
Copie d'écran d'une vidéo YouTube de Kényans levant le poing lors de la manifestation #TakeBackKenya à Nairobi, Kenya.
Le 12 décembre 2016, le Kenya célébrait son cinquante-troisième anniversaire d'indépendance du Royaume-Uni. Les célébrations du Jamhuri (“république” en kiswahili) auraient dû se faire traditionnellement à Nairobi en maintenant le quartier d'affaire sous contrôle avec le drapeau étendu sur différents bâtiment et des Kényans profitant de ce jour de fête.
En fait, ce jour-même, le mouvement composé de Kényans ordinaires (surtout des jeunes), appelés Kényans sur Twitter (KOT pour son nom en anglais), avait prévu une démonstration pacifiste dans les rues de la capitale. L’événement du #TakeBackKenya [Récupérons le Kenya, NdT] avait été planifié des mois à l'avance, lancé en ligne et avait obtenu les autorisations nécessaires de la police kényane pour mener à bien la manifestation.
Cependant, ce qui avait commencé comme une marche pacifique dénonçant la corruption et le manque de gouvernance est devenu un affrontement entre manifestants et la police utilisant des gaz lacrymogènes pour disperser la foule qui venait de la rue Tom Mboya et se dirigeait vers les jardins de Jeevanjee en criant “Lipa Kama Tender” (“Payez comme vous payez la soumission”), “Récupérons le Kenya” et en scandant des hymnes patriotiques.
Sur Internet, les citoyens ont souligné l'ironie du lancement de ces gaz lacrymogènes le jour de l'indépendance du pays et beaucoup critiquaient le parti Jubilee pour la restriction des libertés pour lesquelles ils s'étaient battus il y a cinquante-trois ans.
La corruption endémique du Kenya apparaît dans le rapport Transparency International Global Corruption Perception Index (CPI), montrant qu'elle n'a pas diminué avec un score de 25 sur 100 (zéro étant le plus corrompu et 100 le moins).
Le Kenya était classé en troisième position par le baromètre 2016 de Pricewaterhouse Coopers sur la criminalité économique. Le président kenyan Uhuru Kenyatta a fait sa renommée en déclarant que son gouvernement ne peut vaincre la corruption. Il déclarait sur une vidéo “Sasa mnataka nifanye” (“Que voulez-vous que j'y fasse ? “), en réponse aux allégations sur la corruption massive de son gouvernement.
Le mouvement #TakeBackKenya provient de la classe moyenne kényane amatrice de l'internet et souvent appelée “Les guerriers du clavier”. Ce groupe est accusé d'avoir participé virtuellement au mouvement demandant au gouvernement de rendre compte de sa gestion.
C'est le premier mouvement dirigé par des citoyens à partir des réseaux sociaux et de l'espace réel, qui n'avait pas de liens avec une organisation de la société civile mais qui a pris en compte ses aspirations, frustrations et demandes pour améliorer la gouvernance et sa gestion des fonds publics.
#TakeBackKenya a été lancé au niveau national à l'occasion du Jamhuri Day et est devenu un véritable mouvement permettant aux kényans de se remettre en question – surtout suite à la grève des médecins hospitaliers : les médecins revendiquent de meilleurs salaires dans un contexte de détournement de fonds par le Ministère de la santé qui les emploie.
Avec le mot-dièse LipaKamaTender, le mouvement des médecins et populaire demandait au gouvernement de verser des salaires équivalents à ceux des emplois fictifs aux professionnels de santé.
Bien que les organisateurs de #TakeBackKenya se soient déclarés publiquement comme une initiative citoyenne conduite par le public, les médias nationaux quant à eux considèrent les participants comme des militants.
En participant au mouvement en ligne, Louis Mulema a posté sa demande au “régime de pillage” kényan :
My request for the current looting regime. Kenyans #TakeBackKenya @bonifacemwangi @Maskani254 @SaintSnappy pic.twitter.com/IqmirdzAr2
— #Unbounded (@louis_mulema) December 13, 2016
Ma demande pour le régime de pillage actuel. Kényans #TakeBackKenya
D'autres tweets ont tourné en dérision certaines parties de la déclaration du président Kenyatta lors du Jamhuri Day. Fundi Ndegz ironisait :
Guess you meant equipped with teargas @TakeKenyaBack #TakeBackKenya https://t.co/lDZLbQwaAI
— Fundi Ndegz (@ndegwapower) December 12, 2016
Vous vouliez plutôt dire équiper les @TakeKenyaBack #TakeBackKenya de gaz lacrymogènes.
Martin Ndambuki se demandait :
Apart from “My fellow Kenyans” ,which
other part of President Kenyatta's speech
was true? #JamhuriDay2016 #UCLdraw #TakeBackKenya— Martin Ndambuki (@martinndambuki7) December 12, 2016
A part “Mes frères Kényans” , quelle
autre partie de la déclaration du président Kenyatta
était vraie ? #JamhuriDay2016 #UCLdraw #TakeBackKenya
En répondant à la déclaration du président Kenyatta sur les demandes de changement de régime dans le pays au Nouvel An, Gatwiri avance que :
No, Uhuru doesn't have a regime, what he has is a tragedy that must be stopped in 2017. Such a dramatic president my god #TakeBackKenya https://t.co/0TILUGfU8x
— Gatwiri (@RookieKE) December 13, 2016
Non, Uhuru n'a pas un régime, ce qu'il a est une tragédie qui doit cesser en 2017. Mon dieu, c'est un mandat si dramatique #TakeBackKenya
Les Kényans voteront en août 2017 avec la persistance des mécontentements et du statu quo.
Loise Kinuthia a tweeté :
#TakeBackKenya the thuggery in Kenya leadership, one day, they will steal their own bank account, thinking its a public account
— Loise Kinuthia (@KinuthiaLoise) December 12, 2016
#TakeBackKenya, un jour le banditisme volera en éclats quand ils détourneront les fonds de leurs propres banques en pensant qu'il s'agit d'argent public
Alors que Waiguru ironisait sur la EACC [Commission d'éthique et anti-corruption] :
EACC job is not to fight corruption but to seem to! #HealthCrisisKe #ChaseBankScam #DefeatCorruptionKE #TakeBackKenya CEO Halakhe Waqo #GMW pic.twitter.com/PBtyZ1xZE9
— 6Th President Kenya (@WaiguruGM) December 14, 2016
Le travail de l'EACC n'est pas de combattre la corruption mais plutôt de l'être !
Kate Mbuto parlait quant à elle de sa participation à la manifestation :
#TakeBackKenya was my first ever protest. I was so scared did even have breakfast. But I've learnt to stand up to power
— kate mbuto (@KateMbuto) December 12, 2016
#TakeBackKenya a été ma première manifestation. J'étais vraiment effrayée que j'y suis allée le ventre vide. Mais j'ai appris à résister face au pouvoir.
Comme le mot-dièse #TakeBackKenya poursuit son élan en ligne, beaucoup de Kényans partagent les messages demandant la participation d'autres citoyens pour arrêter la corruption. Est-ce le Printemps arabe kényan ?