- Global Voices en Français - https://fr.globalvoices.org -

La guerre entre l'Espagne et le Royaume-Uni pour Gibraltar ? Relax, Max !

Catégories: Europe de l'ouest, Espagne, Royaume-Uni, Guerre/Conflit, Humour, Média et journalisme, Médias citoyens, Migrations & immigrés, Politique, Relations internationales
El peñón de Gibraltar visto desde la localidad española de la Línea de la Concepción. Foto de Mihael Grmek para Wikimedia Commons, con licencia CC BY-SA 3.0 [1]

Le Rocher de Gibraltar vu depuis la localité espagnole de La Línea de la Concepción. Photo de Mihael Grmek pour Wikimedia Commons, licence CC BY-SA 3.0

[Billet d'origine publié en espagnol le 6 avril]

35 years ago this week, another woman PM sent a task force half way across the word to defend the freedom of another small group of British people against another Spanish-speaking country. And I'm absolutely certain that our current PM would show the same resolve in standing by the people of Gibraltar.

Il y a 35 ans cette semaine qu'une autre femme premier ministre a envoyé l'armée à l'autre bout du monde pour défendre la liberté d'un petit groupe de Britanniques contre un autre pays hispanophone.Et je n'ai aucun doute que notre Premier Ministre actuelle montrerait la même détermination pour soutenir le peuple de Gibraltar.

Avec ces paroles, l'ex-chef des Conservateurs Michael Howard lançait il y a quelques jours une des polémiques les plus aigres de ces dernières années entre l'Espagne et le Royaume-Uni au sujet du Rocher de Gibraltar [2].

Qu'est-ce que Gibraltar ? Un territoire-confetti stratégiquement situé à l'entrée de la Méditerranée, occupé par les Anglais pendant la Guerre de Succession d'Espagne [3]avant d'être donné à la Grande-Bretagne par les traités d'Utrecht [4], au XVIIIe siècle.

Gibraltar compte à peine plus de 33.000 habitants, García et Smith pratiquement à égalité, qui se sont toujours montrés belliqueux devant toute intention négociatrice de la part des autorités espagnoles.

En sa qualité de territoire britannique d'outre-mer, il jouit jusqu'à ce jour d'une situation privilégiée à l'intérieur de l'UE, avec l'exemption de certaines taxes, obligations et réglementations. Pourtant, malgré le vote massif des Gibraltariens en faveur du maintien dans l'Union, Gibraltar n'a guère le choix : puisque ses habitants rejettent totalement d'être annexés par l'Espagne y compris la co-souveraineté des deux pays, il ne leur reste qu'à quitter l'UE en compagnie du Royaume-Uni.

Il y a quelques jours, le Conseil Européen a distribué des directives aux États membres en vue des négociations sur le Brexit, dont il ressort explicitement que les futurs accords entre l'UE et le Royaume-Uni ne seraient pas applicables à Gibraltar sans le consentement de l'Espagne, qui se verrait ainsi conférer un droit de veto [5].

La concession a fait enrager certaines hommes politiques britanniques du côté des Conservateurs. A Michael Howard déjà cité se sont joints d'autres, comme le ministre britanniques des Affaires étrangères Boris Johnson, qui a accusé l'Espagne [6] d'exercer des “pressions inacceptables sur l'avenir de Gibraltar dans le cadre des négociations sur le Brexit“, ou de celui de la Défense, Michael Fallon, qui a manifesté [7] son intention de protéger Gibraltar “jusqu'aux ultimes conséquences”. Ou encore le ministre principal de Gibraltar, Fabián Picardo, qui a déclaré lundi : “marchander [le Brexit] avec nous, c'est permettre à l'Espagne de se comporter comme un gros bras (…) c'est clairement du harcèlement espagnol”. L'ex-commandant Christopher J. Parry conclut [8]:

L'Espagne doit retenir de l'Histoire que cela ne vaut pas la peine de se confronter à nous et que nous pouvons encore roussir la barbe du roi d'Espagne.

La presse “de caniveau” [9] a poussé le bouchon encore plus loin. La une mémorable du Sun a provoqué les moqueries de quelques internautes :

Allez vous faire mettre, señores! braille le Sun dans sa campagne pour un Gibraltar réellement britannique.
*PS : Vacances en Espagne à 15 £ dans le “journal” d'aujourd'hui.

Cela n'a pas suffi à l'éditorialiste Kelvin Mackenzie qui a publié un article [12] dans lequel il qualifie les Espagnols d’ “ivrognes” et de “zoophiles” avant de suggérer diverses représailles délirantes, dont le boycott de l'Espagne comme destination touristique, la fermeture de l'espace aérien aux vols espagnols (négligeant le fait qu'Iberia et British Airways appartiennent au même groupe) ou l'expulsion des 125.000 Espagnols qui travaillent au Royaume-Uni (négligeant de même les presque 240.000 Britanniques installés en Espagne) [13]. Mackenzie termine sur une contondante citation du président Reagan :

Reagan used to have a sign on his desk saying: “If you’ve got them by the balls, their hearts and minds will follow.”
For balls, read cojones .

Reagan avait un écriteau sur son bureau qui disait : “si vous les tenez par les boules, leurs cœurs et esprits suivront”.
Au lieu de boules, lire cojones (couilles).

Les autorités espagnoles, qui utilisent régulièrement Gibraltar comme rideau de fumée pour détourner l'attention de sujets plus importants, n'ont pas commenté cette escalade quasi guerrière, et la première ministre britannique Theresa May a traité l'affaire par l'ironie [14].

C'est aussi à l'humour qu'ont recouru les internautes des deux pays, montrant le fossé qui existe entre certains politiques et les gens. En témoigne un sondage de l'édition espagnole du Huffington Post, dont la question “Êtes-vous prêt à vous engager dans l'armée vous battre pour Gibraltar ?” a enregistré jusqu'à présent 100 % de réponses négatives.

A quelques exceptions près [15], les utilisateurs de Twitter des deux pays ont traité l'affaire plutôt à la rigolade.

Pour quoi vouloir Gibraltar, nous ne savons déjà pas sortir d'un rond-point en conduisant à droite, alors dans l'autre sens !!!

Il faut rassembler les meilleurs pour la bataille navale de Gibraltar.

- Et maintenant comment putain on arrive à Gibraltar ?
– Je vous ai bien dit que ça allait arriver si la gosse conduisait
– Et en plus il n'y a pas de réseau.

L'Espagne et l'Angleterre peuvent entrer en guerre à propos de Gibraltar à condition que tous les combats se fassent avec les marines à voile du XVIIe siècle.

Si je vivais à Gibraltar et qu'on me donne le choix entre rejoindre l'Espagne ou rester partie du Royaume-Uni, je choisirais l'Espagne pour le climat.

Je suis en Espagne depuis 24 heures et personne n'a encore essayé de me chiper Gibraltar. Un point au match.

C'est peut-être le tweet de Francois Smit qui remet toute l'affaire à la place qu'elle mérite :

Syrie : Le Royaume-Uni exclut toute action militaire après l'attaque chimique : mais nous sommes prêts à bombarder l'Espagne pour Gibraltar.