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Dans les USA de Trump, cet étudiant en médecine voit se tarir les offres de prêts étudiants

Catégories: Amérique du Nord, Etats-Unis, Education, Médias citoyens, Migrations & immigrés

Julio Ramos est un enseignant dans le sud du Texas qui aspire à devenir médecin depuis l'âge de 12 ans, alors que sa mère subissait un traitement pour un cancer du sein. Photo: Julio Ramos

Cet article de Reynaldo Leanos Jr. [1] a été à l'origine publié sur PRI.org [2] le 17 mai 2017. Nous le republions ici dans le cadre d'une collaboration entre PRI et Global Voices.

Environ 11 300 personnes ont postulé cette année à la faculté de médecine de l'université Loyola de Chicago. 600 y ont décroché un entretien pour un total d'environ 160 admissions, soit moins de 2% de chances d'y entrer.

Sur l'ensemble des étudiants admis, 10 d'entre eux sont des sans-papiers ayant été amenés clandestinement aux États-Unis à un jeune âge. Ils disposent du statut DACA (Action Différée pour les Jeunes Migrants) qui leur permet de bénéficier d'un permis de travail temporaire et leur donne une chance de devenir médecins.

L'un d'entre eux s'appelle Julio Ramos.

Ramos, 24 ans, enseigne la biologie dans un collège de Brownsville, dans la vallée du Rio Grande au Texas. L'année passée il a postulé à plusieurs écoles de médecine (devenir médecin étant son rêve d'enfance [3]) et a été admis dans deux institutions. La Loyola’s Stritch School of Medicine de Chicago était son premier choix mais lorsqu'on l'a appelé en février, la nouvelle a été douce-amère.

“J'ai reçu un appel du Dr Nakae que j'admire beaucoup. Elle se bat pour la justice sociale et pour les étudiants sans-papiers” dit Ramos, alors enthousiaste.

Mais Sunny Nakae, vice-doyenne des admissions et du recrutement à l'école de médecine de Loyola, est venue à lui avec des conseils inattendus : elle lui a recommandé d'aller plutôt à l'école de médecine de Mount Sinai de New York, là où on pourrait mieux l'aider à financer ses frais de scolarité.

La plupart des étudiants en médecine couvrent leurs frais de scolarité par le biais de prêts étudiants fédéraux pour lesquels les bénéficiaires DACA ne sont pas éligibles. Les frais de scolarités à Loyola coûtent près de 30.000 $ par semestre [4], sans compter les frais de subsistance.

Auparavant, Loyala collaborait avec des prêteurs privés et des fondations pour aider à financer l'éducation supérieure des étudiants DACA. Avec les changements de politique en matière d'immigration, les créanciers ont fait savoir à la faculté qu'ils n'ont dorénavant plus la garantie que leurs investissements porteront leurs fruits. Si le gouvernement Trump décide de mettre fin au programme DACA, les étudiants comme Ramos n'auront plus l'autorisation de travailler et donc par-là même celle de pratiquer la médecine. Du point de vue des créanciers cela signifie que les étudiants n'auront peut-être pas la possibilité de rembourser les prêts dont ils bénéficient.

Il n'est pour l'instant qu'un professeur de biologie à Brownsville au Texas mais le rêve de Julio Ramos est de devenir médecin. Photo: Julio Ramos

“Ils voyaient ces étudiants comme des investissements au sein des communautés défavorisées,” dit Mark Kuczewski, directeur du département de formation médicale à Loyola. “Sans avoir l'assurance que les étudiants seront capables de poursuivre leurs études, de pratiquer la médecine et d'obtenir leur accréditation (ce qui signifie le maintien du permis de travail découlant du programme DACA), il est difficile pour ces fondations à but non lucratif d'utiliser leurs investissements communautaires de cette manière.”

Dans les semaines suivant le premier appel, Ramos a reçu un email de Loyola réitérant ce qui lui avait été communiqué par Nakae.

“J'ai du envoyer un message personnel à chacun des bénéficiaires DACA qui ont été acceptés dans la faculté afin de leur faire savoir que nous n'avons actuellement pas de sources de financement disponibles et qu'ils auraient besoin de prendre toutes les mesures nécessaire pour s'auto-financer cette année,” dit Nakae. “Nous serions prêts à leur accorder un sursis s'il se trouvaient dans l'impossibilité de rassembler les fonds.”

Depuis trois ans, la faculté ainsi que ses partenaires ont permis d'offrir des prêts et des bourses aux étudiants sans-papiers au nombre de 7 à 14 par programme.

Kuczewski affirme que les autres facultés de médecine acceptent habituellement seulement un ou deux étudiants DACA au travers de bourses d'étude. L'université Loyola a été jusque-là capable d'en admettre plus en faisant appel aux prêteurs privés.

Nakae déclare que même les facultés qui sont capables de financer les étudiants DACA par le biais de prêts entre institutions, de subventions ou de bourses d'études s'inquiètent des futures décisions du gouvernement Trump. Les étudiants doivent également compléter une formation pratique, c'est à dire être employés dans un hôpital, pour devenir médecins agréés. Il n'y a en revanche aucune garantie disposant les hôpitaux à le faire.

Kuczewski et Nakae sont aussi en train de concevoir un plan de secours pour financer les étudiants DACA déjà admis dont les prêts peuvent être compromis si le gouvernement Trump met fin au programme. Ils recherchent également de l'aide en ce qui concerne les bourses d'études pour aider les étudiants DACA récemment admis à se financer.

“Nous cherchons à parvenir à d'autres alternatives avec d'autres fondations et à nous orienter vers une optique philanthropique plutôt que pécunière” déclare Nakae.

Cinq des dix étudiants sans-papiers admis à l'université Loyola cette année ont décidé d'aller ailleurs. Un partenaire peut aider à financer les frais de scolarité de deux étudiants selon Kuczewski, mais la faculté ne peut pas aider les autres. Cependant il ne veut pas que l'incertitude qui règne actuellement puisse décider de l'avenir des étudiants.

“Cela serait terrible si dans 10 ans on se rappelait que le gouvernement n'avait rien fait pour les étudiants tributaires du programme DACA et que l'on avait arrêté de créer des opportunités” dit Kuczezski.

En attendant, Ramos a pris la décision de joindre la Icahn School of Medicine de Mount Sinai à New York l'automne prochain. L'école de médecine lui a offert des prêts et des bourses pour financer ses études. Il terminera ce mois ci sa dernière année en tant qu'enseignant avant de redevenir étudiant.

Maintenant il essaie de s'arranger pour que ses parents – également sans-papiers – puissent assister à la cérémonie de remise des sarraus qui aura lieu à New York au mois de Septembre. Il s'agit d'une cérémonie de bienvenue destinée aux étudiants de première année qui prennent l'engagement de s'occuper de patients. Les parents de Ramos craignent que s'ils s'aventurent au delà des postes frontières du Texas, ils pourraient être arrêtés et expulsés.