pays de la liste d'exclusion, mais que ce serait un “facteur déterminant” pour autoriser les immigrants de ces pays à entrer aux Etats-Unis lors du filtrage.

D'après le site d'investigation ProPublica, les ressortissants iraniens et irakiens représentent 50 % des 500.000 titulaires de cartes vertes affectés par l'interdiction temporaire et les mesures de filtrage qui l'accompagnent.

Les nationaux iraniens ciblés par l'interdiction

Parmi les sept pays de l'interdiction, les Iraniens seront probablement impactés de façon significative.

A la différence des autres pays de la liste, les USA sont une destination recherchée par les étudiants iraniens. Il y avait plus de 12.000 Iraniens avec des visas étudiants aux Etats-Unis l'an dernier, selon le rapport de l'Institute of International Education’s Open Doors, qui suit la démographie des étudiants internationaux. L'année passée, les étudiants iraniens dans les collèges et universités ont contribué pour 386 millions de dollars à l'économie américaine.

De fait, le nombre de visas accordés aux Iraniens est généralement beaucoup plus élevé que celui des nationaux des autres pays de la liste.

[Texte au-dessus du tweet : Impact de l'ordre de Trump : Les USA ont émis un total de 49.000 visas (tous types) pour les sept pays en 2015 et 2016, 14.900 d'entre eux sont Iraniens.]

Manifestations à l'échelle nationale et actions judiciaires de l'Union Américaine des Libertés Civiques et d'avocats bénévoles spécialistes de l'immigration ont œuvré pour assister les personnes en rétention.

Des récits non vérifiés ont circulé que des fonctionnaires de l'immigration montaient à bord des avions et confisquaient les téléphones et appareils des détenteurs de visas pour les empêcher de prévenir leur famille et des avocats.

La police aux frontières nous a retenus 4 heures ma famille et moi ils ont fouillé la voiture et exigé que nous donnions nos mots de passe. On m'a demandé ensuite si j'aimais l'Amérique. [Je suis] citoyen des Etats-Unis

Quatre cours fédérales sont intervenues en la matière et ordonné la suspension des expulsions. Une juge fédérale de Virginia a aussi statué que les retenus devaient se voir accorder l'accès à un conseil juridique, ce qui n'était pas le cas à l'aéroport Dulles de Washington.

Les avocats à Dulles ayant un ordre du tribunal les habilitant à voir des retenus se sont fait dire par la police aux frontières “ce n'est pas près d'arriver”. Les avocats demandent une ordonnance d'outrage

L'incertitude domine, et fait basculer beaucoup de vies et de familles dans le désarroi. D'innombrables programmes de mastères sont manqués et des emplois mis en péril, tandis que des familles restent séparées.

‘Un affront ouvert contre le monde musulman et la nation iranienne’

Les relations entre l'Iran et les USA, tendues depuis la révolution islamique de 1979, avaient commencé dernièrement à se réchauffer sous l'administration Obama. La négociation couronnée de succès et la mise en œuvre de l'accord nucléaire entre l'Iran, les USA et les pays dits P5+1 avaient levé les nombreuses sanctions économiques qui entravaient la vie des Iraniens ordinaires.

La nouvelle de l'interdiction d'entrée aux USA des nationaux iraniens s'est rapidement soldée par des mesures de réciprocité iraniennes à l'encontre des nationaux américains, publiées par le Ministère des Affaires étrangères dirigé par Javad Zarif.

Déclaration complète du Ministère des Affaires étrangères de la République islamique d'Iran sur l'interdiction des musulmans.

Tout en respectant le peuple américain et en distinguant entre eux et les mesures hostiles du gouvernement des Etats-Unis, l'Iran appliquera le principe de réciprocité jusqu'à ce que les limitations offensantes des Etats-Unis contre les nationaux iraniens soient levées. Les restrictions aux voyages des musulmans en Amérique… sont un affront ouvert contre le monde musulman et la nation iranienne en particulier, et seront reconnues comme un grand cadeau aux extrémistes.

Le ministre des affaires étrangères a tenu à préciser que l'Iran continuerait à accepter tous les visas valides, contrairement à ce qui s'est déroulé tout le week-end et se poursuit encore dans certains endroits des USA.

Contrairement aux Etats-Unis, notre décision n'est pas rétroactive. Tout porteur de visa iranien valide restera le bienvenu.

Malgré cette déclaration, deux Américains, Joseph Jones et J.P. Prince, joueurs professionnels de basket-ball de Super League iranienne à l'université Azad de Téhéran, sont en ce moment empêchés de revenir en Iran après un congé à Dubaï payé par leur équipe.

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