- Global Voices en Français - https://fr.globalvoices.org -

Une attaque terroriste fait 18 morts à Ouagadougou à 300 m de l'attentat survenu 20 mois plus tôt

Catégories: Afrique Sub-Saharienne, Burkina Faso, Catastrophe naturelle/attentat, Gouvernance, Guerre/Conflit, Médias citoyens, Politique, Relations internationales
[1]

Capture d'écran montrant la fuite des clients du café lors de l'attaque à Ouagadougou via BFM TV

Le Burkina Faso est encore sous le choc après l'attentat qui a fait 18 morts,dans sa capitale Ouagadougou le 15 aout 2017 et  dont le mode opératoire rappelle une attaque commise dans la même avenue en 2016 [2] contre l'hôtel Splendide et le Café Cappuccino. L'attaque a visé le restaurant turc Aziz Istanbul, sur l'avenue Kwame Nkrumah à Ouagadougou, aux environs de 21 h, un café prisé des expatriés vivant dans la capitale.

Les deux assaillants sont arrivés à moto un peu après 21h, selon les témoignages, et se sont mis à tirer sur les clients attablés à la terrasse. Ils ont ensuite envahi le café et ont gardé en otage plusieurs civils. A 21h30, des policiers arrivent sur place suivis par des gendarmes de l’Unité spéciale d’intervention de la gendarmerie nationale. Les échanges de tirs avec les assaillants, qui se sont réfugiés à l’intérieur du café-restaurant, sont nourris. Vers minuit, l’USIGN lance l’assaut. Selon le responsable de la gendarmerie, un des assaillants est tué un peu avant 2 heures du matin, l’autre aux alentours de 3 heures du matin.

Le Burkina a déclaré 3 jours de deuil national suite à ces attentats.  Les familles des victimes ont du mal à croire que des attaques terroristes aient pu avoir lieu au même endroit à 20 mois d'intervalles. Parmi les victimes, on compte Ahmadou Tanou, jeune Burkinabé de Ouagadougou. Son cousin Yacouba essaye d'aller au delà de la colère et croit que le Burkina fera face comme toujours [3]:

On ne peut rien contre la volonté de Dieu. Contre ces gens, on n’y peut rien. Ce sont des barbares. Nous, on confie le Burkina Faso dans la main de Dieu. Les ennemis du Burkina, tout ce qu'ils font contre le Burkina, Dieu les voit

Un couple sénegalo-canadien a aussi péri lors de l'attaque qui attendaient un enfant: Mehsen, né à Dakar, et son épouse, Tammy Chen Fenaiche qui vivaient à Ouagadougou. Tammy Chen préparait son PhD en développment intenational [4] et était enceinte de 4 mois. Son oncle Aboudi raconte [3] la détresse de la famille:

Cela fait maintenant quatre ans que [Meshen] est au Burkina. Il venait de se marier avec une Canadienne, enceinte de trois ou quatre mois. Tous les deux, ils étaient au restaurant avec un ami. C’est un choc. C’est très dur. Bien sûr qu’on est en colère, bien sûr. C’est un choc quand même. On a perdu un enfant et la perte de son épouse qui porte un enfant. Ce n’est pas facile à encaisser. C’est très dur. On fait avec quand même. On est révoltés. Cela n’est pas l’islam. Effectivement, ce n’est pas l’islam. Ils disent qu’ils sont musulmans. Non. Un bon musulman ne fait pas cela. Ce sont des voyous, des bandits, des personnes sans cœur

[5]

Meshen et Tammy, morts durant l'attaque via Dakar Actus avec leur permission.

Hugo Larose, le président de l'université de Gonville and Caius College à Cambridge où Tammy Chen allait soutenir sa thèse a aussi tenu à rendre hommage à la jeune femme [4]:

 I was devastated to hear about Tammy's loss. All of Tammy's friends echo that she was extraordinarily kind and caring, that she was the sort of person that the world sorely needs in times such as these, who would have made a real difference in this world, and whose loss will be sorely felt. Though many academics dedicate their life to improving the human condition, Tammy went many steps further, working tirelessly in the some of the poorest parts of the world. She was the heart and soul of our MCR

J'étais dévasté en apprenant la mort de Tammy. Tous les amis de Tammy se rappelent combien elle était extraordinairement gentille et attentionnée, qu'elle était la sorte de personne dont le monde a vraiment besoin dans des moments comme ceux-ci. Elle  aurait fait une véritable différence dans ce monde et sa perte sera grandement ressentie. Bien que de nombreux universitaires consacrent leur vie à l'amélioration de la condition humaine, Tammy a fait cela et bien plus, en travaillant sans relâche pour les régions les plus pauvres du monde. Elle était le coeur et l'âme de notre département.

Les attaques n'ont pas été revendiqué. Cependant, les autorités Burkinabé ont formulé des hypothèses sur les reponsables potentiels des attaques [6]; un officier de l’armée Burkinabé sous couvert d’anonymat suggère:

Vu le mode opératoire des assaillants, leurs traits physiques, ils peuvent probablement venir du Nord Mali ou encore plus près de la frontière. Le fait que l’attaque ne soit pas encore revendiquée se signifie pas que c’est une acte isolé, il peut être lié à Ansarul Islam ou à Aqmi. Ce sont des pistes que les enquêteurs explorent et l’analyse des armements et des munitions retrouvés sur le commando permettra d’affiner les recherches. Le processus d’identification des assaillants n’est pas achevé.

Malgré ces débuts d'explications, l'incompréhension règne chez les habitants de Ouagadougou. Omer Bere, un entrepreneur de 35 ans, résume le sentiment [7] général des habitants:

Je suis choqué par l’horreur de ce qui s’est passé à Aziz Istanbul. C’est la tristesse totale, on ne sait pas où va le Burkina. Chaque fois, on vient tuer nos frères. Ce sont deux restaurants prisés des Burkinabè qui ont été visés.