La justice brésilienne statue en faveur d'un site internet satirique après sept ans de censure

Collage des frères Bocchini avec le visage d'Otávio Frias Filho, propriétaire du journal Folha de São Paulo, sur le corps de Dark Vador. Reproduit sous licence CC 2.0.

Sauf mention contraire, les liens de cet article renvoient vers des pages en portugais.

Après une bataille juridique [fr] de sept ans, le Tribunal supérieur de justice du Brésil a statué en faveur d'un site internet satirique brésilien bloqué en 2010, dans une décision historique qui a mis fin à l'un des cas les plus emblématiques de censure sur l'Internet brésilien.

Le site web Falha de São Paulo, créé en 2010 par les frères Lino et Mario Bocchini, était un site de parodie d'un des plus grands journaux du pays, Folha de S. Paulo. Le titre est un jeu de mots entre les termes « folha » (qui signifie papier en portugais) et « falha » (échec).

Ce site satirique publiait des montages ironiques du journal Folha de São Paulo et possédait un « générateur de unes », avec lequel les visiteurs pourraient créer des nouvelles fictives avec la typographie et la maquette graphique du journal.

L'intention des créateurs était d'attirer l'attention sur le reportage supposément partial de Folha des élections brésiliennes de 2010. Folha a tendance à favoriser les positions et partis politiques du centre droit.

Le site était en ligne depuis seulement 17 jours lorsque la famille Frias, propriétaire de Folha de São Paulo, a obtenu une injonction préliminaire imposant une amende de R$ 1.000 (environ 265 euros) pour chaque jour où le site est resté en ligne. L'accusation a argué que les frères Bocchini avaient copié la marque et la maquette graphique du journal et les exploitaient commercialement.

L'entreprise a aussi intenté un procès contre registro.br (qui gère tous les domaines qui se terminent en .br), en gelant le domaine falhadesaopaulo.com.br pour que personne ne puisse l'enregistrer.

Le 21 juin 2017, le Tribunal supérieur de justice est revenu sur les verdicts précédents, qui avaient confirmé la décision en faveur de la famille Frias, et a statué en faveur des frères Bocchini, leur permettant de remettre leur site en ligne.

Avec quatre voix contre une, le tribunal a conclu que le droit des brevets permet la parodie, l'irrévérence et le divertissement.

Le juge Luís Felipe Salomão, le premier à s'écarter des décisions précédentes, a invoqué le droit des brevets brésilien, qui prévoit la liberté de parodie « tant qu'elle n'est pas une reproduction véritable d'une œuvre originale. » Dans sa décision, il a également déclaré :

O objeto explorado pela Falha, reconhecido inclusive pela recorrida, é a crítica aos posicionamentos políticos ideológicos da Folha, sem qualquer intenção de autopromoção de matérias concorrentes. E isso pelo simples fato de que não haveria em seu sítio eletrônico as mesmas reportagens procuradas pelos consumidores da Folha.

L'objet exploité par Falha, reconnu même par l'appel, est la critique des opinions idéologiques et politiques de Folha, sans aucune intention d'auto-promotion des articles en concurrence. Ceci est basé sur le simple fait que le site internet ne présentait pas les mêmes articles recherchés par les consommateurs de Folha.

Les frères Bocchini n'ont pas encore décidé s'ils vont remettre le site en ligne.

Dans un entretien avec le magazine Caros Amigos, Lino Bocchini explique :

Seria muito ruim se prevalecesse a teoria deles de que era uma simples questão comercial – o que não fazia nenhum sentido, pois não havia nenhum banner comercial, anúncios, venda de nada.

Ça aurait été une très mauvaise nouvelle si leur théorie avait pu s'imposer, comme quoi c'était une simple question commerciale. Cela ne voulait rien dire puisqu'il n'y avait pas de bannière commerciale, pas d'annonce, et que rien n'était vendu.

L'ONG Article 19, qui lutte pour la liberté d'expression dans le monde entier, s'est réjouie de la décision du Tribunal supérieur :

Para a entidade, o processo foi movido com base na intolerância do jornal em relação à crítica que lhe era dirigida.

Nesse sentido, a decisão desta quarta-feira tomada pelo STJ representa uma vitória para o direito à liberdade de expressão e deve ser encarada como jurisprudência em outros casos semelhantes que venham a ocorrer no país.

Pour l'entité, le processus a été déplacé sur la base de l'intolérance du journal à la critique qui lui était adressée.

Dans ce sens, la décision de mercredi par le TSJ représente une victoire pour le droit à la liberté d'expression et doit être considérée comme un précédent dans d'autres cas semblables qui peuvent survenir dans le pays.

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