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Netizen Report : Travailler dans l'intérêt public devient de plus en plus risqué

Catégories: Afrique du Nord et Moyen-Orient, Asie de l'Est, Brésil, Espagne, Mexique, Myanmar (Birmanie), Philippines, Turquie, Venezuela, Médias citoyens, Advox

Manifestation en Thaïlande contre la loi sur le crime de lèse-majesté. Photographie de Matthew Richards, Copyright @Demotix (12/10/2011)

Le Netizen Report de Global Voices offre un aperçu des défis à relever, des victoires obtenues et des tendances émergentes en matière de libertés numériques dans le monde.

Les risques associés au travail dans l'intérêt public, que ce soit en tant que journaliste, militant ou défenseur de la transparence et de la responsabilité gouvernementale, semblent augmenter partout dans le monde.

Le 5 juillet, la police turque a brusquement interrompu [1] un atelier de formation sur les technologies de l'information à Istanbul et arrêté deux formateurs et huit défenseurs des droits de l'homme parmi les plus connus du pays. Elle a également confisqué leurs ordinateurs et téléphones portables. Les détenus n'ont pas encore été inculpés et seront maintenus en détention pendant sept jours, le temps que leurs dossiers soient évalués. Parmi les personnes arrêtées figure la directrice d'Amnesty International pour la Turquie, Idil Eser.

Le président de l'organisation, Taner Kilic, a d'ailleurs été renvoyé en prison il y a moins d'un mois. Amnesty International a immédiatement fait une déclaration au nom des détenus :

(Idil Eser's) incommunicado detention and that of the other human rights defenders attending a routine training event, is a grotesque abuse of power and highlights the precarious situation facing human rights activists in the country. Idil Eser and those detained with her must be immediately and unconditionally released.

La détention au secret (d'Idil Eser) et des autres défenseurs des droits de l'homme qui participaient à un atelier de formation ordinaire constitue un abus de pouvoir des plus grotesques et souligne la précarité des militants des droits de l'homme dans le pays. Idil Eser et les personnes détenues avec elle doivent être libérées immédiatement et inconditionnellement.

Deux jours plus tôt, le gouvernement militaire du Myanmar inculpait trois journalistes en ligne indépendants en vertu de la loi sur les associations illégales. Cette loi criminalise l'appartenance à une « association illégale » et prévoit une peine d'emprisonnement de trois ans pour les coupables. Les journalistes ont été arrêtés [2] à la fin du mois de juin dans l'état du Shan, au nord du pays, alors qu'ils recueillaient des informations sur la production de drogues dans une région contrôlée par l'armée de libération nationale ta’ang, un groupe armé ethnique qui a longtemps été en conflit politique [3]avec le gouvernement fédéral. L'audience des journalistes a eu lieu le 11 juillet 2017.

Les journalistes travaillent pour le site The Irrawaddy [4] et l'organisation Democratic Voice of Burma [5] [La voix démocratique du Myanmar], deux des rares médias indépendants à avoir abordé les questions politiques alors que le pays était encore sous dictature militaire. Le journal en ligne The Irrawaddy est un partenaire de Global Voices.

Kyaw Zwa Moe, le responsable de l'édition anglaise de The Irrawaddy, a signalé [6] que l'arrestation des trois journalistes pourrait avoir un effet dissuasif sur la société :

The arrest and charges demonstrate that either Myanmar’s military leaders don’t understand the nature and purpose of the media, or that this was a deliberate act intended to frighten journalists away from covering sensitive issues that could lead to criticism of the armed forces.

L'arrestation et les accusations démontrent que soit les dirigeants militaires du Myanmar ne comprennent pas la nature et le but des médias, soit qu'il s'agit d'un acte délibéré visant à dissuader les journalistes de couvrir les questions délicates et susceptibles d'exposer les forces armées à la critique.

Des politiciens de l'opposition mexicaine ciblés par des logiciels espions

Le mois dernier, des groupes mexicains de défense des droits numériques ont rendu public de nombreuses preuves démontrant que leur gouvernement avait acheté et utilisé des logiciels espions de l'entreprise israélienne NSO Group pour surveiller des journalistes, des militants et des défenseurs des droits de l'homme. Un nouveau rapport technique [7] du Citizen Lab de l'Université de Toronto a révélé que trois politiciens de l'opposition avaient également été ciblés, tous membres du Parti de l'action nationale (PAN), un parti socialement conservateur. Le président du Mexique, Enrique Peña Nieto, a qualifié ces allégations de « fausses » et a demandé une enquête au bureau du procureur général. Neuf des personnes ciblées ont déposé des accusations [8]contre le gouvernement.

Au Venezuela, la censure des médias sociaux atteint son paroxysme dans un contexte d'agitation sociale

Facebook, Twitter, YouTube et Instagram, de même qu'un certain nombre d'autres plateformes de médias sociaux, ont été bloqués au Venezuela [fr] [9] dans la soirée du 28 juin. Les blocages ont été mis en place par le biais des serveurs DNS [Service de noms de domaine] du fournisseur de services internet géré par l'État, CANTV. Ils ont été levés tard dans la soirée du 28 juin. En réaction, les Vénézuéliens ont échangé des conseils techniques [fr] [10] sur la façon de contourner les blocages, notamment sur la manière d'utiliser des services de réseaux privés virtuels gratuits et de changer une adresse DNS. Les blocages semblent suivre un scénario semblable à d'autres cas de censure, comme l'inscription de 41 sites sur la liste noire au mois de mai, et interviennent au moment où des manifestations d'opposition mettent à rude épreuve le pays déjà aux prises avec de graves crises économiques, alimentaires et sanitaires.

Un sénateur philippin veut interdire les « fausses nouvelles »

Le sénateur philippin Joel Villanueva a déposé un projet de loi [11]à la fin du mois de juin qui criminaliserait la « diffusion de fausses nouvelles dans un but malicieux ». Le projet de loi définit les fausses nouvelles [12] comme étant « celles qui cherchent à semer la panique, le chaos, la division et entretenir la violence et la haine, ou celles qui font de la propagande dans le but de ternir la réputation d'une personne ou de discréditer celle-ci ». Le projet de loi contient des dispositions qui prévoient de lourdes peines d'emprisonnement pour ceux qui publient des « fausses nouvelles », mais également pour ceux qui les partagent, risquant de criminaliser les utilisateurs de médias sociaux qui ne comprennent pas entièrement ce qu'implique le simple fait de partager un article à des amis.

En Espagne, la « loi bâillon » rapporte de grosses sommes à l'État

Il y a maintenant deux ans que la controversée loi de sécurité citoyenne, communément appelée « loi bâillon » (« Ley mordaza » en espagnol), est entrée en vigueur en Espagne. Cette loi restreint les libertés d'expressions et de réunion [13] et, avec ses réformes du Code pénal, impose de lourdes amendes pour diverses infractions, dont la diffusion de photos ou de vidéos [14] montrant des policiers, « le manque de respect [15]» aux forces de l'ordre, l'utilisation des médias sociaux [es] [16] pour organiser une manifestation et la participation à des manifestations « non autorisées ». Au cours des 18 mois qui ont suivi sa promulgation, l'État espagnol a infligé environ 286.000 amendes et perçu [es] [17] plus de 131 millions d'euros. Bien que le Parlement espagnol soit divisé, une initiative est en cours pour réformer la loi [18], mais les militants [es] [19] et les experts estiment [es] [20] que les changements proposés sont insuffisants pour protéger la liberté d'expression.

La cour brésilienne se prononce en faveur de la satire

Dans une décision historique, la Cour supérieure de justice du Brésil a statué en faveur [fr] [21] du site satirique Falha de Sao Paulo [pt] [22], mettant fin à une bataille judiciaire de sept ans. Le site parodiait le nom et le contenu du journal Folha de S. Paulo. Le titre est d'ailleurs un jeu de mots sur les termes folha (« papier » en portugais) et falha (« échec »). Il a été créé pour attirer l'attention sur la couverture prétendument partiale que le Folha a consacré aux élections brésiliennes de 2010. La famille Frias, propriétaire du Folha de S. Paulo, a déposé une injonction 17 jours après la mise en ligne du site, déclenchant une longue bataille juridique sur le droit de parodie en vertu de la loi brésilienne sur le droit d'auteur. En fin de compte, la cour a jugé que la législation sur les brevets permettait la parodie et reconnaissait le droit à l'irrévérence et au divertissement. Les créateurs du site n'ont pas encore décidé s'ils allaient ou non remettre le Falha en ligne.

À lire également

 

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Ellery Roberts Biddle [25], L. Finch [26], Mong Palatino [27], Elizabeth Rivera [28] et Sarah Myers West [29] ont contribué à l'élaboration de ce rapport.