Quatre blogueurs maldiviens en exil menacés d'arrestation par la police sur Twitter

Le blogueur et activiste Muju Naeem. Image publiée avec sa permission.

Quatre blogueurs et activistes indépendants maldiviens résidant à l'étranger ont été convoqués par la police à la fin du mois de mai. La police les a menacés de poursuites par contumace s’ils ne se rendaient pas à Malé dans les deux semaines.

La police a diffusé des mandats d'arrêt concernant Muzaffar ‘Muju’ Naeem, Hani Amir, Dr. Azra Naseem et Aishath Velezinee au travers de communiqués de presse et de tweets publics séparés. Le mandat ci-dessous a été envoyé à Muju Naeem, un blogueur pro-démocratie et laïc originaire des Maldives, qui a fait le choix de quitter son pays il y a près de cinq ans :

Communiqué de presse

Muju Naeem a publié sur son blog une traduction du mandat :

Muzaffar Mohamed Naeem (age 37) of M. Velidhooge, K. Male’ is wanted for an investigation the Maldives Police Service [are] carrying out.

Since we have information that Muzaffar Mohamed Naeem is currently living abroad, he is asked to present himself to the Maldives Police Service within 14 days to respond in his defense to accusations against him in our investigation.

If Muzaffar Mohamed Naeem doesn’t present himself to Maldives Police Service within these 14 days, we will be forwarding evidence against him in our investigation to the Prosecutor General of the Maldives to proceed with prosecution in his absentia. This notice has been issued to inform Muzaffar Mubeen Naeem of this matter.

Muzaffar Mohamed Naeem, âgé de 37 ans et originaire de M. Velidhooge, K. Male’ est recherché dans le cadre d’une enquête des services de police maldiviens.

Sachant que Muzaffar Mohamed Naeem réside actuellement à l’étranger, il est tenu de se présenter aux services de police des Maldives dans les 14 jours afin de répondre aux accusations auxquelles il fait face dans le cadre de notre enquête.

Si Muzaffar Mohamed Naeem ne se présente pas aux services de police maldiviens dans les 14 jours, nous transmettrons les preuves récoltées contre lui au cours de notre enquête au Procureur Général des Maldives afin d’entamer des poursuites par contumace. Ce mandat a été émis afin d’en informer Muzaffar Mohamed Naeem.

Le document ne donne pas davantage d’informations sur la nature de l’enquête menée par la police, ni sur les preuves dont ils disposent contre Naeem. Ce dernier écrit :

Arrest warrants were prompted by ruling party parliamentary leader Ahmed Nihan’s call to arrest and prosecute all “irreligious” people in the country to the full extent of the law.

Ces mandats d’arrêt ont été émis en réponse aux déclarations du leader parlementaire du parti au pouvoir Ahmed Nihan qui a appelé à l’arrestation et la poursuite en justice de toutes les personnes “irreligieuses” du pays avec toute la rigueur que permet la loi.

Selon le Maldives Independent, lors d’un récent rassemblement de la coalition au pouvoir, le leader parlementaire du Parti Progressiste Ahmed Nihan a déclaré que les Maldiviens qui insultaient l’islam devaient être poursuivis en justice et punis avec toute la rigueur que permet la loi. Il est déjà arrivé que des extrémistes religieux marquent les domiciles de personnes ciblées de la mention “irreligieux” ou “laïc” aux Maldives.

Naeem est régulièrement la cible de menaces et de harcèlement en ligne perpétrés par des extrémistes pour ses vues laïques. Il est également visé par des critiques politiques pour sa série de vidéos réalisée en collaboration avec le blogueur Yameen Rasheed, assassiné le 23 avril 2017 (voir l’article de Global Voices).

Suite à la mort de Yameen, Naeem a adressé une lettre ouverte enflammée au Président et au gouvernement des Maldives dans laquelle il critiquait l’inaction du pouvoir face à l’inquiétante montée de l’extrémisme violent dans le pays. Il a récemment fait une apparition dans un podcast avec les “Djihadistes laïcs du Moyen-Orient” (The Secular Jihadists of the Middle East), un groupe d’intervenants athées et anciennement musulmans, dont font partie Yasmine Mohammad, Ali Rizvi, Faisal Saeed Al Mutar et Armin Navabi.

Le second blogueur à avoir reçu un mandat d'arrêt est Hani Amir (@Burakashi), un environnementaliste, artiste et photographe de 27 ans, actuellement étudiant en Australie. S'adressant au Maldives Independent, Hani a souligné que les blogueurs étaient pris pour cible car ils promeuvent la laïcité.

Les écrits de Yameen [Rasheed] sur les Maldives, la laïcité, la défense des minorités maldiviennes et la lutte contre le radicalisme religieux.

Un troisième mandat d'arrêt a été émis à l'encontre de Dr. Azra Naseem, l'auteure de Dhivehi Sitee, un blog progressiste sur la société et la politique maldiviennes, s'intéressant notamment à la radicalisation religieuse des Maldiviens. Dr. Naseem travaille en tant que chargée de recherche à la Dublin City University et vit à Dublin, en Irlande depuis 1998. Elle a déclaré au Maldives Independent : « Je n'ai vraiment aucune idée du motif d'une telle convocation. Je n'ai rien fait d'illégal. »

Le 23 mai, la police a également lancé un mandat similaire contre Aishath Velezinee, une activiste farouchement indépendante militant pour une réforme du système judiciaire, ancienne membre de la Commission des Services judiciaires qui vit et blogue depuis les Pays-Bas. Son compte Twitter (@Velezinee) a récemment été suspendu. Selon le portail d'informations en ligne Raajje.mv, Velezinee a dernièrement acquis une certaine notoriété suite à la publication d'une série de billets sur Facebook, dont des vidéos ayant été perçues comme sacrilèges.

La twittosphère a réagi face à cette inquiétante tendance :

Le mandat d'arrêt contre @Manje [Azra Naseem] et @mujunaeem a été ordonné par @JamiyyathSalaf [un groupe religieux conservateur maldivien]. Ils contrôlent le Président Yameen Abdulla Gamoon !

Réclamer justice, prendre la parole contre l'extrémisme violent et revendiquer nos droits sont devenus des “activités irreligieuses” aux Maldives

Bonjour @PoliceMv, lorsque vous convoquez quelqu'un, vous devez leur fournir un motif. Allez relire la section 105 de votre “Constitution”.

Ces mandats d'arrêt semblent destinés à réduire au silence les voix critiques du gouvernement ou considérées comme “irreligieuses” émanant de pays étrangers. Certains cyber-activistes résidant aux Maldives ont cessé de publier par peur d'être attaqués ou persécutés, tandis que d'autres demandent asile à l'étranger.

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