
La couverture de ‘Crime à Ramallah’ de Abbad Yahya. Source: Akhbar El Balad
Lundi 6 février 2017, le procureur général de l'Autorité Palestinienne (AP), Ahmad Barrak, a interdit un roman de l'auteur palestinien Abbad Yahya pour “atteinte à la moralité publique et à la pudeur“.
L'interdiction de ce roman policier, “Un Crime à Ramallah” (2016), fait suite à une enquête du bureau du Ministère public palestinien. Selon le communiqué publié par les services du procureur général, l'interdiction repose sur le fait que le roman contient du texte et des termes qui portent atteinte à la “pudeur, aux mœurs et à la décence” susceptibles de nuire aux individus, notamment aux mineurs et enfants. Le communiqué ajoute que le roman contrevient aux traités internationaux et à nombre de lois palestiniennes, comme la loi sur la presse et les publications, le code pénal, et la loi palestinienne relative à l'enfance.
Abbad Yahya a confirmé dans un statut Facebook que tous les exemplaires de son livre ont été retirés des librairies, bibliothèques et autres points de vente de Cisjordanie, et que lui-même, l'éditeur et le distributeur sont tous convoqués pour interrogatoire pour savoir s'ils étaient munis ou non des autorisations et licences requises.
L'important ici, chers amis : j'exprime mon extrême inquiétude, consternation et stupeur devant cette décision et ses conséquences d'enquête et de confiscation. Je suis surpris et inquiet pour la situation de la liberté de création et d'expression, de publication et d'écriture, et je suis vraiment sous le choc de ce qui est arrivé et de la façon dont c'est arrivé !
Je crois, et c'est pour tous les amis qui travaillent dans le domaine culturel, que nous sommes devant un défi sans précédent, et il faut que chacun prenne une position claire. Je suis sûr que nous avons dépassé en Palestine ce genre de situation. Personne n'acceptera que soit menacé ce qui a été réalisé en littérature et culture en Palestine, par le harcèlement et la confiscation.
J'espère que cela ne va pas empirer. En toute franchise, je suis très inquiet.
Tandis que le procureur général affirme que cette décision ne viole pas la liberté de parole, c'est la première fois qu'un livre fait l'objet d'une enquête ou d'une interdiction en Palestine.
Le magazine culturel palestinien Fus7a, a rapporté que l'interdiction est consécutive à une polémique antérieure dans la ville palestinienne de Naplouse, dans le Nord de la Cisjordanie, où une rencontre-débat sur le roman, prévue à la bibliothèque municipale, a été annulée par le maire de la ville, Sameeh Tbeileh.
Militants et écrivains palestiniens ont exprimé sur les médias sociaux leur colère de cette interdiction du roman. Certains ont partagé des liens vers une version PDF du roman, d'autres ont ironiquement remercié l'AP pour cette publicité gratuite donnée au livre.
Le célèbre écrivain et poète palestinien Mourid Barghouti a commenté :

Le statut de Mourid Barghouti. Source: Facebook
L'Autorité Palestinienne, qui a interdit les livres d'Edward Said il y a des années de cela, interdit aujourd'hui un roman intitulé ‘Un Crime à Ramallah’ et le Procureur Général convoque l'auteur, l'éditeur et le distributeur pour enquête. Signez la déclaration ci-dessous. Je ne défends pas le livre puisque je ne I'ai pas encore reçu. Mais je condamne la confiscation de livres et la surveillance des esprits.
Abir Kopty, un militant palestinien de Nazareth, a tweeté :
احا.. مش منقلكم صار عنا نظام عربي وسخ. هينا غرنا من مصر وصرنا نجرّم رواية.
هنا #محاكمة_الخيال_فرع_فلسطينhttps://t.co/HO3tuGFt6R …— Abir Kopty (@AbirKopty) 6 février 2017
Mince, on n'avait pas dit qu'on a maintenant un vilain régime arabe. Nous sommes devenus envieux de l’Égypte et voilà que nous interdisons un roman. Ici le #service_palestinien_des_procès_de_l'_imagination
Le journaliste et militant palestinien Hisham Naffa a tweeté :
لا تملك أية جهة قانونية حق فحص أخلاقية هذا النص أو ذاك. هي ليست قيّمة على الأخلاق ولا مفوّضة عليها. ليلغ القرار ضد رواية #جريمة_في_رام_الله
— Hisham Naffa (@hishamn76) February 6, 2017
Aucune entité juridique n'a le droit de vérifier la moralité de tel ou tel texte. Elle n'est pas responsable de la moralité ni mandatée pour [la] superviser. L'ordre contre le roman doit être annulé #A_Crime_in_Ramallah
Hazem AbuHelal, un militant des droits humains basé à Ramallah, a également tweeté :
وطلع في اخلاق عامة عند جماعة #اوسلو#جريمة_في_رام_الله
— Hazem AbuHelal (@HazemHelal) February 7, 2017
Ainsi donc le gang d'#Oslo a tout de même une moralité publique #A_Crime_in_Ramallah
Un autre poète palestinien a aussi tweté :
منع رواية #جريمة_في_رام_الله ل #عبّاد_يحيى وسحب النسخ من السوق هي جريمة حقيقية في رام الله وهي سابقة خطيرة في الساحة الثقافية الفلسطينية
— جعفر حجاوي (@jafar_h1) 6 février 2017
Interdire le roman #A_Crime_in_Ramallah de #Abbad-Yahya et en confisquer les exemplaires est un crime réel à Ramallah et un dangereux précédent sur la scène culturelle palestinienne
Je vais commencer aujourd'hui à lire le roman Un Crime à Ramallah de l'écrivain Abbad Yahya. L'ordre d'interdiction m'a rendu plus déterminé à lire l’œuvre pour chercher les motifs de son interdiction, malgré mon refus de toute intrusion de la loi dans le processus créatif. Ceci nécessite une longue discussion avant de pénétrer ses détails entremêlés.
Si certains défendent le roman, d'autres Palestiniens ont approuvé l'interdiction, citant son contenu sexuellement explicite. Des photos d'extraits où un garçon décrit, à la première personne, sa première expérience de masturbation, ont été partagées sur Facebook pour protester contre le livre.