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Brèves craintes de censure d'une radio russe après un avertissement du Roskomnadzor

Catégories: Russie, Censure, Droit, Liberté d'expression, Média et journalisme, Médias citoyens, Politique, RuNet Echo

Le rédacteur en chef de la radio Echo de Moscou, Alexeï Venediktov. Source : Wikimedia Commons

[Les liens sont en russe, sauf mention contraire.]

Le 10 février, une rumeur éclair a couru au sujet d'une nouvelle vague de répression contre les médias russes, quand on a appris que l'organe de censure des médias russes avait averti la radio Echo de Moscou qu'elle pourrait être suspendue si elle ne se mettait pas en conformité avec la loi sur les investissements étrangers dans les médias.

C'est le site web du tabloïd Life News qui a rapporté le premier que la radio Echo de Moscou pourrait être suspendue dans les cinq jours. Les responsables du Roskomnadzor ont aussitôt précisé que leur lettre d'avertissement concernait des dispositions techniques telle que la nécessité de soumettre en temps voulu certains documents, apaisant les craintes quant à la suppression d'un énième média russe.

La lettre du Roskomnadzor stipulait que la radio Echo de Moscou devait se conformer à une loi [1] de 2014 limitant à 20% la part que peuvent détenir des investisseurs étrangers dans un média russe. La loi a pris effet le 1er janvier 2016, et donnait aux compagnies de médias jusqu'au 1er février de cette année pour mettre leur structure de propriété en conformité.

Alexeï Venediktov, le rédacteur en chef de la radio en question, a fait savoir [2] que la radio avait déjà pris l'an passé des mesures pour se conformer à la loi : la société américaine EM-Holding, dirigée par le magnat russe des médias Vladimir Goussinski, a fait passer sa participation de 34 % à 19.9 % dans ce but. Gazprom Media, une filiale du géant national de l'énergie Gazprom, détient 66 % de la station.

Venediktov a répondu à cette lettre via Twitter, indiquant que la radio ferait tout ce qui était en son pouvoir pour se mettre en conformité avec la loi russe.

Nous allons bien évidemment accéder aux demandes du Roskomnadzor, bien que cette interprétation de la loi soit pour nous inattendue. Nos légistes y travaillent.

Bien que la loi ne précise pas que les compagnies actionnaires ne peuvent pas être enregistrées aux États-Unis, certains ont tout d'abord exprimé la crainte que le Roskomnadzor l'ait interprétée [4] dans le sens d'une interdiction de tout investissement étranger dans les médias.

Le rédacteur en chef de la radio Echo de Moscou, Alexeï Venediktov. Source : archive.government.ru

Mais les fonctionnaires du Roskomnadzor ont affirmé que cette lettre n'avait rien à voir avec une éventuelle fermeture de la radio. Un représentant de l'agence, Vadim Apelonski, a déclaré [4] à Life News qu'il ne s'agissait que “d'une lettre technique d'information, rappelant la nécessité de suivre les dispositions légales sur la propriété étrangère dans les médias russes.” Leonid Lévine, le chef du comité de la Douma pour les communications, a ensuite expliqué [4] que cette lettre ne concernait “pas une violation de la loi en ce qui concerne les parts des investisseurs étrangers, mais la nécessité de fournir en temps voulu les pièces” détaillant ces parts.

Ce n'est pas la première fois que la radio Echo de Moscou attire sur elle l'attention du gouvernement russe. En octobre 2014, la station a reçu un avertissement [5] [en] du Roskomnadzor au sujet de sa couverture de la guerre en Ukraine. Quelques semaines plus tôt, le ministre russe des Situations d'urgence avait annoncé [6] son intention de procéder à une inspection des installations de la station, une tactique couramment utilisée pour fermer les entreprises et les agences qui n'ont pas les faveurs du Kremlin.

La station est connue pour présenter un large éventail de points de vue, y compris ceux de militants de l'opposition. Parmi ses invités réguliers, Vladimir Kara-Murza, qui critique ouvertement Poutine, vient d'être victime de gros ennuis de santé [7] [en] pour la deuxième fois en deux ans, peut-être par suite d'un empoisonnement intentionnel. Le blogueur anti-corruption et opposant Alexeï Navalny est aussi un contributeur régulier; un tribunal russe l'a déclaré coupable [8] [en] de détournement de fonds début février, ce qui va l'empêcher de faire campagne contre Poutine pour l'élection présidentielle de 2018.

Enfin, ce n'est un secret pour personne que l'Echo de Moscou prend souvent Poutine à rebrousse-poil. Lors d'une fameuse rencontre avec les médias officiels, en 2012, ce dernier a dit [9] [en] à Venediktov: “Vous me déversez une diarrhée dessus jour et nuit.”