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Pas de ‘Mauvais Premier Ministre’ possible dans un sujet du baccalauréat en Grèce

Catégories: Europe de l'ouest, Grèce, Censure, Dernière Heure, Education, Littérature, Médias citoyens, Politique

Le Ministère grec de l'Education. Photo via Wikimedia Commons [1].

Une nouvelle probable bévue du gouvernement SYRIZA [2] en Grèce a choqué l'opinion à l'orée des grandes vacances scolaires.

Juin est le mois des examens de fin d'études secondaires dans toute la Grèce. Cette année, les élèves des lycées professionnels (EPAL) qui passaient le 6 juin l'épreuve de langue grecque moderne se sont vu distribuer une version altérée d'un texte original [3] de Yiorgos Theotokas [4] pour en faire le commentaire.

Theotokas  est une figure éminente de la “Génération 1930” grecque, un groupe d'influents romanciers, poètes et philosophes qui a transformé la littérature grecque.

La phrase d'origine de l'essai de Theotokas, “Réflexions et Τhèses” (1956) était :

«Ένας άξιος μαραγκός που κατέχει καλά τη δουλειά του και πιστεύει σε αυτή είναι πολύ πιο ολοκληρωμένος και αξιοσέβαστος άνθρωπος από έναν κούφο πρύτανη ή έναν κακό πρωθυπουργό».

Un menuisier à la hauteur, qui connaît bien son métier et y croit, est une personne plus entière et respectable qu'un chancelier sourd ou qu'un mauvais premier ministre.

Mais dans le texte du sujet d'examen [5], le “chancelier sourd ou [le] mauvais premier ministre est devenu “un mauvais scientifique” (από έναν κακό επιστήμονα). Les jeunes candidats doivent réussir à ces examens nationaux pour être admis à l'université.

La Commission nationale des examens a commenté [6] qu'aux termes de la loi, les textes choisis pour l'épreuve de Grec moderne peuvent être altérés, et que ce n'est pas la première fois qu'une telle modification intervient. La Commission ajoute que les textes peuvent être ajustés et adaptés au niveau des candidats. De toute façon, il était mentionné à la fin de l'extrait donné aux candidats qu'il s'agissait d'une “adaptation” du texte original de Theotokas.

Tant la Commission Nationale des Examens que l'Organisation nationale des examens, qui choisit les sujets des épreuves, sont des services du Ministère de l’Éducation, sous contrôle effectif du gouvernement.

Le pourquoi cette modification

Alors que la popularité du Premier Ministre Alexis Tsipras est en chute libre [7], il ne serait pas étonnant que quelqu'un ait cru opportun de changer une expression potentiellement ravageuse. Autre théorie, des idéologues gauchistes auraient précisément voulu placer le menuisier au-dessus du scientifique au nom de la lutte des classes.

Un utilisateur de Twitter a remarqué avec à-propos :

Quand un ministre de l’Éducation gauchiste censure un texte de Theotokas pour la seule raison qu'il lui déplaît, on peut certainement parler de “Ministère fasciste de l’Éducation”.

La célèbre journaliste et romancière grecque Elena Akrita a écrit sur Facebook :

Je n'aime pas “Argo” de Theotokas, je vais le réécrire.

Tentatives de censure

Ce n'est pas la première fois que le pouvoir flirte avec la censure. En 2016, le gouvernement de coalition de la gauche radicale de SYRIZA et de la droite conservatrice d'ANEL a essayé de faire voter une loi qui aurait autorisé seulement quatre chaînes de télévision à émettre à l'échelle nationale dans un pays de 10 millions d'habitants. Le texte a été finalement descendu en vol [10] par le Conseil d’État.

Après sa tentative avortée de contrôler la télévision, SYRIZA a lancé une croisade contre les propriétaires de journaux. Exploitant les difficultés financières de l'une des plus grosses chaînes de télévision grecques, MEGA, et du colosse de la presse écrite, [11] DOL, le gouvernement a passé des accords avec les propriétaires des deux groupes. Les journaux et magazines de DOL ont déjà adopté une ligne favorable à SYRIZA, et on peut supposer sans risque de se tromper qu'à son redémarrage, MEGA penchera davantage vers le parti de Tsipras.

La rectification d'une expression sortie de l'essai de Theotokas n'est peut-être qu'un incident mineur. A moins que ce soit un élément mineur dans la volonté actuelle de SYRIZA de redorer son image de marque gravement écornée et de consolider son emprise.