- Global Voices en Français - https://fr.globalvoices.org -

Portrait : Journaliste et Géorgien d'adoption, il concourt aux élections municipales de Tbilissi

Catégories: Asie Centrale et Caucase, Géorgie, Cyber-activisme, Élections, Médias citoyens, Politique

Ancien contributeur de Global Voices, Joseph Alexander Smith [1] n'a cessé depuis un mois d'accorder des entretiens dans la mélodieuse langue géorgienne [2] pour expliquer aux médias locaux sa décision de candidater à un siège du conseil municipal de Tbilissi.

Carburant aux médias sociaux, Smith, né en Grande-Bretagne et devenu citoyen de Géorgie cette année, espère que la campagne électorale attirera l'attention sur un certain nombre de questions urgentes dans l'élégante capitale de ce pays du Sud-Caucase.

Dans cet entretien avec Global Voices, il explique pourquoi il a décidé de s'impliquer dans les joutes de la politique municipale avant les élections de Tbilissi du 21 octobre.

GV: Pourquoi avez-vous voulu vous présenter ?

J.A.S: Je m'implique depuis quelques années dans le militantisme urbain sur une série de thèmes  – depuis le patrimoine culturel de la ville jusqu'aux droits des piétons et la sécurité de la circulation. J'ai commencé à l'époque où la contestation montait contre le projet “Panorama Tbilissi”, une grossière invasion d'intérêts commerciaux dans le cœur de Tbilissi. La procédure de validation du projet rompait avec toutes les normes acceptables de planification urbaine et de décision publique, mais l'emprise totale du parti au gouvernement avait pour effet que les hommes politiques ne se sentaient aucune obligation d'entendre nos inquiétudes.

Je me suis aperçu qu'au final les militants allaient devoir entrer en politique afin de modifier la manière dont nos responsables municipaux prennent des décisions en notre nom, et j'ai résolu de me présenter aux prochaines élections. Cette année, toutefois, lorsqu'il s'est avéré que l'unique représentant indépendant au Conseil municipal (Sakrebulo), Aleko Elisashvili, serait candidat à la mairie et donc ne serait plus éligible à un siège du Sakrebulo, j'ai compris que je pourrais être amené à hâter mes plans, et en l'absence d'un autre candidat indépendant, j'ai décidé de mettre ma tête sur le billot, en quelque sorte.

Smith prend des notes pendant sa campagne électorale.

GV: Quels sont les enjeux ?

J.A.S: La désintégration de la coalition régnante du Rêve Géorgien après les dernières élections locales en 2014 nous a laissé en héritage un Sakrebulo d'une grande diversité, avec un grand nombre de partis représentés, bien qu'avec une large majorité du parti au pouvoir. Cette diversité est aujourd'hui menacée par la position privilégiée du parti au pouvoir, et nous pouvons raisonnablement nous attendre à ce que le Rêve Géorgien remporte les deux scrutins, tant majoritaire que par liste (le Sakrebulo est composé de 25 représentants élus par circonscription, et 25 élus à la proportionnelle sur les listes des partis).

Même si je suis certain que des partis d'opposition passeront, il n'en est pas moins important d'accroître la diversité de l'opposition dans le gouvernement local, et d'y avoir aussi des représentants indépendants – des gens qui ne répondent qu'aux électeurs et non à leur patron de parti.

L'autre raison qui me fait trouver important d'être candidat indépendant, est que la domination des partis nationaux dans les exécutifs locaux crée un effet de dévalorisation des institutions de gouvernement local. Le Sakrebulo de Tbilissi est devenu un lieu attractif pour les personnages mineurs mais ambitieux des partis, qui s'intéressent peu ou pas du tout aux procédures d'urbanisme. Parfois ils ou elles ont des intérêts financiers, ou des espérances d'avancement de carrière dans le parti ou le gouvernement de l’État. Avec pour conséquence que, non seulement leur tâche essentielle de l'urbanisme sera négligée, mais qu'elle sera au service d'autres intérêts.

D'où la nécessité vitale d'une présence de candidats indépendants, hors des partis, de sorte que les électeurs aient le choix d'élire un représentant qui a leurs seuls intérêts à cœur.

Smith rencontre et salue des habitants de sa circonscription de Saburtalo à Tbilissi. Photo de sa page Facebook officielle.

GV: De quelles catégories attendez-vous le soutien ?

J.A.S: J'ai choisi de me présenter à Saburtalo pour sa démographie très large bien représentative de la ville dans son ensemble. Les problèmes que connaît Saburtalo : construction désordonnée, transport urbain et manque d'espaces verts, sont les mêmes que ceux de toute la ville. A part cela, le district où je suis candidat a déjà précédemment élu un indépendant, Aleko Elisashvili, en 2014.

Smith interviewé par la télévision géorgienne Iberia.

GV: Parlez-nous de la suite…

J.A.S: Donner un coup de collier dans ma campagne et la rendre aussi efficace que possible – je mets en ce moment la dernière main au programme (le manifeste), aux visuels de campagne, à l'événement de lancement officiel et au calendrier des événements de campagne. C'est un énorme défi, parce que c'est ma toute première fois, je n'ai pas beaucoup d'argent (et même pas du tout pour le moment) et je suis très dépendant des bénévoles, qui font un excellent boulot.

Mais je ne vois pas ça comme un problème, car je bénéficie d'être un visage neuf et mon histoire – un étranger arrivé en Géorgie depuis seulement quelques années, naturalisé et sans aucun lien avec un parti politique – plaît à beaucoup. Certes, rien de cela ne remplace le dur travail du porte-à-porte et de la rencontre avec les électeurs, [de répondre aux] questions difficiles qu'on me pose sur mon programme, et d'élaborer des solutions aux expressions spécifiquement locales de problèmes généraux de la ville. Ça me démange de m'y plonger, et j'ai déjà fait ressemeler mes chaussures pour de longues marches !

Smith à un récent rassemblement à Tbilissi. Photo Open Caucasus Media, partenaire de GV.

GV: Quelles sont les règles en Géorgie pour l'obtention de la nationalité par les étrangers ?

J.A.S: Bien qu'il n'y ait pas de règles juridiques sur la notion de double nationalité en Géorgie, la constitution contient une disposition prévoyant d'accorder la nationalité géorgienne à des citoyens de pays étrangers, par décret présidentiel, si c'est dans l'intérêt de l’État. Je l'avais sollicitée en 2013, il est vrai peu de temps après mon arrivée, et elle m'a été refusée. J'ai fait une nouvelle demande à la fin de l'année dernière quand j'avais déjà commencé à faire des apparitions à la télévision et dans les médias, parlant des problèmes urbains dans notre ville, et j'ai heureusement reçu une réponse positive, et suis devenu citoyen géorgien en février de cette année.

Je pense que c'était probablement le plus beau jour de ma vie jusqu'à présent, celui où je suis devenu officiellement et légalement partie du pays que j'aime tant et que je n'ai pas l'intention de quitter. La citoyenneté compte tellement pour moi que j'ai promis d'utiliser chaque droit et possibilité que confère la nationalité pour faire quelle que chose de bon et de positif pour la société. J'espère que, même si je n’entre pas au Sakrebulo, ma candidature aura au moins montré que ce n'est pas une institution de second ordre – c'est un lieu où des gens rêvent réellement de travailler, et si cela contribue à ce que des politiciens dilettantes redoublent d'efforts, alors tant mieux !