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Alexandre Donskoï est un entrepreneur qui fut un temps maire d'Arkhangelsk, avant d'être arrêté pour crimes économiques et abus de position dominante. Aujourd'hui, il est propriétaire d'une chaîne de musées et d'attractions touristiques sous la marque « The Big Funny Association ». C'est aussi lui que l'on trouve derrière le projet d'organiser une nouvelle exposition artistique à la gloire du président russe, qu'il souhaite intituler « Poutine superhéros ».
Donskoï tente de réunir un capital de départ pour son projet d'exposition à l'aide de la plateforme de crowdfunding Boomstarter, clone russe du site web Kickstarter. Il demande aux investisseurs un apport de 3 millions de roubles (environ 50 000 euros). S'il réussit à collecter une somme suffisante, il prévoit de mettre en scène l'exposition à Moscou et à Saint-Pétersbourg, mais aussi à New York et Berlin.
Pour l'instant, une journée de campagne de levée de fonds a permis de récolter en tout et pour tout 100 roubles (1,60 euro).
Un démarrage poussif, mais ce n'est pas faute d'avoir essayé. Donskoï a recruté à sa rescousse Youlia Dioujeva, une étudiante de 21 ans de la faculté de journalisme de l'Université d’État qui a tourné dans la pub de Boomstarter. Mlle Dioujeva, mannequin professionnel et « patriote » autoproclamée, a été élue en décembre dernier « fitgirl la plus sexy du campus » par le site du tabloïd pro-Kremlin Life.ru.
Dans le clip publicitaire, elle explique aux spectateurs que leur aide est nécessaire pour combattre ceux qui calomnient le président Poutine.
Sur Boomstarter, Donskoï et son équipe donnent aux visiteurs du site un aperçu de ce qu'ils pourront voir à l'exposition « Poutine superhéros ». Dans une première salle, drapeau, blason et hymne de la Russie voisineront avec une figure de cire à l'effigie de Poutine. Au dire de Donskoï, cette statue sera idéale pour faire des selfies.
Dans la salle suivante sera représenté le tournant dramatique de la décennie mouvementée des années 90 en Russie. « Rappelez-vous les rues sales avec des vendeurs à la sauvette, des malfaiteurs à chaque carrefour, le crash de 1998 » interpelle l'avertissement sur Boomstarter. Cette partie de l'exposition consistera en une pièce faiblement éclairée contenant une auto soviétique en panne flanquée de détritus et de graffitis anti-Eltsine.
Ensuite, les visiteurs en apprendront davantage sur les jeunes années de Vladimir Poutine en lisant les souvenirs enthousiastes de ses professeurs, disposés sur un grand mur sous la forme d'un quotidien géant de l'époque soviétique.
Les installations suivantes consisteront en journaux largement déployés montrant les principaux événements qui ont accompagné la chute de l'URSS, et célébreront les années de Poutine au KGB en Allemagne de l'Est.
Avec un peu de chance, les visiteurs pourront aussi pénétrer dans une réplique du cabinet présidentiel, dans lequel se trouvera une reconstitution de la table de travail du chef de l’État. Les hôtes seront invités à prendre place dans le fauteuil présidentiel et à terminer la phrase suivante : « Si j'étais président… » Selon les informations de Boomstarter, les auteurs de la réponse la plus brillante dans chaque groupe de visiteurs seront récompensés par un prix.
Les salles suivantes présenteront de larges extraits de presse racontant la renaissance de la Russie depuis l'accession de Poutine à la présidence. L'exposition se conclura avec les hobbies du président : vol avec les grues de Sibérie, anesthésie de tigres, étreintes avec des ours polaires, tous faits authentiques et soigneusement documentés par des clichés pris par Poutine au cours de nombreuses années.
En plus d'une cafétéria supposée servir les « modestes repas » que mangeait Poutine dans son enfance soviétique, les visiteurs devraient pouvoir accéder à un « hall des illusions avec Vladimir Poutine » et « s'envoler pour la Crimée avec Vladimir Vladimirovitch sans quitter le musée ». Donskoï ne fournit pas davantage de détails sur ces deux attractions.
Alexandre Donskoï n'est pas la personne la plus indiquée pour concevoir cette exposition « Poutine surperhéros ». Il faut savoir qu'il avait fait part de son intention de devenir président en 2008, quand Poutine a quitté ses fonctions.
En février 2007, dans une interview à la Novaïa Gazeta, Donskoï révélait qu'Ilya Klebanov, l'un des hommes de confiance de Poutine, lui aurait téléphoné pour le menacer de poursuites judiciaires s'il ne se retirait pas de la course.
« Personne dans l'administration présidentielle ne va plus me parler », se plaint Donskoï dans cette interview. « Pour parler franchement, je ne croyais pas ce genre de choses possible à notre époque. Je pensais que devenir un dissident dans notre pays appartenait à la période communiste. »
Il n'a donc pas pu se présenter, et a aussitôt fait l'objet de plusieurs poursuites judiciaires qui ont fini par lui coûter son poste de maire.
Une décennie et quelques plus tard, les temps ont fini par changer pour Alexandre Donskoï, qui propose maintenant « dîner présidentiel + visite guidée » à quiconque voudra investir 20 000 roubles (environ 325 euros) ou plus dans son projet d'exposition « Poutine superhéros ».