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Au lendemain de l'attaque sur les Ramblas, Barcelone répond #NoTincPor: “Je n'ai pas peur”

Catégories: Europe de l'ouest, Espagne, Dernière Heure, Médias citoyens

Meme de Barcelona de luto. Ilustración ampliamente compartida en Twitter bajo la etiqueta #NoTincPor

Mème de Barcelone en deuil. Illustration largement partagée sur Twitter sous l’étiquette #NoTincPor [1]

La Catalogne et l'Espagne portent le deuil et entrent en résistance. L'attentat de jeudi 17 août sur l'une des avenues les plus fréquentées de Barcelone, les Ramblas, compte pour l'instant 13 personnes tuées [2] et maintient les autorités en état d'alerte ; il laisse aussi bien les habitants que les visiteurs d'une des villes les plus touristiques d'Europe profondément choqués. Puis une autre attaque s'est produite, à peine quelques heures plus tard, dans la station balnéaire de Cambrils, où 6 personnes, dont un policier [3], ont été blessées et une a été tuée. L'attentat de Cambrils a été déjoué par les forces de police de Catalogne, les Mossos d'Esquadra [fr] [4], mais son impact a été considérable.

Bien que les faits soient récents, le rassemblement sur la Plaza Cataluña pour rendre hommage aux victimes par une minute de silence a réuni un grand nombre de personnes. La minute de silence s'est achevée par des expressions de solidarité et de force collective, reproduite dans les voix de ceux qui se sont mis à crier No Tinc Por : Nous n'avons pas peur.

Réseaux de réflexion et de résistance

Très rapidement Twitter s'est fait l'écho des personnes rassemblées sur la place et les usagers ont partagé plusieurs marques de soutien à Barcelone sous l'étiquette #NoTincPor [5] jusqu'à ce qu'elle circule dans le monde entier.

Des milliers de gens scandent “je n'ai pas peur” à Barcelone. Nous n'avons pas peur

En reprenant la Rambla, avec des milliers d'autres, on crie “je n'ai pas peur”

# Barcelona #Notincpor [15] Tous contre la terreur que quelques-uns veulent semer de par le monde !

Et la maire de Barcelone, Ada Colau, de répliquer :

La peur ne vaincra pas. Retournons nous promener sur les #Ramblas [17] et faisons-le librement avec amour pour notre ville. #NoTincPor [10]

D'autres ont écrit de façon plus approfondie sur ce que pourraient signifier les attentats qui se sont succédé dans plusieurs villes européennes ces dernières années. Des réflexions sur la diversité, les politiques migratoires, les accords internationaux, l'histoire récente et le choc violent qui découle de la perte de vies innocentes ont amené Martí Rodríguez Vidal [20] à engager une réflexion en profondeur, et comme beaucoup d'autres [21], il a apporté sur Medium son témoignage sur les attentats :

… la verdad -en toda su pureza y en toda su dureza- es que en días como hoy, lo que realmente le apetecería a uno es bajarse del mundo. […] Pero además, a uno le gustaría bajarse de esto por la tremenda pereza intelectual de hacer un juicio justo. De poner matices y no generalizar. Hay que buscar más causas que el puro odio irracional. Porque si sembramos la venda en los ojos, los pasos de página y las vueltas a la normalidad, recogeremos más atentados. Seguro. La dinámica terrorista está en marcha y se retroalimenta. […] ¿ Quién, en una situación normal, toma la decisión de matar a desconocidos ? […] ¿ En qué momento piensa que los culpables de su fracaso social son los que le rodean ? ¿Es posible que el que vive en el Raval pueda sentirse abandonado por la sociedad?

… la vérité — dans toute sa pureté et dans toute sa dureté — c'est qu'un jour comme aujourd'hui, la seule chose dont on ait réellement envie, c'est de “descendre du monde” comme on descend d'un train en marche.  […] Mais surtout, on aimerait descendre de tout ça pour ne pas avoir à faire un procès équitable, par simple paresse intellectuelle. À nuancer et à ne pas généraliser. Il faut rechercher des causes autres que la seule haine irrationnelle. Parce que si nous nous mettons un bandeau sur les yeux, tournons la page et retournons à la normalité, nous récolterons plus d'attentats. C'est sûr. La dynamique terroriste est en marche et elle s'auto-alimente. […] Qui, dans une situation normale, prend la décision de tuer des inconnus ? […] À quel moment cette personne pense-t-elle que les coupables de son échec social sont ceux qui l'entourent ? Comment se peut-il que quelqu'un qui vit au Raval [fr] [22] puisse se sentir abandonné par la société ?

Et il poursuit :

… los que tenemos el atrevimiento de escribir tenemos el deber de hablar de la esperanza. No por imperativo sintáctico, ni moral; sino por pura humanidad. ¿Saben que hoy un taxista musulmán ha hecho varios viajes para transportar a los afectados del atentado, no les ha cobrado nada y les ha dicho “no todos somos iguales”? ¿Que los hoteles de la zona del atentado han abierto sus puertas a los afectados y les han dado habitaciones gratuitamente?¿Que decenas de policías y Mossos de Esquadra se han jugado la vida por nuestra seguridad?¿Que en apenas un par de horas todos los hospitales han alcanzado el límite de la sangre que pueden almacenar por la respuesta masiva de la gente que ha ido a donar sangre?

Eso también son preguntas. Y son esperanza.

… nous qui osons écrire avons le devoir de parler d'espoir. Non pas par impératif syntactique ou moral, mais par simple humanité. Savez-vous qu'aujourd'hui un chauffeur de taxi musulman a fait plusieurs voyages pour transporter des personnes touchées par l'attentat, qu'il ne leur a rien fait payer et qu'il leur a dit : “nous ne sommes pas tous comme ça” ? Que les hôtels situés à proximité de l'attentat ont ouvert leurs portes et ont offert des chambres gratuitement aux victimes ? Que des dizaines de policiers et de Mossos de Esquadra ont risqué leur vie pour notre sécurité ? Qu'en deux heures à peine tous les hôpitaux ont atteint la limite de sang qu'ils pouvaient emmagasiner grâce à la mobilisation massive des personnes qui sont allées donner leur sang ? Ça aussi, ce sont des réponses. Et c'est de l'espoir.

Solidarité en ligne et respect envers les victimes

Pendant l'attaque, les forces de police nationale espagnole ont partagé ce remerciement pour le respect avec lequel les victimes avaient été traitées :

Merci à tous les médias et aux particuliers qui ont filmé en évitant de diffuser les terribles images des victimes et des opérations de police. Respect

Aujourd'hui, Dora, une utilisatrice de Twitter raconte que la société de supermarchés de Catalogne et de Navarre, Caprabó, a refusé de vendre des journaux espagnols qui afficheraient des photographies des victimes à la une.

Respectez #notincpor [25]#Barcelona [9]#Cambrils [26]

Pendant les interventions policières, les réseaux ont évité de partager des photographies et des vidéos de l'attaque, autant par respect que pour éviter de divulguer des informations sensibles aux auteurs de l'attentat. Prenant les habitants de Bruxelles pendant l'attentat de 2015 comme source d'inspiration [28], les réseaux se sont remplis [29] de photos d'animaux de compagnie.

Les démonstrations de solidarité en ligne et en ville montrent ce qui semble gravé dans l'esprit des Barcelonais et des visiteurs, qui vont faire en sorte de se souvenir des Ramblas comme l'avait fait le célèbre écrivain Federico García Lorca [30] :

La calle más alegre del mundo, la calle donde viven juntas a la vez las cuatro estaciones del año, la única calle de la tierra que yo desearía que no se acabara nunca, rica en sonidos, abundante de brisas, hermosa de encuentros, antigua de sangre: Rambla de Barcelona.

La rue la plus joyeuse du monde, la rue où vivent en même temps les quatre saisons de l'année, la seule rue de la terre que j'aimerais ne jamais voir se terminer, riche en sons, généreuse en brises, belle de rencontres, vieille de sang : Rambla de Barcelone.