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L’Autorité palestinienne censure une nouvelle fois les sites internet de ses opposants et détracteurs

Catégories: Afrique du Nord et Moyen-Orient, Palestine, Droits humains, Médias citoyens, Advox

Le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas lors du Forum économique mondial de 2007. Les sites internet bloqués sont critiques vis-à-vis de son administration. Photographie du Forum économique mondial (CC BY-SA 2.0 )

Le procureur général de l’Autorité palestinienne (AP) a émis une directive ordonnant à une douzaine de fournisseurs d'accès à internet palestiniens présents en Cisjordanie de bloquer onze sites internet affiliés à des opposants politiques et détracteurs du président Mahmoud Abbas. 

La majorité de ces sites sont affiliés au Hamas, parti islamiste d'opposition et groupe de militants qui contrôle la bande de Gaza. Un autre serait lié à Mohammed Al-Dahlan, opposant d'Abbas et ancien membre du Fatah, dont il a été expulsé en 2011.

Ces sites ne seraient apparemment [1] bloqués qu’en Cisjordanie, du fait des « règles de publication » [2] interdisant la diffusion de fausses informations et la diffamation. Il reste difficile de déterminer quelles sont les « règles » sur lesquelles l’AP se repose pour émettre cette interdiction, mais la loi de 1995 sur la presse et les publications comporte plusieurs restrictions, générales et imprécises, [3] à la liberté d’expression. À titre d’exemple, sont interdits les publications qui « contredisent les principes de… responsabilité nationale » et les documents « contraires à la morale » ou « susceptibles d’ébranler la confiance en la monnaie nationale ».

La directive a été émise le 12 juin dernier. Les Palestiniens qui résident en Cisjordanie expliquent qu’ils ne peuvent plus, depuis ce jour, accéder aux sites internet en question.

Parmi les sites concernés figure Amad.ps, l’agence de presse Shehab – associée au Hamas et « Voix du Fatah », connue pour ses relations étroites avec Mohammed Al-Dahlan. Hassan Asfour, éditeur en chef du site d’actualité Amad, a exprimé son opposition à la censure dans une tribune [4] intitulée « Du site Amad jusqu’au procureur général de l’AP à Ramallah… La censure ne dissimulera pas vos scandales » :

والأخير له موقفه من الحريات والديمقراطية وممارسة الحقوق كافة في إطار الحياة وما تقتضيه، عبّر عنها مراراً وتكراراً للإعلام والوفود، حتى اعتقد السامعون أنه الحارس الأمين لوعاء الحريات وممارستها بأمن وأمان، ولكن بحجب (أمد للإعلام) تسقط التصريحات ويصدق الواقع.

Abbas s’est toujours présenté, auprès des médias et des délégations, comme un défenseur des libertés, de la démocratie et de l'exercice de l'ensemble des droits s'agissant de la vie et de ses exigences, et il a fini par convaincre ses auditeurs qu’il était le gardien des libertés et de leur plein exercice. Mais avec le blocage d’Amad, le bien-fondé de ses déclarations s’est effondré et la réalité a éclaté au grand jour.

Plusieurs organisations ont dénoncé la directive. Le Centre palestinien pour le développement et la liberté des médias (MADA) a publié une déclaration [5] dans laquelle il appelle l'AP à retirer la directive, qu'il qualifie de violation de la liberté d’expression et de la Loi fondamentale palestinienne. Le Centre arabe pour la promotion des médias sociaux (7amleh) a également dénoncé cette directive dans une déclaration [6] publiée le 16 juin :

نجد في هذه الخطوة تعارضا كاملا مع المواثيق والمعاهدات الدوليّة ، ومسّا عظيما في الحقوق الرقمية لشرائح من المجتمع الفلسطيني، حيث يحق لكل فلسطيني تمثيله هو وآرائه ضمن العالم الرقمي، كما يحق له أيضا إتاحة المجال أمامه للوصول إلى أيٍّ من المواقع الإلكترونية والمصادر المعلوماتية التي تخص اهتمامته وتضمن حقوقه في التعبير عن أفكاره وطموحاته.

[Nous] pensons que cette initiative est en totale contradiction avec les conventions et traités internationaux, et qu’elle constitue une violation majeure des droits numériques à tous les niveaux de la société palestinienne. Les Palestiniens ont le droit de voir leurs opinions représentées à travers le monde numérique, et d’accéder à tous sites internet et à toutes autres sources d'information électroniques pour lesquelles ils portent de l’intérêt et qui garantissent leurs droits d’exprimer leurs idées et ambitions.

Ce n'est pas la première fois [7] que l’AP censure des sites internet. Des rapports signalent qu’en 2008, l’AP avait censuré un site internet en Cisjordanie nommé Dounia Al Watan, et basé à Gaza, qui dénonce la corruption au sein de l’AP, tandis qu'en 2012, ces derniers ordonnaient aux fournisseurs d'accès de bloquer huit sites, dont Amad.ps, également bloqué depuis la semaine dernière.