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#CriseDesTulipes : L'affrontement diplomatique entre Turquie et Pays-Bas a de quoi effrayer les minorités en Europe

Catégories: Afrique du Nord et Moyen-Orient, Europe de l'ouest, Pays-Bas, Turquie, Dernière Heure, Gouvernance, Liberté d'expression, Médias citoyens, Politique, Relations internationales, Religion

Le secrétaire d'Etat Kerry écoute le ministre turc des Affaires étrangères Cavusoglu s'adresser à la presse à Washington. Photo Département d'Etat via son compte officiel Flickr. Domaine Public domain.

La baroque confrontation diplomatique [1] qui dégénère en ce moment en menaces de sanctions et autres représailles fracasse la relation de la Turquie avec les Pays-Bas son allié dans l'Otan, et fait enfler les discours nationalistes dans les deux pays.

Episodes de la querelle : l'avion du ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu interdit d'atterrissage aux Pays-Bas le 11 mars, et la ministre turque de la Famille Fatma Betul Sayan Kaya conduite sous escorte [2]à la frontière allemande par les autorités néerlandaises le lendemain, quand le duo a tenté d'assister à un rassemblement devant le consulat de Turquie dans la ville hollandaise de Rotterdam.

Cavusoglu and Kaya avaient tous deux l'intention de s'adresser à leurs concitoyens turcs sur le thème du prochain référendum dans leur pays, dans cette cité de plus d'un demi-million d'habitants. Rotterdam, réputée ville d'immigrants, a un maire musulman, et environ huit pour cent de sa population est d'origine turque.

De façon spectaculaire, les autorités néerlandaises ont empêché les deux ministres d'effectuer leurs visites non programmées, et ont dispersé la foule de plus en plus agitée avec canons à eau et chiens policiers. L'assistance a lancé du verre et des pierres sur les policiers, à en croire les témoins oculaires.

Le bien-fondé ou non du gouvernement turc à commanditer dans un pays étranger un rassemblement lié à sa politique intérieure, et la main lourde [3] du gouvernement des Pays-Bas dans sa réaction ont dominé la discussion sur Twitter. De même que, sans surprise, la personnalité du controversé président turc Recep Tayiip Erdogan, qui a traité le gouvernement néerlandais de “nazis” et brandi des sanctions.

Le spécialiste de la Turquie Aaron Stein a compilé une utile chronologie en anglais [4]d'une farce qui a mal tourné, en usant de “gouvt X” pour les Pays-Bas et de “gouvt Y” au lieu de Turquie.

Les actes ont des conséquences

Erdogan, sans doute l'homme politique le plus puissant de son pays depuis que le fondateur de la Turquie moderne Kemal Attaturk est mort à la tâche en 1938, sera le principal bénéficiaire de la révision constitutionnelle en jeu dans le référendum du mois prochain.

Si les changements qui renforceront sa fonction ont de bonnes chances d'être approuvés, chaque voix compte, y compris celle des Turcs qui vivent et travaillent en Europe, ce qui explique les tentatives largement infructueuses de membres de son gouvernement pour visiter les villes du continent à nombreuse population turque et y battre le rappel. Outre les Pays-Bas, l'Autriche et la Suisse ont aussi annulé des rassemblements en faveur du vote oui, en se justifiant par leur désir de ne pas laisser leurs pays devenir des relais pour les campagnes politiques de gouvernements étrangers.

Mais la nature de la réaction néerlandaise à la plus récente tentative de rassemblement fait le jeu d'un Erdogan de plus en plus nationaliste, comme le montrent les tweets de ses partisans et un coup d'oeil aux unes des journaux pro-gouvernementaux.

Un ramassis de couards, de fascistes et de nazis. #Nous sommes tous Erdogan contre les Nazis

C'est ce qu'on appelle marteler le message. La presse turque suit les ordres éditoriaux pendant que la crise avec les Pays-Bas et autres s'approfondit

J'aimerais présenter au gouvernement néerlandais mes sincères remerciements pour sa grande contribution à la campagne référendaire du Oui. #Crise des Tulipes

Un cadeau qui tombe aussi apparemment à pic pour le politicien d'extrême droite néerlandais Geert Wilders à l'approche d'élections législatives dont les résultats seront connus le 16 mars. D'aucuns ont supputé que la réaction du gouvernement était calculée pour flatter le sentiment nationaliste qui a propulsé Wilders au bord d'une victoire-choc.

Allez-vous en et ne revenez jamais @drbetulsayan, et merci d'emmener avec vous tous vos fans des Pays-Bas. Bye bye

Mais surtout, être une minorité musulmane est terrifiant par les temps qui courent en Europe, quand les populations migrantes deviennent de simples pions dans les tensions entre Ankara et l'Occident.

La crise des tulipes est une série sans fin de ? mais avec des conséquences humaines réelles dans une époque fragile pour les minorités dans l'UE…