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Un peintre syrien réinvente les puissants de ce monde en réfugiés vulnérables

Catégories: Afrique du Nord et Moyen-Orient, Europe de l'ouest, Belgique, Syrie, Arts et Culture, Guerre/Conflit, Idées, Médias citoyens, Réfugiés

‘La file d'attente’ par Abdalla Al Omari. Photo extraite de sa page Facebook [1] page. Utilisée avec sa permission.

C'est l'image du réfugié “vulnérable” dominante dans la couverture médiatique que le peintre syrien Abdalla Al Omari [2] a souhaité inverser, en montrant au monde à quoi ressembleraient les responsables politiques si leur chance venait à tourner.

Ainsi est née “The Vulnerability Series [3]“.

Il l'a initialement présentée à Bruxelles, capitale de la Belgique, en 2016 quand il y a obtenu l'asile, et une deuxième fois à Dubaï, où l'exposition a pris fin le 6 juillet 2017.

“Angela” huile et acrylique sur toile, 200×150 cm, The Vulnerability Series, exposée jusqu'au 08/03/2017 au CcStrmbeek, Belgique

Omari a expliqué ses motivations pour la série [7]:

J'avais beau en savoir très peu sur le monde intérieur de ces dirigeants, les innombrables heures intimes que j'ai passées avec eux m'ont appris plus que je ne pouvais imaginer. Avec la même facilité que tout ce qui vaut d'être défendu peut se retrouver sans défense, les moments où on est absolument dépourvu de pouvoir peuvent vous donner des super-pouvoirs.

L'idée était de briser leur image de puissants. Il a détaillé sur son blog [3] comment il en est arrivé à se prendre de pitié même pour le président syrien assiégé Bachar el-Assad, dont les troupes sont régulièrement accusées de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité :

Même moi j'ai eu de la compassion pour (ma version d’) Assad. Dans cet univers en apesanteur, nous n'avons que notre vulnérabilité à quoi nous raccrocher. Ce vent invisible alourdit notre poitrine, et pourtant, mystérieusement nous remet à nouveau debout. Je me suis persuadé que c'est l'arme la plus puissante que possède l'humanité, tellement plus puissante que la trace dans nos mémoires collectives des jeux d'influence, des cratères de bombes et des impacts de balles. La vulnérabilité est un cadeau dont nous devrions tous nous réjouir.

Dans un entretien avec le site belge De Afspraak, Omari dit que ce “sentiment étrange d'empathie” s'étend à d'autres personnages politiques :

Chaque jour je me réveillais en leur présence et sur mes murs.. Et à un moment j'ai eu cet étrange sentiment d'empathie envers eux à force de les voir depuis si longtemps. Et cet état de vulnérabilité, à vous regarder, les yeux dans les yeux tout le temps, à vous dire nous sommes vulnérables’, nous sommes faibles, même eux, je me suis dit ‘ouah, je pourrais même avoir de l'empathie pour eux’.


Outre Assad, la série montre les Présidents étasuniens Barack Obama et Donald Trump, russe Vladimir Poutine, français Nicolas Sarkozy et François Hollande, iranien Mahmoud Ahmadinejad, turc Recep Tayyip Erdogan, le Premier Ministre britannique David Cameron, la Chancelière allemande Angela Merkel et le Président égyptien Abdel Fattah el-Sissi.

“Je désirais personnellement les voir dans la peau de réfugiés, de personnes vulnérables pour les visualiser dans leur état vulnérable parce qu'ils ont l'air si parfaits, si divins”, expliquait-il à De Afspraak.

Son image abondamment reprise de Trump en réfugié s'est inspirée de l'histoire du réfugié syro-palestinien Abdul Halim Attar [8].

Attar, originellement du camp de Yarmouk [9] à Damas, et l'un parmi les plus d'un million de réfugiés syriens à avoir fui au Liban [10], a été très médiatisé avec cette image de lui vendant des stylos à bille dans les rues de Beyrouth, sa fille sur le bras. La petite fille que porte Trump est habillée comme la fille de l'artiste.

‘The Vulnerability Series’ d'Abdalla Al-Omari, via Facebook. Utilisée avec sa permission.

Il a aussi reproduit la tristement célèbre photo des habitants de Yarmouk [11] attendant une distribution de nourriture en 2014 :

L'oeuvre d'Omari a obtenu une très grande attention en ligne. Une vidéo d'AJ+ a été vue plus de 12 millions de fois. Il y confie que “ces dirigeants ont une part de responsabilité dans le déplacement des Syriens. Peut-être ressentiront-ils ce que c'est que d'être vulnérable.”

Mary Scully, qui a été candidate indépendante socialiste à la présidence des USA, a suggéré [15] de pousser un pas plus loin les portraits imaginaires des dirigeants mondiaux :

Il y a une manière encore préférable de faire leur portrait : en uniformes de prisonniers après leurs procès pour crimes contre l'humanité.