Malgré les nombreuses objections de ses avocats, le procès de M. Teodorín Nguema Obiang Mangue, le fils du dictateur de la Guinée équatoriale et Vice-Président du pays, s'est ouvert à Paris le 19 juin 2017. La magistrature parisienne doit examiner l'accusation contre Teodorín pour “blanchiment d’abus de biens sociaux “, “détournement de fonds publics” “abus de confiance” et “corruption”. Les plaignants sont les deux organisations non-gouvernementales Sherpa et Transparency International.
Ce procès se situe dans le cadre de l'affaire des “biens mal acquis“. Le site ccfd-terresolidaire.org rappelle l'origine de toute l'affaire:
En mars 2007, le CCFD-Terre solidaire mettait en ligne un document de travail intitulé « Biens mal acquis… profitent trop souvent. La fortune des dictateurs et les complaisances occidentales ».
Téléchargée plus de 100 000 fois et support des plaintes déposées en France contre Omar Bongo, Denis Sassou Nguesso et Teodoro Obiang Nguema, et en Espagne contre ce dernier, cette étude allait faire date.
Deux ans plus tard, en 2009, l’étude fut entièrement réécrite et actualisée dans un nouveau rapport actualisé« Biens mal acquis, à qui profite le crime ? ». Ce rapport passait en revue les avoirs détournés de plus de 30 dirigeants de pays en développement.
Le CCFD-Terre Solidaire estime qu’au cours des dernières décennies, entre 105 et 180 milliards de dollars ont été volés par une trentaine de dirigeants autoritaires et kleptocrates de plusieurs continents (Afrique, Asie, Amérique du Sud).
Pour leur part, la Banque Mondiale et les Nations unies estiment que ce sont entre 20 et 40 milliards de dollars qui, chaque année, fuient les pays en développement du fait de la corruption.
Il y a dix ans de cela, les ONG Sherpa et Transparency International déposaient leurs premières plaintes à l’encontre de Teodorin Obiang pour des « biens mal acquis ».
Le temps qui s’écoule entre ces premières plaintes et l’ouverture de ce procès est émaillé d’un enchaînement de rebondissements politico-judiciaires, marqué de saisies des biens du fils du président, voitures et montres de luxe et immobilier à Paris…
L’accusé n’a pas daigné faire le déplacement parisien et s’est fait représenter par trois avocats dont la stratégie, selon Africanews, a consisté à mettre en avant l’immunité diplomatique dont il bénéficie en tant que deuxième personnage d’un Etat.
Avec une population totale de seulement 759 451 habitants, la Guinée équatoriale est cependant le 7ème pays africain producteur de pétrole. Le revenu par habitant a atteint en 2008 la somme de 41 267,13 dollars, c'est-à-dire supérieur à celui de l'Allemagne, 41 178,5 dollars, en 2015. L'économie du pays dépend principalement de cette production et le revenu par habitant est descendu à 14 439,6 dollars en 2015 avec la chute du prix du brut depuis quelques annees. Il reste tout de même supérieur à celui de plusieurs pays membres de l'Union européenne et fait de l'équato-guinéen l'africain le plus riche en moyenne.
Par exemple, les taux de vaccination figurent désormais parmi les pires au monde et la vaccination contre la tuberculose chez les nouveau-nés et les nourrissons a chuté de 99 % en 1997 à 35 % en 2015. Plus de la moitié de la population équato-guinéenne n’a pas accès à de l’eau potable sûre à proximité, un taux inchangé depuis 1995 et, en 2012, 42 % des enfants en âge d’aller à l’école primaire (46 000 enfants) n’étaient pas scolarisés, ce qui correspond au septième rang mondial.
Les dépenses de prestige aussi se multiplient engloutissant des sommes énormes au bénéfice d'une minorité privilégiée. La chercheuse Sarah Saadoun appelant le Président Macron à aller plus loin dans la lutte contre le blanchiment d’argent, dénonce sur le site hrw.org
Le projet le plus coûteux et inexplicable est celui de nouvelle capitale, Oyala, au beau milieu de la jungle. Il s’agit de la troisième capitale dans ce pays d’un million d’habitants. Après avoir dépensé des milliards dans la construction de bâtiments ministériels à Malabo, l’actuelle capitale insulaire, et à Bata, l’autre capitale sur la partie continentale, le gouvernement a budgété 8 milliards de dollars (plus de 7 milliards d’euros) supplémentaires pour Oyala, selon le FMI, qui estime que cela représente la moitié du budget du pays pour 2016.
Des éléments troublants laissent penser que cette dépense massive en infrastructures donnera probablement lieu à des opérations à des fins personnelles. Il apparaît par exemple que le président, la première dame et Teodorin détiennent conjointement l’entreprise de construction, avec un monopole sur les importations de ciment. La construction de la nouvelle capitale a aussi attiré des entreprises étrangères, dont françaises, comme le groupe Egis, chargé de sa conception.
Entre de prestigieuses résidences dans des endroits enchanteurs, voitures de luxe, collections d'objets ayant appartenu aux stars de Hollywood ou du sport et paradis fiscaux, le Vice-Président équato-guinéen ne se refuse rien. Par exemple, le site vesper.media révèle que la valeur de ses deux yachts, Ebony Shine, long de 75,75 et l’Ice, de 90 mètres équivaut à dix fois le budget annuel de l’éducation en Guinée équatoriale et dix-sept fois celui de la santé publique L'entretien du seul Ebony Shine couterait “environ 800 000 dollars par mois, sans compter le fuel.”
Après la réélection en avril 2016, avec 93,7% des voix, son père, le Président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, au pouvoir depuis 1979, a nommé un nouveau gouvernement dans lequel, comme à l'accoutumée les postes les plus juteux reviennent aux membres de sa famille et alliés. Dans un article intitulé Guinée-Équatoriale: l’Etat aux mains de la famille présidentielle, publié en septembre dernier, Ondo Ololobi fait la liste des membres de la famille présidentielle qui font partie du gouvernement révèle l'immense richesse de Mme Constancia Mangue de Obiang, la personnalité la plus puissante du régime. Extrait:
C’est l’épouse de Teodoro Obiang Nguema Mbasogo. Le président est entièrement tombé sous son influence. Elle utilise toutes sortes de subterfuges et forfaitures pour faire accéder son premier fils, Teodorín Nguema Obiang Mangue à la présidence équato-guinéenne. Multimilliardaire, elle est très discrète et rare sur la scène politique. Et pourtant elle tire ficelles dans les coulisses du palais présidentiel. Elle a réussi à user de sa ruse en plaçant 30 ministres sur 70 (pour un pays qui compte 710.000 habitants) dans le gouvernement. Ces 30 ministres sont issus du clan présidentiel.
Le site diariorombe.es fait savoir que le jour de l'ouverture du procès, M. Jerónimo Osa Osa Ecoro, Secrétaire général du parti au pouvoir, Parti démocratique de Guinée équatoriale (PDGE), a invité la population à participer à une manifestation pacifique de soutien, mais obligatoire”, devant l'ambassade de France à Malabo. Ce baron parmi les barons, qui semble aimer l'argent comptant a été deux fois victime de cambriolages à son domicile au cours desquels, les voleurs auraient emporté la première fois plus de 39 milliards de FCFA [48 640 000,00 EUR] et 60 millions d'Euros.