La chambre basse du parlement russe a approuvé le 21 juillet une série de lois sur la censure après avoir voté en première lecture plusieurs projets de loi qui interdisent aux messageries de laisser les utilisateurs échanger anonymement, rendent illégale l'utilisation de réseaux virtuels privés (VPN), proxys et autres anonymiseurs, et obligent les moteurs de recherche à masquer les liens vers des sites bloqués.
Dans la dernière semaine avant ses vacances d'été, la Douma d'Etat a adopté un nombre invraisemblable de projets de loi — 69 en trois jours seulement. Les projets de loi du 21 juillet, qui se veulent une importante contribution à la sécurité intérieure russe, sont la dernière tentative du gouvernement pour s'assurer le contrôle de l'activité en ligne. De nombreux éléments de ces projets de loi sont liés à « la stratégie présidentielle de développement d'une société informationnelle » et peuvent annoncer des mesures plus répressives.
Le projet de loi sur les messageries exige de l'opérateur qu'il établisse l'identité de l'utilisateur au moyen de son numéro de téléphone. Les messageries les plus utilisées comme Telegram, Viber et Whatsapp devront refuser l'accès aux utilisateurs qui ne fourniront pas les informations permettant de les identifier.
En outre, la loi exige des entreprises qu'elles empêchent la diffusion de contenu illégal sur leurs plateformes, ce qui est pratiquement impossible compte tenu du volume d'échanges qui y transite chaque jour. Le projet de loi contient une disposition qui permet aux juges d'ordonner aux messageries de bloquer la correspondance d'utilisateurs individuels.
La loi exige aussi que les entreprises autorisent les pouvoirs publics à utiliser leur réseau pour des campagnes massives de mailing vers leur base d'utilisateurs russes.
Les compagnies qui ne respecteront pas la loi pourront se voir bloquées par le Roskomnadzor [l'organe de la censure russe].
La Douma a approuvé un autre projet de loi qui oblige les anonymiseurs internet comme VPN à restreindre l'accès à certains contenus, sous peine de se voir bloqués. C'est le ministère de l'Intérieur (MVD) et le Bureau fédéral de la sécurité (FSB) qui seront en charge de l'application de cette loi. Elle prévoit aussi que les moteurs de recherche doivent empêcher les liens vers les sites bloqués de s'afficher dans les résultats de recherche.
Ces deux projets de loi font déjà l'objet de critiques pour leur manque de précision, qui laisse la porte ouverte à une utilisation abusive de la part du gouvernement.
Worth saying the VPN bill & the messenger bill both vague on enforcement mechanisms. As always, this leaves room for both evasion & abuse.
— Tanya Lokot (@tanyalokot) July 21, 2017
Il faut savoir que la loi sur VPN et celle sur les messageries sont toutes deux très vagues quant à leurs mécanismes d'application. Comme toujours, elles laissent la porte ouverte aux interprétations évasives ou abusives.
Le même jour, la Douma a adopté encore un autre projet de loi, qui oblige à présenter un passeport valide pour l'achat d'une carte SIM, de façon à ce que les fournisseurs puissent vérifier l'identité de leurs clients.
Ces projets de loi doivent désormais être approuvés par le Conseil de la Fédération, avant d'être ratifiés par Vladimir Poutine.
Certaines messageries indiquent d'ores et déjà qu'elles mettront leur activité en conformité avec la législation, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2018. Le patron de la messagerie Viber, l'une des premières à se plier à la loi de 2015 qui oblige les sociétés internet à stocker les données des utilisateurs russes sur le sol russe, a déclaré que sa compagnie appliquerait les lois russes en totalité.
Telegram s'est récemment incliné sous la pression [en] des autorités russes. La compagnie a accepté de s'enregistrer, mais refuse de stocker les données de ses utilisateurs sur le territoire russe et de les transmettre aux autorités.
Selon toute vraisemblance, la Douma adoptera d'autres lois plus contraignantes au retour de vacances des députés, en septembre: le 20 juillet, lors de la conférence numérique NextM à Moscou, Léonid Lévine, le président du Comité de la Douma d'Etat sur la politique de l'information, les technologies de l'information et la communication, a déclaré que dans un futur proche le gouvernement n'aurait d'autre choix que de voter davantage de lois sur le big data, l'internet des objets, le blockchain ou « chaîne de blocs », et d'autres nouvelles technologies.