En Egypte, des réformes religieuses pour faire monter des femmes prédicatrices en chaire

Une femme dans la Mosquée d'albâtre de Mohamed Ali au Caire. Source: WikiCommons.

Pour la première fois dans l'Histoire, des prédicatrices seront autorisées à monter en chaire pour prêcher dans les mosquées d’Égypte, a annoncé le Ministère égyptien des fondations religieuses.

Gaber Tayei, directeur du département religieux au ministère des fondations religieuses de l’Égypte, a indiqué que 144 imams femmes accèderont à cette fonction dans le cadre d'un plan gouvernemental plus large de “réforme” du discours religieux dans le pays.

Les femmes, qui seront des volontaires, commenceront à prêcher en mars, et se centreront sur la “correction” des idées fausses dans la jurisprudence islamique, en particulier en ce qui concerne les questions se rapportant aux femmes. Les médias égyptiens ont écrit que ces femmes seront rémunérées à peine 120 livres égyptiennes par mois — un peu plus de 7 dollars US.

Les nouvelles prédicatrices seront diplômées de l'Université Al-Azhar, l'institution religieuse égyptienne la plus élevée, avec des diplômes en “dawa,” ou prosélytisme, a déclaré M. Tayei au Huffington Post Arabi.

Le gouvernement égyptien avait auparavant pris un décret obligeant tous les imams à être diplômés de la plus ancienne et plus élevée institution religieuse du pays, dans le cadre d'une action plus large d'unification et modération du discours religieux au niveau national.

Les nouvelles volontaires prêcheront exclusivement devant des auditoires féminins. Les mosquées en Égypte sont ségréguées, la section réservée aux femmes située habituellement à l'arrière.

“Ces femmes prédicatrices feront tout ce que font les prédicateurs hommes… mais au service de la congrégation des femmes”, a précisé Tayei.

Il a expliqué que deux jours par semaine, les prédicatrices donneront des cours sur divers thèmes. Les 144 femmes prédicatrices ne sont qu'une “première étape”, on en verra bientôt dans toute l’Égypte”. On estime qu'il y a actuellement 55.000 prédicateurs autorisés en Égypte.

“C'est un grand pas en avant, même s'il est tardif”, a approuvé la Dr. Amina Naseer, députée au parlement égyptien et ancien professeur à Al-Azhar.

“Cette idée doit diffuser dans toute l’Égypte et recevoir l'appui de toutes les autorités étatiques et religieuses… La tâche est importante et requiert de la patience,” a-t-elle déclaré au Huffington Post Arabi.

En 1996, l’Égypte a vu l'instauration de 19 femmes “guides” auprès des mosquées pour répondre aux questions religieuses posées par des femmes, un plan qui était resté sans suite.

La nouvelle a été bien accueillie par beaucoup.

“Ces prédicatrices femmes seront qualifiées pour leur travail et aideront à l'éducation des femmes égyptiennes, garantissant que celles-ci ne soient pas la proie des tendances extrémistes et d'une idéologie dévoyée”, a dit Shawki Abdullatif, ancien sous-secrétaire des Affaires de Dawa au Ministère égyptien des Fondations religieuses, dans des propos rapportés par Al-Arabiya. “L'histoire de l'Islam est pleine de femmes qui ont été d'utiles et avisées conseillères”, ajoutait-il.

Mais il y aussi eu des récriminations. S'exprimant sur le site internet égyptien Masr Al-Arabiya, le Sheikh Mohamed Youssef Al-Gazar a prudemment souhaité la bienvenue aux femmes qui prêcheront, mais avec l'avertissement que cela ne devrait pas se faire dans les mosquées.

Son argument : “Il vaudrait mieux envoyer ces femmes dans les écoles de filles plutôt que les mosquées, afin de ne pas créer de problèmes avec l'imam”.

Des résistances se sont aussi manifestées sur les médias sociaux.

Elles n'ont pas les capacités pour se tenir en chaire et prêcher aux gens. Le Ministère des Fondations religieuses doit revoir sa copie

Erudits : la place d'une femme est à la maison pour élever les enfants.
Prédicatrices et Al-Azhar… est-ce approprié que les femmes prêchent ?

Un autre utilisateur de Twitter a lancé un sondage sur l'initiative :

Donnez votre avis en votant :

Après leur annonce en Égypte, pensez-vous qu'on a besoin de prédicatrices dans les mosquées ?

Oui : 46 %

Non : 54 %

L'Université égyptienne d'Al-Azhar n'a pas commenté l'annonce. L'instance religieuse suprême d’Égypte est en désaccord avec le gouvernement sur l'espace religieux au niveau national. Le gouvernement, dirigé par le Président Abdelfattah El-Sissi, souhaite qu'Al-Azhar prenne un rôle plus actif dans la “réforme” du discours religieux.

Ces derniers temps, les deux instances religieuses se disputent la supervision des prêches du vendredi, normalisés dans le cadre de la lutte contre l'extrémisme.

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