Un tabloïde explique comment profiter de la dépénalisation des violences conjugales en Russie

Photographie : Pixabay

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Le gouvernement fédéral russe s'apprête à dépénaliser plusieurs types de violences conjugales, considérant désormais un “acte de violence n'entrainant pas de blessure sérieuse” comme un délit mineur. Selon les critères dont le Ministère de la santé russe a dressé la liste, ce projet de loi dépénalisera les coups portés au sein d'une famille qui n'occasionnent que des “blessures légères” telles que des “petites égratignures, contusions, blessures superficielles et lésions des tissus mous.”

Vendredi 27 janvier 2017, la Douma d'Etat a approuvé la version finale du projet de loi. Malgré la controverse autour de cette proposition parmi les médias russes, seuls trois députés ont voté contre, tandis que 380 ont voté pour. A présent, seule l'approbation de la toujours très accommodante Assemblée fédérale est nécessaire pour que cette loi n'atterrisse sur le bureau du président pour être ratifiée, et Vladimir Poutine a déjà exprimé son soutien en faveur du projet.

Bien évidemment, le fait que le gouvernement russe dépénalise certains types de violences conjugales a généré un intense débat sur Internet, où l'on peut également trouver un florilège de blagues misogynes se moquant du concept de violence envers les femmes et les enfants, ainsi que des blagues à propos des nouvelles façons d'exprimer sa “masculinité” que permet une approche plus laxiste de la violence au sein des familles.

Bien que ce type d'humour immature soit omniprésent en ligne, particulièrement à propos des droits des femmes, il ne se limite pas aux tarés de la “droite alternative” russe s'échangeant des blagues de mauvais goût.

Le 27 janvier, quelques heures seulement après que la Douma eut approuvé la version finale du projet de loi de dépénalisation, le tabloïde pro-Kremlin “Life” a partagé sur les réseaux sociaux une étrange vidéo, intitulée “Il te bat parce qu'il t'aime”, qui liste “cinq meilleures façons de frapper ses proches sans laisser de traces”.

En quarante-sept secondes, au son d'une guitare guillerette, la vidéo régale avec un montage enjoué de clipart animé qui explique que l'on peut peut utiliser un matelas roulé, poser un livre sur la tête de quelqu'un et taper sur ledit livre, frapper les membres de sa famille avec la paume de la main, faire des prises d'étranglement ou taper sur la plante des pieds. La dernière partie de la vidéo montre ce qui semble être un enfant en train de mourir tandis que ses pieds sont roués de coups et que la musique se fait plus sombre, puis apparaît brutalement le logo de Life avec le hashtag “#wow”.

A l'heure de l'écriture de ces lignes, la video a été vue 28 000 fois sur Facebook et plus de 83 000 fois sur Vkontakte, où Life explique en commentaire: “Voici une video pour vous expliquer ce qui n'est plus puni par la loi. Mais ce n'est pas une raison pour le faire.”

Cette video a immédiatement suscité l'indignation de nombreuses personnalités des médias russes, y compris des journalistes coutumiers de traits d'humour tendancieux tels qu'Igor Belkine, fondateur de “Lentach”, un des projets satiriques les plus populaires de l'Internet russe.

Sur Facebook, Belkin a publié ce message :

Тут всякие хорошие и разные люди идут работать в “Лайф”, и, сообщив об этом на ФБ, удивляются, почему им в комментах нечужие и опять же неплохие в общем-то люди предлагают помочиться себе на лицо и так далее. Так вот примерно поэтому.

Il y a toute sorte de personnes respectables qui travaillent chez Life et qui, après avoir partagé cette vidéo sur Facebook, sont tout à coup surprises quand, et je répète qu'il s'agit généralement de personnes respectables, des gens qu'elles connaissent laissent des commentaires les invitant à aller se pisser sur le visage, etc. Et bien voilà pourquoi.

Aujourd'hui, le problème des violences conjugales est très sérieux en Russie. Selon les statistiques publiées par le Ministère de l'intérieur en 2013 et relayées par le site d'actualité Meduza, la police a enregistré plus de 38 235 plaintes de victimes de violence, dont les trois quarts étaient des femmes.

D'après les données rassemblées par Amnesty International en 2003, chaque année environ quatorze mille femmes russes décèdent des suites de violences conjugales, pour la plupart jamais signalées. A l'époque, les chercheurs avaient conclu que chaque jour trente-six mille femmes russes étaient victimes de violences conjugales.

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