- Global Voices en Français - https://fr.globalvoices.org -

‘Filles de la forêt’, un documentaire sur l'autonomisation des jeunes femmes dans le Paraguay rural

Catégories: Amérique latine, Paraguay, Education, Femmes et genre, Jeunesse, Médias citoyens, Peuples indigènes

Pleine lune sur la réserve naturelle de la forêt de Mbaracayú. Photo sur Flickr de Jose A. Huertas [1] (CC BY-NC-ND 2.0).

La forêt de Mbaracayú [2] se situe dans un endroit éloigné du Paraguay, constitué du bassin supérieur de la rivière de Jejuí et de la réserve naturelle de la forêt de Mbaracayú. Le lieu, un point névralgique de la biodiversité, sert de sanctuaire à quelques espèces en danger [3].

Mais pour les personnes vivant aux environs de cette zone, la vie quotidienne est compliquée. Aller à l'école, par exemple, n'est pas facile, non seulement du fait que les enfants doivent s'y rendre en traversant une végétation dense débordant sur les routes, mais aussi du fait d'un manque de moyens [4] pour s'éduquer et des clichés de la société contre les femmes.

En 2008, La fondation Moises Bertoni, l'entité en charge de la réserve naturelle, a mis en place le Centre d'Education de Mbaracayú, une initiative [5] visant à offrir une éducation de qualité aux filles adolescentes habitant à l'intérieur et aux alentours de la réserve. IL délivre des diplômes techniques d'enseignement secondaire en sciences environnementales.

Le film de 2015 “Filles de la forêt [6],” réalisé par Samantha Grant de San Francisco, en Californie, décrit ces aspects. Le documentaire sera présenté au 10ème Festival Annuel du Film Documentaire de Sébastopol, prévu du 23 au 27 Mars.

La collaboratrice de de Global Voices Mary Avilés a eu un entretien avec la réalisatrice Samantha Grant sur le film et ses objectifs.

Global Voices (GV): de quoi est-il question dans “Filles de la forêt ” ?

Samantha Grant (SG): Filles de la forêt relate l'histoire magnifique et stimulante, dans l'une des forêts les plus à l'écart encore existantes sur terre, d'un groupe de filles fréquentant un collège alternatif où elles apprennent à protéger la forêt menacée et à se bâtir un meilleur avenir. Situé dans la nature sauvage de la Réserve de Mbaracayú dans le Paraguay rural, ce documentaire-vérité intime donne un rare aperçu d'un monde en voie de diparition où de timides jeunes filles deviennent en grandissant de courageuses jeunes femmes transformées par leurs improbables amitiés réciproques. Filmé sur une période de cinq années, nous avons suivi les filles à partir de leurs modestes maisons des villages indigènes jusqu'à l'année après la remise de leurs diplômes pour observer exactement comment leur formation révolutionnaire à influencé et continuera d'influencer leurs vies futures.

GV: Quel est le plus important message de “Filles de la forêt” ?

SG: Le principal message du film est que si vous donnez une chance aux filles en leur offrant une éducation, elles peuvent devenir des membres précieux et actifs de la société, car contrairement aux jeunes gens qui reçoivent une éducation et finissent souvent par aller chercher fortune ailleurs, les jeunes femmes ne quittent pas leur communauté d'origine. Par ailleurs, si vous mettez l'accent sur l'environnement et l'importance de préserver les forêts anciennes dans l'éducation que vous offrez aux jeunes filles, elles proposeront des idées productives et innovatrices sur la manière de lutter contre la déforestation — un problème qui n'est pas local uniquement. La déforestation constante, rapide et ravageuse des forêts de l'Amérique du Sud par les conglomérats agricoles internationaux est un problème qui devrait préoccuper le monde entier.

GV: Qu'est ce qui vous a poussé à décider de produire ce documentaire ?

SG: A l'origine j'ai été amenée à participer à ce projet en tant que jeune cinéaste et femme, parlant couramment l'espagnol, et ces critères étaient les minima à remplir pour pouvoir se connecter à cette communauté de jeunes femmes parlant espagnol. Le réalisateur de ce film, qui tomba sur cette histoire lorsqu'il faisait le portrait de Martin Burt (le fondateur de cette école) m'a rencontrée à travers son réseau de contacts et après une brève conversation au téléphone je me suis inscrite pour une mission que je pensais relativement courte et amusante. Ensuite j'ai rencontré les filles, qui sont tout simplement formidables. Après quelques jours de tournage il était clair que mon rôle n'était pas celui de simple ‘cinéaste’ de ce fait le réalisateur et moi avons eu une discussion et il fut décidé que j'aurai un rôle plus important. Nous avons suivi les filles des années durant et ma position évolua à celle de réalisatrice. Parler d'un projet que quelqu'un d'autre a initié est une chose délicate, et ce projet n'est pas sans difficultés, mais j'ai décidé de m'engager pour un rôle plus important en tant que réalisatrice car je crois à ce projet et je crois aux filles. Aussi, en tant que producteur de documentaire ce n'est pas toujours que vous avez la chance de relater une histoire belle et inspirante, j'ai donc sauté sur cette occasion.

GV: qu'est-ce qui vous a le plus étonné dans leurs histoires ?

SG: Le fait que ces jeunes filles ressemblent vraiment à toutes les autres adolescentes d'ici aux Etats-Unis. Malgré le fait qu'elles aient grandi dans des circonstances si différentes de celles de la majorité des filles aux Etats-Unis, ces filles sont tout simplement pareilles à toute autre adolescente que vous pourriez rencontrer aux Etats-Unis. Elles ont les mêmes aspirations, les mêmes rêves, les mêmes craintes et désirs. Elles mettent des photos de magazine d'idoles d'adolescentes près de leurs lits. Elles adorent danser et écouter de la musique pop. Elles pouffent de rire et bavardent en regardant la télé. Elles aiment s'habiller avec ostentation, se maquiller, et maintenant qu'elles ont l'internet satellitaire à l'école, elles adorent garder le lien avec leurs amis sur Facebook.

GV: Avez-vous rencontré quelques difficultés durant la production du documentaire ?

SG: Le processus de production de ce film était un défi très complexe — mais encore une fois chaque documentaire comporte ses propres défis. C'est cela que j'aime dans ce métier — ce n'est jamais ennuyeux et je suis toujours amenée à résoudre des problèmes que je ne pouvais imaginer lorsque j'ai commencé. Comme lorsque nous étions sur un tournage et qu'un énorme ouragan balaya la région en inondant toutes les routes. Nous nous enfermâmes dans une cabane et j'ai utilisé mon imperméable pour protéger ma caméra. Cette nuit , nous avons fini par sortir , mais il y a eu quelques heures pendant lesquelles notre équipe envisagea de dormir entassés sur le sol mouillé et sale de la cabane de cette famille jusqu'à ce que les routes soient réparées. Nous avons tout simplement adoré regarder la pluie et nous blottir contre n'importe qui là-bas–y compris les porcs et les poulets de la famille qui y étaient rentrés à cause de la tornade. La chaleur intense, la météo imprévisible, le manque d'infrastructures et de routes fiables, et l'intermittence de la fourniture d'électricité tout cela se combinait pour faire de cette production une aventure, mais ces difficultés que nous subissions dans la production étaient compensées par la pure magie du lieu. Et montrer cet endroit magnifique, un endroit que la plupart des gens n'auront pas la chance de visiter au cours de leur vie, est aussi une des raisons d'être du film.

GV: Combien de temps cela vous a-t-il pris pour faire le documentaire ?

SG: Environ sept années. Nous avons commencé à filmer les filles dans leurs villages d'origine avant qu'elles ne viennent à l'école, ensuite nous les avons suivies durant toutes les trois années de leur vie d'élèves, puis nous sommes retournés les voir après qu'elles eurent obtenu leurs diplômes pour voir l'impact que cette formation a eu sur elles dans l'ensemble. Les deux dernières années ont été utilisées pour la levée des fonds, le montage et la distribution. Je suis ravie de dire que le film a connu une diffusion nationale sur PBS [un radiodiffuseur publique américain]. Il fait aussi partie de Women of the World initiative, “Initiative des femmes du monde”, appuyée par la Fondation Ford et l'USAID [l'agence gouvernementale américaine] ce qui veut dire que le film ne sera pas diffusé que dans 12 pays, mais aussi dans les zones des communautés rurales à travers les écrans des téléphones portables, dans des endroits ayant été identifiés comme ‘pays de changements sociaux’ prêts à accepter une mutation dans le rôle des femmes et des filles dans leurs sociétés. L'espoir est que ce récit puisse aider ces gens à comprendre que les filles peuvent jouer un rôle d'avant-garde lorsqu'elles sont formées et qu'une chance leur est offerte.

GV: Où le documentaire sera-t-il visible ?

SG: Le documentaire tourne à travers le circuit des festivals et actuellement, nous allons entamer les séries de projections en public qui amèneront le film dans les centres des Campus de lycées et des communautés à travers les Etats-Unis. Si vous souhaitez programmer une projection, veuillez vous adresser à nous par cette adresse email: info@gushproductions.com.