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‘Que tremble la terre, jusque dans ses entrailles': les peuples indigènes ont élu leur porte-parole et candidate à la présidentielle mexicaine

Catégories: Amérique latine, Mexique, Droits humains, Élections, Ethnicité et racisme, Femmes et genre, Good News, Gouvernance, Médias citoyens, Peuples indigènes, Politique
Imagen tomada de la cuenta de Twitter del Congreso Nacional Indigena: @CNI_Mexico

Illustration provenant du compte Twitter du Congrès National Indigène: @CNI_Mexico [1]

Ce 28 mai, décision historique pour le Mexique, les peuples autochtones membres du Congrès national indigène (CNI) [2], soutenus par l’Armée Zapatiste de libération nationale (EZLN) [3], ont désigné María de Jesús Patricio Martínez comme porte-parole du Conseil indigène de gouvernement (CIG) [4], et comme candidate indépendante aux prochaines élections présidentielles [5] de 2018.

La camarade María de Jesús Patricio Martinez est porte-parole du Conseil Indigène de Gouvernement

L'idée de constituer ce conseil, dont la voix serait “matérialisée par une femme indigène”, est apparue en octobre de l'année dernière, lors du cinquième Congrès national indigène [10].

C'est lors de la clôture de ce congrès, et pour marquer leurs vingt ans d'existence, que le CNI et le EZLN ont fait cette annonce – non encore approuvée par leurs membres – dans un communiqué commun intitulé “Que tremble la terre jusque dans ses entrailles” [11], où il est précisé :

Ratificamos que nuestra lucha no es por el poder, no lo buscamos; sino que llamaremos a los pueblos originarios y a la sociedad civil a organizarnos para detener esta destrucción, fortalecernos en nuestras resistencias y rebeldías, es decir en la defensa de la vida de cada persona, cada familia, colectivo, comunidad o barrio. De construir la paz y la justicia rehilándonos desde abajo, desde donde somos lo que somos.

Nous réaffirmons que nous ne luttons pas pour le pouvoir, ce n'est pas ce que nous recherchons. Nous appellerons les peuples autochtones et la société civile à s'organiser pour faire cesser cette destruction, pour que notre résistance et nos révoltes nous rendent plus forts pour défendre la vie de chaque personne, chaque famille, collectivité, communauté ou quartier.  En construisant la paix et la justice, en nous structurant depuis la base, depuis là où nous sommes ce que nous sommes.

D'après le CNI, 523 communautés de 25 États du pays et de 43 peuples indigènes ont approuvé la proposition en décembre, et la constitution du Conseil et la nomination de sa porte-parole devaient intervenir en mai de cette année.

Dans son communiqué [4], le CNI déclarait ce qui suit à propos du Conseil indigène de gouvernement (CIG) :

El CIG es la parte medular de la propuesta que el CNI hace al país y a los pueblos indígenas. Es la forma de cómo nos organizaremos nacionalmente desde abajo y a la izquierda para gobernar este país, desde la otra política, la de los pueblos, la de la asamblea, la de la participación de todas y todos.  Es la forma en que los pueblos nos organizamos para tomar las decisiones sobre los asuntos y problemas que nos competen a todas y todos. Es la otra forma de hacer política, desde la horizontalidad, desde el análisis y la toma de decisiones colectiva.

Le CIG est la clef de voûte de la proposition que le CNI fait au pays et aux peuples indigènes. C'est ainsi que nous pourrons nous organiser au niveau national à partir du bas et à gauche pour gouverner ce pays, à partir de l'autre politique, celle des peuples, de l'assemblée, de la participation de toutes et de tous. C'est ainsi que les peuples s'organiseront pour prendre les décisions sur les sujets et les problèmes qui leur incombent à toutes et tous. C'est l'autre façon de faire de la politique, de façon horizontale, par l'analyse et la prise de décisions collective.

Précisément, dans le but de se démarquer du parcours habituel des partis politiques et de respecter leurs modes d'organisation et de représentation collective, aussi bien le CNI que l'ELZN, ont insisté sur le fait qu'il ne s'agit pas de désigner une candidate mais bien une porte-parole :

Ella será quién lleve la voz del Concejo Indígena de Gobierno a todo el país, a todo el mundo. Ella será quién lleve la voz de los pueblos y de la sociedad civil. Ella será nosotros, nosotras.

Elle sera celle qui porte la voix du Conseil indigène de gouvernement à travers tout le pays, au monde entier. Elle sera celle qui porte la voix des communes et de la société civile. Elle sera nous, toutes et tous.

Au moins 848 délégués et conseillers de près de 60 villages indigènes du pays, ainsi que le commandement général de l'EZLN, ont participé à la réunion de nomination.

Que ce pays tremble devant la résistance, la rébellion et la dignité de tous les peuples du Mexique.

María de Jesús Patricio Martínez, indigène Nahua de Tuxpan, Jalisco qui pratique la médecine traditionnelle, avait déjà souligné [14] en 2010 :

Anhelo una organización de abajo hacia arriba, en la que se mande obedeciendo y se respeten los acuerdos de todos.

J'aspire à une organisation du bas vers le haut, où l'on commande en obéissant et où l'on respecte les accords de tous.

Dans la vidéo qui suit, avant sa nomination comme porte-parole, “Marichuy” elle-même souligne  combien il est important  d'élire une femme indigène pour mieux mettre en lumière les problèmes, les combats et les traditions des peuples et des communautés indigènes, lors des élections.

L'élection présidentielle de 2018 sera la première à autoriser le dépôt de candidatures indépendantes mais, pour ce faire, il faut répondre à un certain nombre de critères définis dans le Livre sept de la loi générale des institutions et procédures électorales [15], notamment : créer une association civile, ouvrir un compte bancaire et s'inscrire auprès des services de l'administration fiscale. Et, une fois la candidature enregistrée, obtenir le soutien de 1% de la totalité des citoyens inscrits sur la liste électorale nationale (près de un million de signatures) réparties sur au moins 17 États, entre autres conditions à remplir.

Reste à savoir si la candidature de la porte-parole du CIG parviendra à respecter les délais et les exigences du système électoral mexicain. Néanmoins, le simple fait de promouvoir et de désigner une femme indigène, par et pour les peuples, les nations et les tribus originaires de ce pays, afin d'imposer la devise du Congrès national indigène : “Plus jamais un Mexique sans nous!”,  en vue des élections de 2018, revêt un profond symbolisme et place sur la scène politique des voix qui, historiquement, ont été réduites au silence.

C'est ce qu'exprime en ces mots la porte-parole María de Jesús Patricio Martínez, sur cette vidéo:

Nuestra participación es por la vida, es por esa reconstrucción de nuestros pueblos que han sido golpeados por años y años.

Notre participation, c'est pour la vie, c'est pour la reconstruction de nos peuples qui ont été bafoués pendant des années et des années.