Des indigènes menacés de spoliation à Dourados, Mato Grosso do Sul.

 

Maison de prières dans la réserve indigène de Dourados, près de Yvu Vera. Photographie : Marcello Casal Jr. – Agência Brasil CC-BY 3.0

Ce billet a été publié sur le site de l'Instituto Socioambiental, et est reproduit sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu. Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages en portugais.

A Dourados, au sud de l'état brésilien du Mato Grosso do Sul [fr], une communauté d'indigènes Guarani Kaiowá et Terena est sur le point d'être dépossédée par décision de justice. Située dans la périphérie urbaine du municipio, elle est l'une des six communautés qui avaient repris possession des zones appartenant à la réserve indigène de Dourados – créée il y a 100 ans par le Service de protection des indiens pour y circonscrire les populations de la région et libérer de la terre pour la colonisation.

Les jugements, qui ont décidé de l'exécution des cinq mandats de restitution de propriété [aux propriétaires fonciers, NdT] contre les indigènes, ont été publiés le 11 janvier par la deuxième Cour de justice fédérale de Dourados mais datent du 14 décembre 2016, date à laquelle un délai de 20 jours a été décidé pour permettre à la Fondation nationale de l'indien (Funai) d'exécuter l'ordre de réintégration. Ce délai est arrivé à échéance hier, et à partir de maintenant c'est à la police fédérale d'exécuter les ordres.

La semaine dernière déjà, les dirigeants des peuples indigènes avaient été informés de l'avancement des opérations par la Funai, et la police fédérale leur avait proposé de se retirer volontairement de la zone. Mais les Guarani Kaiowá et les Terena n'ont pas accepté : “La communauté a décidé de ne pas partir et de se montrer déterminée. Il y a des gens avec des problèmes de santé, des gens qui connaissent bien l'histoire. La terre doit être délimitée”, affirme Russi da Silva Martins, du peuple Terena.

Yvu Vera, près de 20 hectares, a été réoccupée en février 2016 et rassemble une population de 200 personnes qui vivent dans près de 70 cabanes à la lisière de la voie de contournement de la ville. Elle est l'une des quatre zones “réoccupées” proches de Dourados. Elles étaient six l'an dernier, mais deux d'entre elles, Ita Poty et Unati Pokee Huvera, ont été démantelées.

Sous pression

En mars 2016, tout de suite après la reprise, les fermiers et les propriétaires engageaient déjà des actions de réintégration. Les cinq qui ont obtenu des verdicts favorables revendiquent maintenant la propriété des terres du Sítio Bom Futuro, de la Fazenda Bom Futuro et du Sítio São Luiz, mais les indigènes affirment qu'ils ne détiennent pas les titres de ces biens.

Cette zone fait partie d'un groupe de travail d'identification des territoires indigènes de Bacia Douradopegua, travaux que la Funai n'a pas encore achevés. L'entité indigéniste a déposé un recours, dont elle attend le jugement, et les indigènes craignent d'être pris au dépourvu par les forces de l'ordre comme ça a été le cas en d'autres occasions.

A Caarapó, plus au sud du Mato Grosso do Sul, deux autres territoires traditionnels sont eux aussi menacés de réintégration, Jeroky Guasu et Ñamoy Guavira'y, qui font partie du territoire indigène Dourados Amambaipeguá I, identifié comme tel par la Funai l'an dernier.

La réserve indigène de Dourados, de 3 475 hectares, est connue pour présenter l'un des indices de violence et de densité démographique les plus élevés en terre indigène. Sa population dépasse largement celle des autres réserves créées par le Service de protection de l'indien (SPI) au début du XX° siècle : en 2010, les indigènes de la réserve représentaient 6,22 % de la population de Dourados, la deuxième plus grande ville du Mato Grosso do Sul ; en 2014, ils étaient 15 023, d'après les données du secrétariat spécial de santé indigène (Sesai).

Pour l'anthropologue Diógenes Cariaga, qui étudie la réserve, les actions de reprise sont directement liées à la grande pression démographique subie à l'intérieur de la zone et à la vulnérabilité instaurée par le processus historique de confinement.

“A partir du moment où ils reprennent la terre, ils mettent fin au système de la réserve, régi par les tensions entre les groupes familiaux. Cette multiplication de reprises découle directement de la densité croissante de la population”, explique-t-il. D'après lui, les indigènes sont pleinement conscients que les processus de démarcation, et leurs droits territoriaux, peuvent être entravés par la crise politique du pays. “Occuper les terres est une façon de faire pression”.

 

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