Ghana : l'offre Free Basics de Facebook a-t-elle réellement amené plus d'Africains en ligne?

Vous pouvez rechercher Bing sur Free Basics au Ghana, mais vous ne pouvez accéder à aucun des sites Web dans les résultats de la recherche, sauf s'ils font partie du package Free Basics. Capture d'écran de Kofi Yeboah.

On peut effectuer des recherches sur Bing avec Free Basics au Ghana, mais sans pouvoir accéder à aucun des sites web des résultats de la recherche, sauf s'ils font partie du package Free Basics. Capture d'écran de Kofi Yeboah.

Dans le monde entier, les efforts visant à accroître l'accès à Internet sont vastes : il y a de tout, du développement d'infrastructures publiques-privées, aux réseaux de maillage communautaires [fr] d'Oaxaca au Cap-Vert, aux ballons connectant au WiFi de Google.

Autre action, le projet Internet.org [fr] de Facebook, décrit [fr] par la société de Silicon Valley comme une initiative visant à offrir l'accès à Internet et les avantages de la connectivité à la partie du monde qui ne les possède pas. Le produit-phare d'Internet.org est une application mobile appelée Free Basics, qui permet aux utilisateurs d'accéder gratuitement à Facebook et à quelques autres services en ligne tels que Accu Weather, BBC News et Wikipedia.

Facebook explique sur le site Internet.org [fr] que l'application est destinée à aider les gens à justifier le coût des données mobiles:

“En leur présentant les avantages d’Internet par l’intermédiaire de ces sites web, nous espérons connecter plus de personnes et améliorer leur vie.”

Afin de mieux comprendre l'impact de l'application Free Basics, et son rôle dans le plus vaste éventail d'initiatives mondiales de développement de l'accès à Internet, un groupe de contributeurs à Global Voices a testé l'application Free Basics dans six pays à travers le monde au printemps 2017. Nous avons mené des études de cas en Colombie, au Ghana, au Kenya, au Mexique, au Pakistan et aux Philippines, ainsi qu'un examen de la recherche, de la critique et de la documentation publique sur l'utilisation et l'utilité de l'application. [En savoir plus sur notre recherche]

Free Basics est disponible dans 63 pays, dont 26 en Afrique. Facebook a établi des partenariats avec les opérateurs de télécommunications mobiles qui fournissent ces données supplémentaires permettant à leurs abonnés d'accéder à l'application Free Basics.

Lorsqu’on utilise Free Basics via Tigo au Ghana, l'écran principal de l'application ressemble à ceci :

Écran principal de Free Basics au Ghana, via Tigo. Capture d'écran par Kofi Yeboah

Écran principal de Free Basics au Ghana, via Tigo. Capture d'écran par Kofi Yeboah.

L'application offre les sites suivants:

  • Facebook
  • Facebook Messenger
  • Facts for Life
  • OLX
  • Tonaton Ghana
  • Baby Center
  • Disney Story Central
  • Jobberman Ghana
  • Ghanaweb
  • BBC News
  • Africa.com
  • GhanaNews
  • Wikipedia
  • Bing
  • ESPN FC
  • Super Sports
  • Accuweather

La plupart des sites offerts sont basés aux États-Unis ou en Europe. Les seuls sites locaux ou versions locales des services présentées sur l'écran principal incluent le site de commerce électronique Tonaton Ghana, le site de recherche d'emploi Jobberman Ghana, Super Sports et les sites d'informations Ghana Web et Ghana News, qui ont tous deux tendance à présenter des articles inspirés d'autres ou qui ont déjà été publiés ailleurs.

Le moteur de recherche Bing est également disponible au Ghana, et sur la plupart des autres versions que nous avons testées. Bien sûr, il a une utilité limitée, étant donné que presque tous les liens qui apparaissent dans les résultats de recherche sont inaccessibles. Lorsqu'un utilisateur essaie de sélectionner un lien à partir des résultats de recherche sur Bing, il reçoit une notification indiquant que “des frais de données s'appliquent”. Si l'utilisateur n'a pas d'abonnement incluant les données, il lui est impossible d'accéder au site en question.

Un ensemble plus vaste d'applications, allant des applications de formation aux sites de sport et de divertissement, se trouve sur une page distincte à quelques clics de l'écran principal. Presque tous ces sites sont basés en dehors du Ghana et beaucoup d'entre eux hors d'Afrique.

Lorsque les abonnés utilisent les sites Web disponibles sur l'application Free Basics, ils n'accèdent pas à la version complète de ces sites. Par exemple, si un utilisateur veut accéder à l'application Facebook dans Free Basics, il ne pourra pas consulter des images ou regarder des vidéos sur l'application.

Les sites Web d'actualités suppriment des vidéos, y compris celles du Daily Nation au Kenya, représentées ici. Capture d'écran de Njeri Wangari.

Les sites Web d'actualités suppriment des vidéos, y compris celles du Daily Nation au Kenya, représentées ici. Capture d'écran de Njeri Wangari.

Si un utilisateur arrive à une vidéo ou à une image sur un site d'information, celles-ci également sont supprimées de l'écran, comme on peut le voir dans l'image ci-dessus. Les utilisateurs sont informés par l'application qu'ils doivent payer des frais de données s'ils veulent voir une image ou regarder une vidéo sur l'application Free Basics.

Free Basics n'offre à ses utilisateurs qu'un accès limité aux sites Web et à d'autres applications importantes. Il n'offre pas l'accès à des sites gouvernementaux ou publics, ni aux sites des principaux concurrents de Facebook. Par exemple, Free Basics n'a aucune application Twitter. Il n'inclut pas non plus d’application de messagerie.

Annonce Facebook gratuit, par Airtel.

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Depuis sa création, Free Basics a soulevé beaucoup de préoccupations au sujet de la neutralité d'Internet, une formulation du secteur des nouvelles technologies utilisée pour indiquer que n'importe qui, de n'importe où dans le monde, devrait être en mesure d'accéder à des services et du contenu sur Internet ou d’en fournir. En d'autres termes, cela signifie que dans un Internet vraiment ouvert, tous les contenus sont traités de manière égale.

Les intérêts en jeu des entreprises faisant partie du programme Free Basics sont difficiles à ignorer. Outre les intérêts de Facebook et de la poignée de sites ou de services offerts sur l'application, les opérateurs de télécommunications locaux tirent également profit de Free Basics.

Les articles précédents de BuzzFeed News ont prouvé comment les opérateurs de télécommunications – pas Facebook – couvrent le coût réel de la fourniture aux utilisateurs des données mobiles de l'application Free Basics. Les campagnes publicitaires locales et même les commentaires des employés des entreprises de télécommunications indiquent que Free Basics a servi de moyen d'acquérir de nouveaux abonnés en les attirant par la promesse de l'accès gratuit à Facebook.

John-Paul Iwuoha, un auteur et influent analyste social, a conseillé les gouvernements africains dans un article publié sur le Huffington Post intitulé “Dear Mr. Zuckerberg: Thanks for ‘Free Basics’ in Africa, But We’re Not Totally Convinced.” (Cher M. Zuckerberg : Merci pour “Free Basics en Afrique, mais nous ne sommes pas totalement convaincus.) Iwuoha l'écrit :

While Mr. Zuckerberg firmly believes that restrictive editions of the internet like Free Basics and the principles of net neutrality can co-exist, I have banged my head against the wall several times to imagine how that would happen.

Africa’s history is littered with governments and “gatekeepers” who seek to censor and control access to information, monopolize public conversations, and regulate communication and expression. The open internet is helping to break that stranglehold, and the outcomes could change everything (or most things) for the continent. Therefore, it’s in Africa’s best interests to hold on to the principles of net neutrality to avoid a return to the “dark days.”

Facebook says it doesn’t handpick the services on Free Basics anymore, and now admits any service or website that meets its “criteria.” This sounds comforting, but we must not lose our guard as long as Facebook — a profit-driven, U.S.-based company — retains gate-keeper powers over millions of Africans who will likely come online as a result of Free Basics.

[…]

Facebook’s actions and strategic business investments in Africa need to reflect its vision of bringing internet access to all Africans. Not just a slice of the internet, but all of it.

Alors que M. Zuckerberg croit fermement que des versions réduites d'Internet comme Free Basics et les principes de neutralité du net peuvent coexister, je me suis creusé les méninges pour imaginer comment cela se produirait.

L'histoire de l'Afrique regorge de gouvernements et de “gardiens” qui cherchent à censurer et contrôler l'accès à l'information, à monopoliser les débats publics ainsi qu'à réglementer la communication et l'expression. L'Internet ouvert contribue à briser cette domination, et les résultats pourraient tout (ou beaucoup) changer pour le continent. Par conséquent, il est dans l'intérêt de l'Afrique de s'accrocher aux principes de la neutralité du réseau pour éviter un retour aux “jours sombres”.

Facebook dit proposer plus de services sur Free Basics, et maintenant admet tout service ou un site Web qui répond à ses “critères”. Cela semble réconfortant, mais nous ne devons pas perdre notre vigilance aussi longtemps que Facebook – une entreprise américaine motivée par le profit – conserve le pouvoir de censurer des millions d'Africains qui seront probablement en ligne grâce à Free Basics.

[…]

Les actions de Facebook et les investissements commerciaux stratégiques en Afrique doivent refléter leur vision d'apporter l'accès à Internet à tous les Africains. Pas seulement à une partie d'Internet, mais tout I'Internet.

Si, en fait, les responsables de Facebook voulaient améliorer le savoir des gens à travers le monde, en particulier dans les pays en développement, ils ouvriraient leur plate-forme pour inclure plus de langues, donner accès à des fonctionnalités clés comme les images et les vidéos – un moyen formidable et dynamique pour partager et améliorer les connaissances – et permettre aux utilisateurs d'accéder à plus d'informations sur le Web.

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