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Une étudiante indienne s'oppose à la droite nationaliste et reçoit des menaces de mort

Catégories: Asie du Sud, Inde, Cyber-activisme, Droits humains, Jeunesse, Liberté d'expression, Manifestations, Médias citoyens, Politique, Advox
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Image: Sur Twitter, Gurmehar Kaur déclare : “Je suis étudiante à l'Université de Delhi. Je n'ai pas peur de l'ABVP. Je ne suis pas seule. Chaque étudiant d'Inde est avec moi. #EtudiantsContreABVP”

Des menaces de violence, de viol en réunion et d'agressions font les gros titres en Inde, après qu'une étudiante de 20 ans à la faculté Lady Shri Ram de New Delhi a lancé le mouvement de protestation [2] #EtudiantsContreABVP.

Gurmehar Kaur [3] a initié cette campagne après une récente altercation [4] entre des manifestants et le mouvement étudiant indien de droite Akhil Bharatiya Vidyarthi Parishad [5] (Conseil de tous les étudiants d'Inde) ou ABVP, lié à des organisations nationalistes hindoues.

Le contexte

Le 21 février, une conférence intitulée “Culture de Résistance” devait se tenir à la faculté Ramjas de l'Université de Delhi. Lors de cet événement étaient censés intervenir Umar Khalid et Shehla Rashid, deux militants connus pour leur soutien en faveur du mouvement “Cachemire libre”, mais leurs interventions ont été annulées suite à de très importantes manifestations [6] des membres du mouvement étudiant de droite ABVP, qui ont saccagé la faculté en représailles de l'invitation sur le campus d'un homme accusé d'acte de sédition en 2016 [7].

Après les manifestations de l'ABVP, des étudiants, enseignants, journalistes et militants ont organisé une contre-manifestation en soutien à l'invitation de Khalid et Rashid. Les choses ont mal tourné quand des membres de l'ABVP ont débarqué et commencé à se battre avec les manifestants. Selon diverses sources, plusieurs militants ont été blessés et des femmes ont été menacées de viol.

Le 22 février, Gurmehar Kaur a réagi en publiant sur Facebook une photo avec le message suivant [8] :

“I am a student from Delhi University. I am not afraid of ABVP. I am not alone. Every student of India is with me. #StudentsAgainstABVP”

“Je suis étudiante à l'Université de Delhi. Je n'ai pas peur de l'ABVP. Je ne suis pas seule. Chaque étudiant d'Inde est avec moi. #EtudiantsContreABVP”

Elle a également publié le billet suivant [8] :

The brutal attack on innocent students by ABVP is very disturbing and should be stopped. It was not an attack on protestors, but an attack on every notion of democracy that is held dear in ever Indian's heart. It is an attack on ideals, morals, freedom and rights of every person born to this nation. The stones that you pelt hit our bodies, but fail to bruise our ideas.
This profile picture is my way of protesting against the tyranny of fear. If you are a student in any Indian university, in any Indian state and you wish to protest against ABVP then take a similar selfie and make it your profile picture. Use the hashtag #StudentsAgainstABVP and copy paste this message along with it.

It's time for every student of India to unite! Jai Hind! Jai Democracy!

La violente attaque d'étudiants innocents par l'ABVP est choquante et devrait être empêchée. Ce ne sont pas des manifestants qui ont été attaqués, mais la notion même de démocratie que chaque Indien porte fièrement en son coeur. Il s'agit d'une attaque contre les idéaux, le mode de vie et les droits de chaque citoyen de ce pays. Les pierres que vous nous lancez frappent nos corps mais n'atteignent pas nos idées.
Cette photo est ma façon de m'opposer à la tyrannie de la peur. Si tu es étudiant, quel que soit ton université, quel que soit ton État, et que tu souhaites protester contre l'ABVP, prends-toi en photo comme moi et fais-en ta photo de profil. Utilise le hashtag #EtudiantsContreABVP et copie-colle ce message.

Elle a ainsi marqué le lancement de la campagne #EtudiantsContreABVP [9]. Sur les réseaux sociaux, des étudiants de toute l'Inde se sont rapidement mis à changer leur photo de profil [10] pour dénoncer la violence.

[L'Union nationale des étudiants d'Inde] condamne fermement l'attaque de la conférence et exprime son soutien à [l'Université de Delhi]. #EtudiantsContreABVP

Les étudiants de tout le pays veulent la paix et l'unité sur les campus. Evitons l'extrémisme et suivons la voie de Gandhi. #EtudiantsContreABVP

Nous exprimons notre plus sincère soutien à [Gurmehar Kaur] et condamnons les honteuses atrocités commises par l'ABVP. #EtudiantsContreABVP

Je suis étudiant à l'Université de Delhi et nous ne voulons pas de vandales sur nos campus. Je suis avec [Gurmehar Kaur]. #EtudiantsContreABVP

Les défenseurs de Kaur ont salué son initiative :

Très courageux de la part de [Gurmehar Kaur] de s'attaquer aux crétins de l'ABVP ! Très triste de voir des gens comme [Virender Sehwag [25]] ou [Randeep Hooda [26]] minimiser cette situation !

Bien évidemment, Kaur n'a pas convaincu tout le monde, et certains internautes se servent de son hashtag pour faire passer le message inverse :

Chère ANEI [Association nationale des étudiants d'Inde], la vérité finit toujours par émerger ! Les étudiants neutres de l'Université de Delhi commencent à se faire entendre.

Ci-dessous, Gurmehar Kaur apparaît dans une vidéo [30] où elle “parle” de la paix entre le Pakistan et l'Inde. Son père a été tué pendant la guerre [31] entre les deux pays.

Elle s'est attiré les foudres de nombreuses personnes en déclarant dans la video : “Ma mère m'a retenue et m'a fait comprendre que ce n'était pas le Pakistan qui avait tué mon père. C'est la guerre qui l'a tué.”

Des internautes tels qu'Anand Ranganathan l'ont défendue contre ce qu'ils considèrent des attaques de la part de trolls :

Voici l'intégralité du texte de la vidéo de [Gurmehar Kaur]. En rouge, l'extrait sorti de son contexte pour l'attaquer.

D'une simple protestation à un débat politique

Le ministre de l'Intérieur indien Kiren Rijiju a été la dernière personne en date à se mêler à la controverse lorsqu'il a demandé sur Twitter : “Qui donc corrompt l'esprit de cette jeune fille ?”

Qui donc corrompt l'esprit de cette jeune fille ? Une armée puissante protège d'une guerre. L'Inde n'a jamais attaqué personne mais a toujours été envahie lorsqu'elle était faible.

Pratap Simha, autre membre du parti au pouvoir BJP, a comparé Kaur au terroriste Dawood Ibrahim [36].

[Photo de gauche :] “Fille de soldat : Ce n'est pas le Pakistan qui a tué mon père. C'est la guerre qui l'a tué.” [Photo de droite :] “Fils de policier : Ce n'est pas moi qui ai tué des gens en 1993. Ce sont des bombes qui les ont tués.”
[Texte en-dessous :] “Au moins Dawood ne s'est pas servi du nom de son père pour justifier sa trahison.”

Les défenseurs de Kaur ont répliqué qu'elle avait droit à la liberté d'expression, une liberté qui selon eux s'est “dégradée” récemment en Inde, à cause des responsables politiques et des militants de droite qui, disent-ils, n'hésitent pas qualifier tout désaccord politique d'”acte de sédition.”

[Gurmehar Kaur], très facile de mesurer l'efficacité de ton message au nombre de réactions de haine. Les petites brutes paniquent quand elles se sentent menacées.

Ne m'appelez pas Fille de martyr si ça vous dérange. Je n'ai rien demandé. Appelez-moi donc Gurmehar.

Chapeau bas à toi [Gurmehar Kaur] pour ton courage. Une jeune femme forte comme toi nous donne espoir pour le futur de l'Inde.

Rien de surprenant à ce que des “nationalistes” s'en prennent à [Gurmehar Kaur] pour une image tirée de toute une série. Comme d'habitude, ils ne voient pas plus loin que leur haine.

Kaur reçoit de plus en plus de menaces

Kaur a reçu des menaces de mort et de viol [45] sur les réseaux sociaux, de la part d'individus qui la considèrent comme une “traîtresse.” Elle a porté plainte [46] le 27 février auprès de la Commission pour les Femmes de New Delhi, donnant les noms de plusieurs comptes Twitter [47] qui l'ont menacée.

Comment se fait-il que les “nationalistes” en reviennent toujours au menaces de viol quand ils se sentent menacés ?

Aakar Patel, directeur d'Amesty International pour l'Inde, a déclaré dans un communiqué [50] :

The events at Ramjas College are a shameful reminder of how intimidation and threats continue to restrict free speech on university campuses.

Les événements honteux de la faculté de Ramjas nous rappellent que la liberté d'expression sur les campus se heurte encore à l'intimidation et aux menaces.