Les violences à Kaboul : “Nous mourons à chaque instant !”

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La police tire à balles réelles sur les manifestants vendredi 2 juin à Kaboul, photo extraite du compte Twitter de Tahir Qadiry.

Avertissement : L'article ci-dessous contient des images à caractère explicite et éprouvant.

Kaboul, la capitale de l'Afghanistan, est enfermée dans des souffrances sans fin.

Il y a eu au moins sept morts et de nombreux blessés lorsque les forces de sécurités responsables sous les ordres du Président Ashraf Ghani ont ouvert le feu sur des manifestants le 2 juin. La manifestation se tenait sur les lieux de la puissante explosion au centre de Kaboul qui a tué près de cent personnes. Le lendemain, plusieurs explosions ont ciblé les funérailles de l'un des deux manifestants tués par des policiers le 2 juin –par ailleurs fils du vice-président du Sénat afghan. Au moins vingt personnes ont été tuées.

L'énorme explosion qui a lancé le dernier en date des cycles de violence à Kaboul a été l'une des plus meurtrières à frapper la ville dans les années récentes, et est survenue quelques jours après le début du mois saint musulman du Ramadan. Aucun mouvement n'en a encore revendiqué la responsabilité.

La manifestation anti-gouvernement qui l'a suivi avait commencé pacifiquement, et se dirigeait vers le palais présidentiel. Les manifestants scandaient “A bas Ghani” et réclamaient la démission du gouvernement d'union nationale, accusé d'avoir totalement échoué à assurer la sécurité dans le pays. Quand les protestataires ont tenté de pénétrer dans le palais, les forces de sécurité ont ouvert le feu.

Selon le chef de la police de Kaboul, le général Hassan Shah Frogh, le rassemblement n'était pas pacifique, et les manifestants portaient des fusils. Il a aussi commencé par prétendre que seulement un ou deux individus avaient été blessés. Des témoins oculaires ont dit que les manifestants lançaient des pierres mais n'étaient pas armés.

La police a aussi utilisé des gaz lacrymogènes et des canons à eau pour empêcher les manifestants furieux d'entrer dans le palais présidentiel, et a procédé à de multiples arrestations.

Au moins 4 Afghans tués par balles par les policiers dans une manifestation anti-gouvernement après l'attentat de Kaboul

Au nombre des individus arrêtés par la police se trouvait Haroon Mutaref, un des organisateurs de la manifestation.

Flash info : on signale que Haroon Mutaref, militant de la société civile et un des meneurs de la foule de Khair Khana a été arrêté par la police.

La riposte extrême des policiers contre les manifestants fait que les Afghans vivent en assiégés dans une des villes les plus dangereuses du monde.

Tahir Qadiry, un journaliste afghan, a tweeté :

Une image odieuse de la manifestation d'aujourd'hui à Kaboul : des policiers tirent à balles réelles.

Avant d'ajouter un peu plus tard :

L'ironie est la quantité de balles tirées par les policiers de Kaboul sur les manifestants des 2 journées, qui auraient pu servir contre les insurgés pour sauver Kunduz, Baghlan, Fariab…

Beaucoup s'inquiètent que des opportunistes profitent du vide sécuritaire pour créer davantage d'instabilité. Omid Sharifi, co-fondateur du collectife de créateur Art Lords, a demandé aux Afghans de s'unir au lieu de se combattre.

Laissons guérir l'Afghanistan ! Se combattre les uns les autres et perdre des vies précieuses, voilà ce que veut l'ennemi ! Revenez à la raison !

Quelques heures après le début de la manifestation, le Président Ghani a publié une déclaration :

Civil and peaceful protests are the rights of all citizens of the country. But among them, those who want to agitate and hurt public order, their issue is separate — they will not be allowed to use the people’s emotions against the people’s interest.

Les manifestations civiles et pacifiques sont un droit de tous les citoyens de ce pays. Mais parmi eux, ceux qui veulent troubler et détruire l'ordre public, leur cas est différent – ils ne seront pas autorisés à utiliser les émotions du peuple contre les intérêts du peuple.

Après les faits, Amnesty International a appelé à une enquête indépendante :

Le recours à la force excessive et meurtrière contre des manifestants criant leur colère au lendemain de l'un des attentats les plus sanglants en Afghanistan témoigne du mépris des autorités à l'égard de la vie des simples citoyens. Même si une minorité de manifestants a, selon certaines informations, usé de violence, notamment en jetant des pierres sur les policiers, cela ne justifie pas une réaction aussi excessive et meurtrière.

L'explosion du 31 mai a fait plus de 90 morts et 400 blessés, traumatisé des milliers de personnes et détruit un quartier central connu de la capitale.

Abdul Waris Ahmadzai, un habitant afghan, a posté des images crues de l'après-attentat et des victimes.

Plus d'une centaine de martyrs aujourd'hui dans un attentat à la bombe aujourd'hui à Kaboul
Combien de temps encore les Afghans vont-ils être endeuillés ?
38 ans de guerre en Afghanistan

Résumant le sentiment de désespoir au milieu de la violence récurrente dans la capitale afghane, une militante civique a posté sur Facebook :

Ceux qui meurent une fois meurent une fois pour toutes ; ceux qui vivent meurent à chaque instant ! Nous mourons à chaque instant !
#Kabul

Mais la semaine ne s'est pas terminée sans un dernier carnage, à l'enterrement le 3 juin de Salem Izidyar, le fils d'un homme politique éminent du Sénat, et le plus en vue des manifestants tués par balle vendredi. Les auteurs de l'attentat ciblaient probablement certaines figures politiques de premier plan assistant aux funérailles.

Images de l'explosion aux funérailles de Kaboul

Les trois attentats-suicide ont tué au moins 20 personnes, en ont blessé beaucoup plus, et on ne peut exclure un alourdissement de ce bilan.

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