Au Madhya Pradesh, un nouveau festival fait revivre une culture en danger

Le festival de Rani Kajal Mata, capture d'écran de YouTube.

Cet article, écrit par Sangeeta Rane, a initialement été publié sur Video Volunteers, une organisation internationale primée, centrée sur les médias communautaires et basée en Inde. Une version éditée est publiée ci-dessous dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Des milliers de personnes se sont rassemblées dans le village de Verwada pour célébrer le nouveau festival du Madhya Pradesh : le festival de Rani Kajal Mata, une ancienne déité autochtone. Cette déité, un rocher sacré, est la gardienne de la tribu Pata du district de Barwani, le plus au nord de l'état et voisin du Rajasthan.

Ce festival honore la déesse et le mode de vie indigène. Il fut organisé pour la première fois par l'association à but non lucratif Jagrit Adivasi Dalt Sangathan, qui œuvre pour le bien-être des populations adivasi (tribales). Une foule de plus de cinq mille autochtones est arrivée des districts de la région pour se joindre aux célébrations. Rani Kajal Mata est la protectrice d'une ancienne tribu du Madhya Pradesh, c'est à elle que ces communautés adressent leurs prières en période de troubles.

Pourquoi les résidents tribaux de Barwani en appellent-ils aujourd'hui à leur déesse ? “Nous avons perdu nos racines. Notre eau et nos forêts sont en train de disparaître”, explique Bilatibai, du village de Verwada. Les craintes de Bilatibai et de sa communauté sont valides et appuyées par une étude qui place Barwani parmi les districts “fortement vulnérables” au changement climatique, en particulier en ce qui concerne l'accès à l'eau. 14.69 % des cent quatre millions d'Adivasis indiens vivent au Madhya Pradesh.

Barwani est avant tout un district tribal et est situé dans la vallée où coule le fleuve Narmada. D'importantes portions de terres et de forêts ont été submergées par le barrage de Sardar Sarovar, l'un des plus hauts du monde. Ainsi ce rapport affirme que plusieurs villages forestiers tribaux ont été entièrement submergés sous les eaux de la Narmada, déplaçant les communautés locales et détruisant la couverture végétale de cette zone aride. L'étude démontre également que les barrages le long de la rivière ont rendu l'eau stagnante et saline, perturbant le processus naturel grâce auquel les sédiments fertiles sont déposés sur les rives. L'eau saline et alcaline est impropre à l'irrigation et a rendu les champs stériles : les tribus de la région, dont l'activité principale est l'agriculture, en ont été sévèrement affectées.

Pawan Solanki, correspondant communautaire de Video Volunteers et dont la propre famille tribale a été délogée des rives de la Narmada, explique :

Our culture worships nature and its elements as divine. Over the time, we’ve replaced these gods with others and have forgotten the importance of nature in our lives. But we depend on the environment for food, livelihood and shelter.

Dans notre culture, la nature et ses éléments sont divins. Avec le temps, nous avons remplacé ces dieux par d'autres et nous avons oublié l'importance de la nature dans nos vies. Mais nous dépendons de l'environnement pour notre nourriture, notre subsistance et notre logement.

Pawan Solanki a tourné ce reportage vidéo pour Video Volunteers :

Selon le reportage de Pawan, les Adivasi considèrent Rani Kajal Mata comme leur protectrice, prient la déesse de les protéger et lui posent des questions sur leurs problèmes.

En invoquant Rani Kajal Mata pendant le festival, les anciens des tribus de Barwani veulent rappeler aux jeunes générations leur dépendance à la nature et leur besoin de la protéger. Ils tentent également de raviver la lutte pour regagner de l'eau, de la forêt et des terres (jal, jungle, zamin).

Our ancestors could bring water to dry land by singing. A choki (ritual) could end a pandemic disease. These simple ways kept our communities happy.

Nos ancêtres pouvaient apporter de l'eau vers des terres sèches en chantant. Un choki (rituel) pouvait arrêter une épidémie. Ces modes de vie simples ont rendu nos communautés heureuses.

Les craintes de ces communautés quant à l'environnement se sont avérées prémonitoires : appauvries et rendues vulnérables, elles ont payé le prix de la dégradation de l'environnement et de l'appauvrissement des ressources naturelles.

Les anciens voient leurs moyens de subsistance drainés et leur identité érodée par l'impact de ces dégradations. Ces communautés sont enfermées dans un cercle vicieux de famine et d'endettement, en conséquence de quoi les membres des jeunes générations sont obligés de migrer à travers le pays, ne trouvant souvent que des emplois dangereux et mal payés. La migration elle-même a dilué leur identité tribale individuelle et a aliéné ces gens de leurs modes de vie durables.

“À cause des migrations, nos frères et sœurs vont dans les villes et perdent la fierté de leur identité personnelle. Ils imaginent qu'être issu d'une tribu est être inférieur”, explique Pawan. Le festival célèbre cette identité unique à travers les arts et la culture; les participants racontent des histoires qui reflètent l'histoire orale générationnelle, et invoquent l'ancienne déesse par des prières.

Le rassemblement sert également de point de rencontre pour les milliers d'habitants des villages du district de Barwani qui se battent pour leurs droits au sein du mouvement écologique et social Narmada Bachao Andolan [Mouvement pour sauver la Narmada]. “Les gens viennent pour trois jours. Ils se réunissent et discutent de nouvelles stratégies, apprennent les uns des autres de nouvelles solutions et se tiennent au courant du progrès général”, dit Pawan. Bien que les anciens y aient été actifs, l'intérêt des plus jeunes dans ce mouvement se tarit. Pawan pense que ce festival peut être un moyen d'attirer plus de jeunes gens à joindre le combat de leur communauté pour protéger et préserver l'environnement, et donc leur propre identité.

Les correspondants communautaires de Video Volunteers sont originaires de communautés indiennes marginalisées et produisent des reportages sur des événements non-médiatisés. Ces reportages sont des “actualités racontées par leur protagonistes”. Ils offrent une vision ultra-locale des défis liés aux droits de l'homme et au développement mondial.

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