Une expérience sur le genre et l'éducation dans l'état du Gujarat en Inde

Image de Wikimedia Commons par Will Humprey. Enfants recevant des bonbons, Sri Ram Ashram, Shyampur, Inde. CC BY-SA 3.0.

Cet article de Madhura Chakraborty a été publié à l'origine sur Video Volunteers, une organisation internationale primée de médias communautaires basée en Inde. Une version adaptée est publiée ci-dessous dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Les garçons ne pleurent pas. Assieds-toi comme une dame. Barbie pour les filles et Lego pour les garçons. Ce sont des adages inoffensifs avec lesquels des générations ont grandi. Mais sont-ils vraiment innocents ou même bien intentionnés ?

Les filles ne doivent pas seulement porter du rose : elles doivent aussi jouer avec des aspirateurs et être proches d'animaux doux à câliner. Les garçons, quant à eux, doivent porter du bleu et être des aventuriers.

La plupart des gens n'ont jamais remis en question ces préjugés inflexibles et finissent même par les répéter tout au long de leurs vies. Quand une petite fille reçoit un aspirateur et un petit garçon un T-shirt de la NASA, les adultes leur montrent ce qu'ils attendent d'eux : la fille doit devenir femme au foyer et le garçon devrait être astronaute.

Apparemment on ne peut même plus lire les mêmes histoires. De plus, les garçons aiment les extra-terrestres, les filles, les lapins.

Emplacement stratégique de @toysrus présentant les aspirateurs juste à côté des costumes de princesse. Visez plus haut, mesdames.

Ça ne se limite pas à une différence de rôles, c'est une différence hiérarchisée. Pour la plupart des gens, il n'y a aucun doute qu'être astronaute est plus difficile que de passer l'aspirateur dans une maison.

Notre consœur Daxaben Punjabhai du Gujarat a décidé d'enquêter dans une zone rurale sur la façon dont ces enfants se fient aux stéréotypes de genres normalisés dans leurs familles et entourage. Bien que le Gujarat soit un état économiquement développé, il reste à la traîne en termes de mesures d'égalité sociale. Daxaben Punjabhai a demandé aux enfants de jouer différentes situations : comment les garçons pleurent-ils, rient-ils, s'assoient-ils, se tiennent-ils debout, marchent-ils et dansent-ils ? Et qu'en est-il des filles ? Leurs réponses ne sont pas aussi similaires qu'on pourrait s'y attendre, comme le montre la vidéo ci-dessous :

Parfois, les différences de genre ne sont que vestimentaires : les garçons portent le dupatta (écharpe) pour montrer qu'ils endossent leurs rôles féminins. Les filles portent des lunettes de soleil et un chapeau pour prendre leurs rôles masculins.

Dans tous les cas, il y a une vraie différence entre les deux genres quand on leur demande de montrer ce qui les différencie lorsqu'ils s'assoient, se tiennent debout, marchent et dansent, alors qu'ils pleurent ou rient à peu près de la même manière. Pour les deux, lorsque les filles s'assoient, elles le font sans ambiguïté d'une façon “féminine” : main sur la joue et jambes sagement croisées. Quand les garçons s'assoient, il émane d'eux une insouciance désinvolte masculine : les bras croisés sur la poitrine de façon autoritaire ou les jambes confortablement entrouvertes.

Quant on leur demande de s'asseoir comme des garçons, garçons comme filles prennent des postures autoritaires.

Quand elles marchent, les filles doivent se dehancher comme si elles défilaient. Les garçons roulent des mécaniques, relèvent leur cols et portent souvent des lunettes de soleil (apparemment).

Les stéréotypes dictent aux filles de marcher comme si elles défilaient.

La différence la plus remarquable est leur perception de la danse. Les filles sont apparemment plus réservées, se servent surtout du dupatta et ne bougent que leurs mains et hanches.

A l'inverse, les filles pensent que les garçons ne dansent que le Punjabi bhangra, une danse décomplexée et joyeusement exubérante. Les garçons pensent même que leurs pas de danse doivent démontrent leur capacités physiques – ils font la roue et des pas de breakdance compliqués.

D'après cette petite fille, un garçon danse comme ça.

Les filles se déhanchent, d'après ce garçon.

Bien que ce soit amusant de les voir se prêter au jeu avec autant d'enthousiasme, mais la vidéo démontre aussi la hiérarchie inhérente des rôles de genre patriarcaux. Les filles dansent sans complexe quand elles imitent les garçons. Elles n'en sont pas incapables ou moins compétentes, ni même aiment moins le faire. Mais une chose les limite : leur environnement patriarcal.

Certains peuvent être tentés d'argumenter que les choses se passent mieux pour les filles en ville ou dans les métropoles. Mais qu'en est-il vraiment ? Radhika, qui travaille au bureau de Goa de Video Volunteers, se souvient qu'elle devait affirmer sa féminité quand elle était enfant :

I had short hair. So all the neighborhood kids would keep referring to me as a boy. I countered them by pointing out my painted nails: how could I be a boy if I was wearing nail polish?!

J'avais les cheveux courts. Donc tous les enfants du voisinage s'adressaient à moi comme à un garçon. Je leur montrais pourtant mes ongles vernis : comment pouvais-je être un garçon si je portais du vernis à ongles ?!

Mais tous les exemples ne sont pas si anodins : les garçons sont grondés s'ils pleurent ou agissent “comme une fille”, ce qui peut avoir de sérieuses conséquences psychologiques. Suivant les rôles patriarcaux assignés, les garçons ne doivent jamais exprimer leurs émotions ou leur vulnérabilité, bien que ce soit très certainement horrible de condamner un jeune enfant à ce comportement.

De la même façon, on complimente les filles en leur disant qu'elles sont “mignonnes” ou “jolies”. Elles ne sont pas “courageuses”, elles sont des “princesses”. Une étude démontre que les parents sont quatre fois plus susceptibles d'avertir leurs filles que leurs garçons des mésaventures de l'enfance qui, bien que non mortelles, entraînent une visite aux urgences.

Mon fils avec sa nouvelle dînette. Reconnaissante envers son père qui m'aide à rompre les stéréotypes des rôles.

Quand les enfants ne se conforment pas aux stéréotypes de genre, ils apprennent à voir le monde autrement qu'en rose et bleu. Un garçon qui joue avec des ustensiles de cuisine peut apprendre à aider aux tâches ménagères plutôt que d'avoir besoin de publicités pour lessive, pour lesquelles le “partage des tâches” se borne à mettre la machine à laver en route de temps en temps.

De plus en plus de jeunes femmes à travers le monde écrivent, peignent et créent des mèmes pour contester et renverser les attentes des rôles traditionnels. Elles le font avec humour et empathie, mais se font souvent harceler en ligne par des trolls qui lancent des attaques toujours plus vicieuses pour “défendre” leur privilèges masculins. Il nous incombe à tous de parler et d'écrire sur ce sujet pour qu'un jour un petit garçon portant une jupe et une petite fille jouant aux soldats ne soient plus des aberrations.

Video Volunteers est le seul réseau d'information qui a pour objectif de couvrir les territoires les plus pauvres et les plus occultés par la grande presse indienne.

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