La très controversée loi anti-conspiration japonaise adoptée par le parlement

Taro Yamamoto

Le député d'opposition Yamamoto Taro déclare son mécontentement du projet de loi anti-conspiration du gouvernement avant de procéder au vote. Légende: « La loi sur la conspiration est approuvée et adoptée à la Chambre haute du Japon ». Capture d'écran de la chaîne officielle YouTube d'ANN News.

Le 15 juin, le parlement japonais a adopté une loi anti-conspiration controversée. Malgré les inquiétudes des hommes politiques de l'opposition, des gens ordinaires et même des commentateurs des Nations Unies, sur la façon dont la formulation vague du texte affectera les citoyens japonais ordinaires sans liens avec le crime organisé, la coalition au pouvoir du Premier ministre Shinzo Abe a utilisé tous les stratagèmes possibles pour entraver le débat et passer en force à travers le système bicaméral japonais avant les vacances parlementaires débutant le 18 juin.
Le flou de la nouvelle loi, qui couvre près de 300 infractions criminelles, n'érode les libertés personnelles au Japon en fournissant aux autorités de vastes pouvoirs de surveillance, en laissant ouverte à l'interprétation la question de savoir qui peut être surveilé.

La coalition au pouvoir au Japon, dirigée par le Premier ministre Shinzo Abe, a soutenu que la nouvelle loi était nécessaire en prévision des Jeux olympiques de Tokyo en 2020, au moment où les menaces à la sécurité nationale sont perçues comme croissantes.

Cependant, cet argument ne tient pas compte du fait que son Parti libéral démocrate a essayé pendant des années de réviser la loi existante sur la répression du crime organisé et le contrôle de la criminalité du Japon. L'objectif, selon le gouvernement japonais, est de rejoindre la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée.

Le gouvernement japonais a également laissé entendre que la principale motivation de la nouvelle loi était de se conformer aux conventions de l'ONU. Mais Colin Jones, un professeur de droit qui enseigne à l'Université de Kyoto, a noté dans un article pour le Japan Times que deux représentants de l'ONU ont explicitement critiqué la nouvelle loi :

 Depuis la période Meiji (1868-1912), les traités et les autres pays ont été utilisés pour justifier des lois dont les Japonais ne veulent pas et n'ont pas besoin, donc il n'y a rien de nouveau ici. Cependant, dans ce cas-ci, il n'y a pas eu d'efforts sérieux pour faire ressortir des lacunes concrètes dans les lois existantes – comme les méchants qui en réchappent grâce à elles – qui seraient résolues par les nouveaux textes. En fait, je n'ai trouvé nulle part dans la convention l'exigence d'une obligation de criminaliser la conspiration, sauf en ce qui concerne le blanchiment d'argent.

Le fait qu'un traité de l'ONU soit essentiel à la justification de la nouvelle loi pourrait expliquer pourquoi le gouvernement semble particulièrement agacé par les préoccupations exprimées par un seul des experts de l'ONU en ce qui concerne le potentiel d'arbitraire et de violation des libertés civiles.

Les deux experts de l'ONU sont Joseph Cannataci, Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit au respect de la vie privée, et David Kaye, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression. Dans un rapport publié en mai 2017, Kaye a critiqué la loi japonaise sur le secret d'État, mise en œuvre à la fin de 2014, qui a eu un effet dissuasif sur le journalisme et la liberté d'expression.

Dans une lettre distincte envoyée au gouvernement japonais (qui peut être lue intégralement ici), également envoyée en mai, Cannataci a critiqué le nouveau projet de loi anti-conspiration, qui était à l'époque débattu en comission avant d'être adopté. Dans sa lettre, Cannataci s'inquiète de ce que la large portée de la loi « entraîne des restrictions indues aux droits à la vie privée et à la liberté d'expression » au Japon.

Plus précisément, Cannataci dit dans sa lettre que la loi, qui est apparemment destinée à la criminalité organisée au Japon, ne définit pas précisément ce que c'est un « groupe criminel organisé », alors qu'elle inclut 277 types de crimes susceptibles d'être couverts par la loi. Un effet éventuel de la mise en œuvre de la loi, dit Cannataci dans sa lettre, serait de légitimer et faciliter la surveillance gouvernementale des ONG perçues comme agissant contre l'intérêt du gouvernement.

Cannataci a également noté que la loi anti-conspiration couvre des crimes « qui semblent sans aucun rapport avec la portée du crime organisé et du terrorisme » tels que le vol de produits forestiers et la destruction de biens culturels.

Le gouvernement japonais a répondu à la lettre de Cannataci en disant que la présentation par celui-ci de la législation anti-conspiration était « extrêmement déséquilibrée » et ajoutant que son attitude n'était « guère celle d'un expert objectif ».

Cependant, des voix japonaises font les mêmes remarques que Cannataci. Après l'adoption du projet de loi jeudi, Osaka Seiji, un homme politique de l'opposition siégeant à la commission parlementaire des affaires judiciaires qui a examiné les premières ébauches du projet de loi, a déclaré :

Je me suis complètement opposé à la justification par le gouvernement de la loi anti-conspiration depuis que la législation a été proposée à la Diète. Il est possible que la loi, destinée à faire face aux groupes du crime organisé, se développe pour affecter les citoyens ordinaires. La loi ne définit pas concrètement ce qui, quand et où signifie « planifier » un crime. La cible de la loi est à l'opposé (de ceux sur qui elle aura une incidence). Pourquoi avons-nous seulement pris la peine de débattre du projet de loi à la diète ? Cette loi n'aurait jamais dû être votée.

Yamamoto Taro, un politicien populiste très connu, a déclaré que la nouvelle loi affecterait les gens ordinaires :

Yamamoto Taro : « Est-ce que la nouvelle loi traite tous ceux qui vivent dans ce pays comme des criminels potentiels? »

Les citoyens ordinaires eux-mêmes sont allés manifester contre la nouvelle loi.

J'ai téléchargé une photo d'une manifestation devant la diète nationale pendant que la loi anti-conspiration était ratifiée dans la soirée du 15 juin. […]

Traduction révisée par Suzanne Lehn

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