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Un Ministre paraguayen impliqué dans la déforestation sans précédent du Chaco

Catégories: Amérique latine, Paraguay, Environnement, Médias citoyens, Politique
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Le charbon exporté en Europe est produit à partir du quebracho blanc, un arbre typique de la région du Chaco. Photographie publiée dans Kurtural et reproduite avec l'aimable autorisation de Earthsight.

Cet article de Jazmín Acuña, [2] fut à l'origine publié en espagnol sur Kurtural [3]. Sauf mention contraire, les liens de cet article renvoient vers des pages en espagnol.

Le taux de déforestation le plus élevé au monde [fr] [4] est au Chaco [fr] [5], une région sud-américaine qui s'étend sur le Paraguay, le Brésil et l'Argentine. La déforestation y est causée par la production de charbon de bois et l'expansion des pâturages pour le bétail.

L'un des acteurs responsables de cette situation est Bricapar, le plus important exportateur de charbon de bois du Paraguay. Comme par hasard, selon l'organisation non-gouvernementale (ONG) britannique Earthsight [en] [6], il se trouve que le ministre paraguayen des Travaux publics et des communications Ramón Jiménez Gaona détient un quart des actions de Bricapar [7].

Des enquêteurs infiltrés appartenant à l'ONG ont pisté les produits de l'entreprise, vendus dans les supermarchés européens avec un label de “développement durable”. Mais ils ont découvert une réalité différente dans l'un des centres de production de charbon de Bricapar, dans le département de Boquerón. Là, ils ont réalisé que la majeure partie des profits de l'entreprise provient de l'abbatage en aveugle d'arbres comme le quebracho blanc.

L'enquête approfondie de Earthsight [en] [8] a révélé un plan de développement qui encourage une déforestation dramatique dans la région du Chaco. Les arbres sont coupés pour être transformés en charbon, ce qui libère la terre et permet son exploitation agricole en tant que pâturage. Ce schéma fut expliqué en détail par le gérant du centre de production de Bricapar, dans la ville de Teniente Ochoa, où l'entreprise obtient sa matière première, le bois, et abrite ses fours.

Les terres appartiennent à l'Institut de la protection sociale du Paraguay et sont louées à une entreprise d'élevage, Irasa [9], depuis 2008. Irasa possède un contrat de vingt ans qui lui permet d'exploiter trois parcelles de dix-huit mille hectares [10] (sur les deux cent mille hectares que possède l'Institut de la protection sociale) et a obtenu la permission de l'Institut national des forêts d'y abattre des arbres depuis 2009. En même temps, l'entreprise d'élevage a conservé un contrat avec Bricapar depuis 2012 pour couper des arbres qui seront ensuite convertis en charbon.

Grâce à ce plan, qui contribue à une crise environnementale sans précédent, Bricapar est devenu “le plus important producteur et exportateur de charbon de bois du Paraguay” [11], selon son directeur commercial Sebastián Gorostiaga. D'après des déclarations de Guillermo Vega de Seoane [en] [8], le directeur général d'un distributeur espagnol du charbon de Bricapar sur le marché européen Ibecosol, les produits de Bricapar sont vendus dans des supermarchés allemands, espagnols et britanniques.

Earthsight estime que Bricapar est responsable de la moitié des exportations de charbon du Paraguay sur le premier semestre  de 2017 et que les ventes ont généré environ un million de dollars de bénéfices par mois. Ceci alors que les images satellites montrent que dans la région de Teniente Ochoa, où Bricapar a établi ses fournaises, une surface équivalente à dix stades de football est déforestée chaque jour : cela représente un tiers de l'exploitation forestière quotidienne du Chaco nécessaire pour couvrir les besoins européens. La déforestation de la région est telle que l'ONG de protection de l'environnement Guyra Paraguay estime [12] que sept arbres sont coupés chaque seconde.

Grâce aux conclusions de Earthsight, la chaîne de supermarchés Carrefour a annoncé au journal The Guardian [en] [13] qu'elle avait lancé sa propre enquête et décidé de ne plus acheter de produits à Ibecosol pendant ce temps-là. En outre, l'ONG allemande Rainforest Rescue a publié une pétition pour exiger des supermarchés européens comme Aldi, Lidl et Carrefour de prendre “des mesures immédiates” pour “arrêter d'acheter du charbon de bois issu de la destruction des forêts paraguayennes.” La pétition a déja recueilli plus de 133.000 signatures [en] [14].