Rapport Netizen : pourquoi YouTube censure vos vidéos? Vous ne le saurez peut-être jamais.

Index 2017 de la responsabilité d'entreprise pour les droits numériques, publié par Ranking Digital Rights – résultats mondiaux.

Le Rapport Netizen de Global Voices Advocacy présente un aperçu des défis, des victoires et des nouvelles tendances en matière de droits de l'Internet dans le monde.

À la mi-mars, le documentariste indien Rakesh Sharma, connu pour ses films portant sur les désordres publics et la violence dans l'état du Gujarat, a vu sa chaîne YouTube bloquée. La plateforme lui a envoyé le message suivant :

Ce compte a été résilié en raison d'infractions répétées ou d'abus graves enfreignant la politique de YouTube à l'égard des spams, des pratiques trompeuses, des escroqueries ou autres non-respects des conditions d'utilisation.

La chaîne était en ligne depuis 2014 et présentait essentiellement des extraits de ses documentaires, qui ont suscité beaucoup d'attention en Inde, en Europe et aux États-Unis. Deux jours plus tard, sans qu'aucune explication soit donnée, la chaîne était débloquée. Rakesh Sharma est connu pour ses prises de position critiques à l'égard du premier ministre indien Narendra Modi, qui sont évidentes dans ses films, mais il n'y a aucune preuve démontrant qu'elles aient pu être à l'origine du blocage de sa chaîne.

En effet, rien n'explique – au-delà de la notification automatique – ce qui a pu motiver le blocage de la chaîne ni son retour soudain.

Rakesh Sharma n'est pas le seul dans cette situation, de nombreux usagers ont eu la surprise de voir leurs vidéos soit bloquées, soit placées en accès « restreint » ces derniers mois. Il semble que YouTube ait changé sa politique en matière de non-respect du règlement (notamment en ce qui concerne les contenus extrémistes) et cherche à rester dans les bonnes grâces des annonceurs.

Les vlogueurs qui abordent la question des relations entre personnes de même sexe et les droits des LGBT [es] sur YouTube, sont parmi ceux qui ont vu leurs vidéos soudainement bloquées en mode « restreint », une option destinée aux enfants et aux écoles. Les utilisateurs ont fait part de leur préoccupation et ont publié sur Twitter des exemples de blocage avec le mot-clic #YouTubeIsOverParty [Fêtons la fin de YouTube].

Ces blocages soulèvent des questions cruciales sur le processus, à la fois automatisé et humain, mis en place par YouTube pour identifier les vidéos qui contreviennent aux conditions d'utilisation ou sont jugées inappropriées pour un jeune public. Alors que certains contenus, comme les vidéos pornographiques, sont faciles à identifier et à retirer, d'autres le sont moins. Bien souvent, le processus est enclenché par les utilisateurs eux-mêmes, qui sont libres de dénoncer les contenus qu'ils jugent inappropriés. Ce mécanisme joue un rôle important dans la façon dont la plateforme fixe ses priorités en ce qui concerne la suppression de contenu. Il en résulte parfois des abus de la part d'utilisateurs qui cherchent à réduire au silence les personnes avec lesquelles ils sont désaccord.

Ces exemples illustrent à quel point il est important que les sociétés soient transparentes en ce qui concerne la suppression de contenu, tant au niveau individuel qu'au niveau des plateformes. Cette question est d'ailleurs soulevée dans le Classement des droits numériques 2017 (publié le 23 mars), qui compare les normes internationales relatives aux droits de l'homme qui existent dans l'univers numérique.

En Iran, les atteintes à la liberté d'expression s'accumulent à l'approche de l'élection

Les Iraniens constatent la répression qui frappe la liberté de presse et l'expression numérique à l'approche de l'élection présidentielle prévue en mai 2017. Les Gardiens de la révolution iraniens, l'aile radicale des forces armées qui relève du Guide suprême, ont arrêté 12 administrateurs [ar] de chaînes Telegram qui soutiennent la faction réformiste en Iran, ainsi que des partisans du président modéré Hassan Rohani.

L'application de messagerie Telegram avait considérablement élargi son bassin d'utilisateurs iraniens lors des élections législatives de 2016. Plusieurs croient que ces derniers ont contribué à faciliter les gains actuels des parlementaires réformistes et modérés. Les autorités iraniennes ont tenté de freiner la libre circulation de l'information sur Telegram en procédant à des arrestations et en imposant de nouvelles règles obligeant les médias et les journalistes à obtenir une licence officielle pour diffuser des nouvelles sur Telegram.

De plus, les autorités ont récemment arrêté deux journalistes, Ehsan Mazandarani et Hengameh Shahidi, tous deux connu pour leurs reportages indépendants et critiques.

Une Jamaïcaine militant pour les droits de la femme est arrêtée pour avoir mené une campagne sur les médias sociaux

La militante jamaïcaine Latoya Nugent a été arrêtée la semaine dernière en vertu de la Loi sur les cybercrimes de Jamaïque. Elle est accusée d'« utilisation malveillante d'un ordinateur » après avoir publiquement identifié sur les réseaux sociaux les auteurs présumés de violence sexuelle. Latoya Nugent est la cofondatrice de la Tambourine Army, un nouveau mouvement dirigé par des femmes et des survivantes de violence sexuelle qui parlent ouvertement de leurs expériences, en ligne et en public. Dans un éditorial pour le Jamaica Gleaner, la juriste Tenesha Myrie a qualifié cet article de la loi sur les cybercrimes de « tentative détournée pour criminaliser la diffamation », soulignant que la diffamation hors ligne est traitée en Jamaïque comme une affaire de droit civil et non pénal.

Un site d'information guatémaltèque est attaqué après avoir publié des entretiens avec les survivantes d'un incendie

Un incendie qui a tué 40 jeunes femmes dans un foyer de la banlieue de la ville de Guatemala a attiré l'attention des médias de la région et au-delà, mais la couverture médiatique de cette histoire par les médias locaux n'est pas restée impunie. Le site indépendant de nouvelles NomadaGT [es], qui a publié les témoignages de deux jeunes femmes ayant survécu à l'incendie, semble avoir subi une attaque par déni de service, le rendant indisponible pendant plusieurs heures.

Des militants des Émirats arabes unis arrêtés pour avoir « publié de fausses nouvelles »

Le 20 mars, les autorités des Émirats arabes unis ont arrêté Ahmed Mansoor, un défenseur des droits de l'homme respecté et lauréat 2015 de la Fondation Martin Ennals, une fondation qui protège les défenseurs des droits de l'homme dont la vie est menacée. Amhed Mansoor est accusé d'avoir utilisé les médias sociaux pour « publier des rumeurs et des fausses nouvelles, et pour avoir fait la promotion d'un programme sectaire incitant à la haine ».

Le 15 mars, un tribunal d'Abou Dhabi a condamné le journaliste jordanien Tayseer al-Najjar pour avoir « insulté les symboles de l'État » sur les médias sociaux, ce qui constitue un crime aux Émirats arabes unis en vertu de la loi sur les cybercrimes de 2012. L'accusation contre al-Najjar repose principalement sur un billet qu'il a publié sur Facebook en 2014, alors qu'il vivait en Jordanie, et dans lequel il critique la position des Émirats dans la guerre de Gaza de 2014.

Un blogueur brésilien contraint à révéler ses sources à un juge de la cour fédérale

Eduardo Guimarães, un blogueur brésilien de gauche, s'est vu confisquer son ordinateur portable et deux téléphones [es] après avoir divulgué des renseignements névralgiques concernant une enquête anticorruption confidentielle au Brésil. Partisan de l'ancien président Lula, Eduardo Guimarães est un acteur clé au sein des activistes et des politiciens de gauche. Il a divulgué des renseignements qui auraient fuité de l'enquête sur le scandale de corruption Opération Lava-Jato. Le blogueur affirme qu'on lui a demandé de révéler ses sources, ce qui a soulevé une vague de protestations dans la blogosphère brésilienne (incluant les blogueurs de droite) et suscité des reportages sur la protection des sources dans les grands médias. Reporters sans frontières a souligné sur la chaîne BBC que cela constituait une « sérieuse atteinte » à la liberté de presse au Brésil.

Un tribunal statue qu'un citoyen américain ne peut poursuivre le gouvernement éthiopien pour avoir installé un logiciel espion dans son ordinateur

Une cour d'appel des États-Unis a statué qu'un citoyen américain, qui utilise le pseudonyme Kidane, ne peut pas poursuivre le gouvernement d'Éthiopie pour avoir piraté son ordinateur au moyen du logiciel espion dédié FinSpy. La décision repose sur l'interprétation par le tribunal de l'endroit où s'est déroulé le piratage : il a jugé que même si Kidane, qui est originaire d'Éthiopie, a ouvert la pièce jointe infectée aux États-Unis, l'introduction du virus s'est produite à l'extérieur des États-Unis.

L'avocat de Kidane, Nate Cardozo, un avocat de la Electronic Frontier Foundation (EFF) a déclaré que l'interprétation de la cour était tout simplement incorrecte et a qualifié le jugement d'« extrêmement dangereux pour la cybersécurité ». EFF évalue la possibilité d'interjeter appel.

Des militants pour la liberté de l'Internet visés par le régime de Ben Ali prennent la parole devant une commission en Tunisie

Le blogueur tunisien Zouhair Yahyaoui, fondateur du forum satirique en ligne TUNeZINE, a été emprisonné et torturé en 2001pour publication de « fausses nouvelles ». Son histoire a été révélée au grand jour dans le cadre d'une série d'audiences publiques portant sur les violations des droits de l'homme sous la dictature de Zine El-Abidine Ben Ali, qui a gouverné la Tunisie pendant 23 ans jusqu'à son renversement en janvier 2011.

Les blogueurs, les militants et les proches de ceux qui ont été visés par le régime de Ben Ali ont témoigné devant l'Instance vérité et dignité de Tunisie, qui a consacré une session spéciale à la question des violations des droits en ligne. On ignore toujours si le processus de justice transitionnelle influencera les futures politiques de l'Internet, et de quelle façon. Quoi qu'il en soit, pour ce pays autrefois décrit comme « ennemi de l'Internet », reconnaître les abus du passé est un premier pas indispensable vers la réforme.

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