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Les Mexicains s'opposent à la militarisation du pays : “Nous sommes tués par les balles, pas par les drogues”

Catégories: Amérique latine, Mexique, Droits humains, Guerre/Conflit, Manifestations, Médias citoyens
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Illustration publiée sous licence Creative Commons (CCO, de domaine public). Photo prise du site web “Pexels”.

Cynthia allait vers la plage de Matamoros, dans l’État de Tamaulipas, dans le nord du Mexique. Elle était accompagnée de ses deux enfants, ses frères et son mari. Sur le chemin, ils ont traversé un poste de contrôle militaire. Les militaires ne leur ont pas demandé de s'arrêter.

Cependant, quelques mètres plus loin, les militaires ont tiré sur l'arrière du véhicule dans lequel circulait la famille. Les deux enfants de Cynthia sont morts sur le coup. Celui de 10 ans a reçu une balle dans le dos. Le plus petit, 5 ans, est mort dans ses bras.

Stoppons la militarisation, formons nos policiers (Sécurité Sans Guerre – #SeguridadSinGuerra)

Le témoignage de Cynthia, [2]qui est malheureusement un exemple parmi d'autres des nombreuses violations des droits de l'homme commises par les militaires dénoncées durant la “guerre contre les drogues”, fait partie de la campagne citoyenne Sécurité Sans Guerre, qui vise à bloquer un projet de loi qui donnerait plus de pouvoir d'action à l'armée au Mexique.

Contre la militarisation du pays

Des citoyens, des associations de la société civile, des universitaires, des journalistes, des activistes, des familles de disparus et de victimes de l'intervention militaire se sont unis pour appuyer la campagne dans le but de bloquer le plan du gouvernement de normaliser la présence militaire dans la sécurité publique.

Le site web Sinmilitarizacion.mx [3] précise que, si la loi appelée Loi de Sécurité Intérieure [4] était votée, l'intervention de l'armée dans la vie publique serait prédominante. L'armée aurait le droit d'intervenir dans les manifestations pacifiques, d'enquêter, de prendre des dépositions, de recevoir des plaintes et d'arrêter les prétendus délinquants – tâches qui doivent incomber à la police et aux ministères publics. A la place, la campagne propose qu'au lieu de voter la loi, les policiers soient mieux entraînés.

Sur le même site, les raisons pour les lesquelles les citoyens ont été amenés à manifester contre l'idée de normaliser la présence de l'armée dans chaque recoin du pays sont aussi énumérées. Parmi elles, il est à souligner celle que le Secrétaire à la Défense a lui-même présentée :

L'armée et la police ne sont pas interchangeables. Les forces militaires sont entraînées pour utiliser la force contre un ennemi armé et le vaincre. La police est conçue pour faire face aux menaces à la sécurité avec le minimum d'usage de la force et pour combattre les délits avec la coopération de la population. C'est aussi ce que dit la Constitution.

Le média mexicain indépendant Animal Político a également mis en garde [5] que la loi donnerait aux militaires et à toute force de sécurité fédérale la possibilité de mettre en place des surveillances “en utilisant toutes les méthodes pour récolter l'information”.

Amnesty International est d'accord [6] pour dire que la loi représente un danger :

Cette légitimation [pour les militaires] va fragiliser le système de protection des droits de l'homme dans le pays, sans rien ajouter à la protection de la population.
Les autorités mexicaines devraient reconnaître qu'après 10 ans de sécurité militaire, les violations des droits de l'homme comme la torture, les disparitions, les assassinats et l'impunité pour les responsables ont augmenté.

De son côté, le philosophe et ex-député Fernando Belaunzaran, dans un article pour le Mexican Times [7] s'est aventuré à dévoiler les raisons que pourraient avoir le gouvernement pour défendre les forces armées comme garantes de la sécurité du pays :

(…) L'armée jouit d'une confiance de 42%, quatre fois plus que celle du gouvernement fédéral qui est de 10%. Ceci explique pourquoi le gouvernement a succombé à la tentation de se présenter comme un bélier de défense avec des réponses patriotiques au supposé honneur sali des forces armées, face à ceux qui s'interrogent sur les initiatives de la loi de sécurité intérieure en discussion au congrès.

Belaunzaran répond ainsi à la position de défense de l'armée prise par le président Enrique Peña Nieto [8] et continue avec cette mise en garde en cas de maintien de cette politique :

Ce qui est grave n'est pas que le gouvernement se trompe en pensant que les militaires lui permettront de récupérer du prestige social en convertissant le cabinet et jusqu'au chef de l'exécutif en leurs apologistes, mais c'est que d'une part il évite le sujet de fond qui est d'insister à maintenir une stratégie désastreuse de combat contre le narcotrafic qui a atteint une violence sans possibilité de résoudre aucun problème, et par ailleurs cela dénature leur fonction en les jetant dans l'arène électorale, ce qui les rend plus vulnérables à l'effet d'usure pour le public.

Ce ne sont pas les drogues qui nous tuent, ce sont les balles

Pendant le gouvernement de Felipe Calderón (2006-2012), l'armée est sortie dans la rue sous le prétexte de se battre dans une supposée guerre contre le narcotrafic et les drogues. Depuis, la violence dans le pays s'est généralisée et a créé une crise des droits de l'homme. Selon la campagne, il a été dénombré plus de 30 000 disparus [9], 166 000 morts et une hausse du nombre de groupes criminels (de 8 à 200). De plus, Il a été observé que l'armée a un ratio de victimes inhabituel : elle fait 8 morts pour 1 blessé. C'est pour ces raisons que les organisations civiles considèrent cette loi comme une “menace pour la démocratie”.

Pedro Reyes, un artiste plasticien qui a travaillé sur le sujet de la violence dans le pays, fait partie de la campagne et assure que ce qui aujourd'hui tue les Mexicains ce ne sont pas les drogues mais la “guerre” contre elles :

Au Mexique, pour une personne qui meurt d'usage des drogues, douze meurent en raison de la guerre contre les drogues. Ce ne sont pas les drogues qui nous tuent, ce sont les balles.

Dans le cadre de la campagne, le public est invité à la rejoindre et à signer la déclaration [10] qui sera envoyée aux députés en charge de rejeter ou approuver le projet de loi le 30 avril prochain, lequel a été considéré par certains citoyens comme une “loi putschiste [11]“.

Sur Twitter, les personnes ont exprimé leur position sur le projet de loi:

Image : Sécurité Sans Guerre
– Avant le 30 avril, le Congrès veut approuver la loi de sécurité intérieure
– Les principales initiatives sont celles de César Camachoy et Gil Zuarth
– Par laquelle le président pourrait utiliser à discrétion l'armée contre le peuple et de façon unilatérale
– Cela ressemble à un régime militaire. C'est un chèque en blanc pour l'armée
– En 2006, l'armée est sortie dans la rue et le taux d'homicides a été multiplié par 3
– Et l'armée n'est pas prévue pour les tâches de sécurité publique
– Nous ne sommes pas formés pour poursuivre les délinquants
– La loi est ambiguë : “et toute action qui est nécessaire”
– De plus, l'initiative de Gil Zuarth permet des actes mortels contre les manifestations pacifiques
– Il convient de définir un cadre normatif correct
– Arrêtons la militarisation, formons la police
Information : seguridadsinguerra.org

Tweet : Magnifique illustration expliquant pourquoi nous ne voulons pas de la loi putschiste et en contrepartie, nous demandons Sécurité Sans Guerre (#SeguridadSinGuerra)

Image :
– Stoppons la militarisation, formons la police
– Visite maintenant sinmilitarizacion.mx et partage. Merci ! Utilise #SeguridadSinGuerra

Tweet : Activistes, universitaires, journalistes et organisations de la société civile exigeons #SeguridadSinGuerra, joins-toi à nous et arrêtons la militarisation

Image : Nous ne voulons pas de la loi de sécurité intérieure
Ni de l'armée dans les rues

Tweet : Stop à l'armée dans les rues. Non à l'Etat totalitaire.