Depuis l’année dernière, l’Afrique de l’Est souffre d’insécurité alimentaire. Des conditions climatiques extrêmes et imprévisibles liées au phénomène “La Niña-El Niño” ont généré des disettes et les prix se sont envolés dans plusieurs pays, y compris au Kenya et en Tanzanie. Les ONG ont sonné l’alarme en faisant appel à l’action immédiate pour éviter une répétition de la famine désastreuse de Somalie en 2011.
Dans certains cas pourtant, l’instabilité politique a aggravé le problème.
Au Burundi, des intempéries imprévisibles, caractérisées par de fortes pluies et longues sècheresses, ont frappé les récoltes. Les pénuries alimentaires résultantes ont eu un impact sur la fréquentation scolaire et même des décès dus à la faim. En janvier, des associations humanitaires et le gouvernement ont enquêté et fait appel à l’aide internationale. Cependant, les ministres refusent le mot « famine » et ont plutôt parlé d’un « déficit » de la production agricole.
#Burundi Selon l'Olucome, @BurundiGov devrait faire un appel à la #solidarité internationale pr atténuer la famine pic.twitter.com/oxtYXNnL32
— IWACU Burundi (@iwacuinfo) 23 février 2017
Selon les rapports, environ un quart de la population burundaise, soit environ trois millions de citoyens, a besoin d’assistance alimentaire. Les pénuries ont contribuées au déplacement des populations : plus que quatre cent mille personnes sont devenues des refugiés enregistrés par l‘ONU et environ cent cinquante mille déplacées à l’intérieur des frontières.
Des fonctionnaires ont affirmé que les pénuries alimentaires sont la seule raison derrière le déplacement. Pourtant, la Radio Okapi de l’ONU dans la République Démocratique du Congo a rapporté que les nouveaux réfugiés ont fui l’insécurité politique. Certains exilés sont rentrés, mais des Burundais en Ouganda restaient sceptiques de l’appel du gouvernement à retourner au pays, expliquant être toujours opposés au troisième mandat du président.
Ruyigi : la récolte de maïs s'annonce mauvaise à cause des intempéries https://t.co/6g9O0rcpNk #Burundi #BurundiRéel pic.twitter.com/mdtGfml5d2
— SOS Médias Burundi (@SOSMediasBDI) 21 février 2017
La décision en 2015 du Président Nkurunziza de rester au pouvoir pour un troisième mandat a déclenché une crise politique, « sous le signe de la violence, de la peur, de la régression socioéconomique et d’une accentuation des fractures sociétales » selon un rapport de l’International Crisis Group en mai 2016. L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture a déclaré que bien que les intempéries ont contribué aux problèmes d’accès à la nourriture, l’insécurité politique burundaise les a aggravés.
L’inflation (13.8% en 2016), les pénuries de produits de base plus fréquentes et un manque de devises compliquent encore les échanges quotidiens. La dépréciation du franc burundais a impacté la capacité d’importer, limitant la production et les salaires et rendant les aliments plus rares et plus chers. Le Réseau de première alerte de la famine a pourtant commenté qu’une meilleure récolte pourrait stabiliser les prix « atypiquement élevés ».
La bloggeuse Bella Lucia Nininahazwe a souligné l’impact quotidien, en décrivant les épreuves d’une enfant qui va à l’école le ventre vide, incapable d’acheter des choses de base :
Seigneur, mes chaussures sont déjà usées, et je vois déjà le visage de maman s’obscurcir quand je vais lui dire que j’ai besoin de nouvelles chaussures. Je sais déjà sa réponse : « Tu sais que les prix montent vite ma fille, aujourd’hui je peine à trouver ce que vous allez manger, attends que je trouve de l’argent et je t’achèterai de belles chaussures ».
Selon [fr] l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l'augmentation des cas du paludisme (lui aussi lié au changement climatique et l’insécurité) ajoute un autre difficulté affectant plusieurs millions [fr] de personnes. Le 13 mars, le Ministère de la santé du Burundi a déclaré une épidémie. Un rapport [fr] du journal Iwacu a aussi montré que plusieurs médicaments sont devenus inaccessibles à cause de l’inflation et des pénuries.
Quelle souveraineté pour un pays où un quart de la population a besoin d'une aide alimentaire ?
Le Burundi est parmi les pays les plus pauvres du monde, qui ont généralement moins de ressources et capacité infrastructurelle pour réagir aux catastrophes naturelles et s'en remettre [fr]. Des restrictions sur l’aide internationale à cause de la crise politique ont conduit à des problèmes budgétaires même avant ces chocs climatiques. Comme prévenu par l’OMS, ceci et les restrictions sur les activités des ONGs ont entravé la capacité du gouvernement à réagir à l’insécurité alimentaire,
L’action contre les crises dépend aussi de l’organisation et la volonté politique. Pourtant, en plus de l’autoritarisme et du dialogue bloqué entre le gouvernement et l’opposition exilée, le pays souffre de la corruption – il est classé 159e sur 176 dans l’Indice 2016 de Transparency International – qui sape la gouvernance.
La résilience aux crises est une partie de l’indépendance économique, souligné par l’internaute Emmanuel dans sa réaction à un entretien où le ministre Alain-Aimé Nyamitwe discute de la diplomatie :
@Ikiriho @AnotherBurundi @nyamitwe Quelle souveraineté pour un pays où 1/4 de la population ont besoin d'une aide alimentaire?
— emmanuel (@emmanuelbuname) 21 janvier 2017
Réaction internationale
Le changement climatique est une cause principale des disettes, même si certains affirment qu’elle est la seule et que les pénuries alimentaires ne devraient pas être exploitées :
La famine qui a sévi au #Burundi,est due au changement climatique et a frappé toute la région.Il ne faut pas l'exploiter politiquement.
— Jean de dieu mutabaz (@JMutabaz) 1 mars 2017
Les relations entre Bujumbura et ses partenaires internationaux se sont malheureusement détériorées depuis 2015. Fin 2016, Bujumbura a approfondi son isolation en réduisant sa coopération entre autres avec la Cour pénale internationale et le Haut-Commissariat des droit de l'homme de l'ONU, tandis que les divisions internationales ont bloqué toute action cohérente. De plus, le gouvernement a rejeté le déploiement de policiers mandatés par le Conseil de Sécurité de l’ONU pour restaurer la stabilité.
Récemment, des corps ont encore été découverts un peu partout dans le pays, et des ONG célèbres font appel aux sanctions ciblées. En février, un rapport par le nouveau Secrétaire-General de l’ONU Antonio Guterres a exprimé son inquiétude sur la continuation des abus des droits humains, la répression politique [fr], et les indices [fr] que le président pourrait se présenter pour un quatrième mandat, qui risquerait d’intensifier les tensions
Par la suite, le Vice-Président Gaston Sindimwo a exigé le remplacement de tout le personnel de l’ONU au Burundi, rétorquant que les critiques seraient mal informés. Les officiels ont aussi accusé le Rwanda et des Etats occidentaux, surtout la Belgique, d’avoir comploté contre le gouvernement.
Une réponse efficace à court terme, pour aider ceux qui ont des besoins urgents, dépend des gouvernements, des organisations internationales, et des ONGs pour surmonter ou au moins contourner ces tensions, avant d’aborder des problèmes à long terme, allant de l’infrastructure à la réconciliation. De nombreux Burundais risquent sinon de subir de sérieux problèmes de santé et plus de déplacements.