« N(i)etflix » en Russie : Poutine a signé une loi qui régule les services étrangers de vidéo en ligne

Источник: @Nyet_flix, Twitter.

Vladimir Poutine a entériné le lundi 8 mai un projet de loi destiné à limiter drastiquement l'accès des services étrangers de vidéo en ligne au marché russe. Selon les experts, il s'agit de l'aboutissement de la campagne de lobbying intense qu'ont menée les fournisseurs d'accès russes.

Cette loi adoptée en avril dernier par la Douma d’État et le Conseil fédéral a pour but de soutenir les services de diffusion russes en faisant pression sur les fournisseurs étrangers tels que Netflix, Apple TV ou Google Play. Elle stipule en particulier que seuls les citoyens russes qui n'ont pas de double nationalité peuvent créer des services audiovisuels. Les étrangers, eux, peuvent en détenir une part supérieure à 20% seulement si leur audience réside pour moins de 50% sur le territoire russe, et après autorisation du comité gouvernemental.

Le secteur audiovisuel pris au sens large recouvre les sites web et les programmes recevant plus de 100 000 visiteurs par jour, diffusant des contenus audio et vidéo et financés par le biais de publicité à destination du public russe ou bien d'un système de paiement par abonnement. Les sites web répondant à cette définition seront inscrits dans un registre d’État qui sera contrôlé par le Roskomnadzor.

Depuis le tout début [en anglais] de son activité sur le territoire russe, en janvier 2016, Netflix était dans le collimateur du Kremlin. Avant même que la compagnie fasse son entrée sur le marché russe, les défenseurs du secteur se sont inquiétés de la menace que le provider américain représente pour les services de streaming russes comme ivi ou Okko. En conséquence, les députés ont élaboré un projet de loi qui exige de Netflix que 80% des contenus soient traduits en russe, et aussi que 30% au moins soient produits sur le territoire russe. Netflix est également visé [en anglais] par une autre loi qui limite la part des capitaux étrangers dans un média à 20 % au maximum.

La nouvelle réglementation a reçu l'approbation des concurrents russes de Netflix, qui estiment qu'elle n'aura pas de conséquences négatives pour eux. Selon ce qu'affirme le directeur général adjoint d'ivi Mikhaïl Platonov, ces nouvelles restrictions sont tout à fait «acceptables» et «ne pèsent pas sur l'activité de [notre] compagnie». Comme le fait remarquer un article du magazine Gazeta.ru, le directeur général d'Okko Ivan Grodetski va encore plus loin, se déclarant «satisfait que les acteurs du marché aient été entendus».

Illustration: Kevin Rothrock

Les experts, quant à eux, jugent cette loi superflue dans la mesure où elle doublonne avec les dispositions légales existantes, dont fait partie la loi sur la part de capitaux étrangers dans les médias. Cette loi s'ajoute aussi aux tentatives précédentes du Kremlin pour limiter la diffusion de contenus « extrémistes » sur internet, qui contraint les fournisseurs de services de vidéo en ligne à empêcher l'utilisation de leurs contenus «à des fins criminelles», comme «la diffusion de films contenant des appels à commettre des actes terroristes» ou «la justification publique du terrorisme». Les appels publics à commettre des actes terroristes sont passibles de 50 000 roubles [env. 780 euros] d'amende pour les personnes physiques, de 1 million [env. 16.000 euros] pour les personnes morales.

Selon les experts, au-delà de la protection du marché intérieur du cinéma en streaming, la loi résulte du lobbying d'un autre groupe d'intérêts sur le net : la mesure, obligatoire, de l'audience internet des services de vidéo en ligne est réalisée par une compagnie qui en a le monopole, LiveInternet. Et son propriétaire n'est autre que le conseiller personnel de Poutine sur les questions liées à internet German Klimenko

La loi en question s'est déjà vue critiquée par des spécialistes du secteur, qui considèrent qu'elle aide un « ami » du Kremlin à renforcer son monopole sur l'analyse du trafic web. D'après une interview de l'une de ces sources sur le site rublacklist.net, l'utilisation de compteurs LiveInternet représente « un premier pas vers la prise de monopole du marché des Big Data par des acteurs qui seront désignés par des représentants du pouvoir, ce qui est fondamentalement vicié ».

La nouvelle loi, qui entrera en vigueur au 1er juillet 2017, est saluée par les autorités des médias comme renforçant la sécurité de l’État. La directrice du Département de la politique nationale dans le domaine des médias Ekaterina Larina a souligné que « l'espace informationnel est un domaine important pour la sécurité de l’État. D'autant plus dans un contexte de globalisation de l'espace virtuel et de son influence sur le public ».

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