Les pays africains prennent conscience de la nécessité de maîtriser leur croissance démographique

Une carte du monde selon le taux de fertilite. Selon le The World FactBook (CIA), esrimation pour 2015

Avec la réduction des taux de mortalité infantile accompagnée de l'augmentation de l'espérance de vie à la naissance, les taux de reproduction humaine ont atteint des rythmes qui sont devenus insoutenables pour la survie sur la planète terre. Cependant ces rythmes varient énormément d'un continent à l'autre: En effet, tandis que dans les pays à revenus élevés le taux de croissance démographique sont devenus insuffisants pour assurer la survie de l'espèce, dans les parties les plus pauvres, il en va tout autrement. La croissance démographique désordonnée a des conséquences néfastes sur la survie des générations futures, l'évolution des autres espèces et de l’environnement.

Denis Garnier, Président de l'Association Démographie Responsable rappelle que la population africaine passera de 1,2 à 4,2 milliards d’habitants d’ici à 2100. Selon ce spécialiste, l'Afrique comptera alors autant de personnes que ce comptait la planète entière, il y a à peine 40 ans.

Répondant à la question du site breton d'informations alternatives breizh-info.com de savoir s'il y avait un continent dont la démographie l'inquiétait particulièrement, Denis Garnier, Président de l'association Démographie Responsable, a répondu :

… pour l’Afrique, les taux de fécondité sont toujours excessivement élevés avec une moyenne de 5 à 6 enfants par femme en Afrique subsaharienne (hors Afrique australe) et en particulier des pointes supérieures à 7 au Niger et au Tchad. Nombre de ces pays sont d’ailleurs francophones (le deux cités plus RDC, Mali, Burkina, Bénin, Togo, Madagascar,…) et il peut paraître étrange que notre pays ne se préoccupe que si peu de la question. Outre la propension nataliste citée plus haut, il semblerait que nos dirigeants estiment qu’il vaut mieux ne pas froisser nos partenaires économiques et culturels… Or il se trouve que ceux-ci sont assez souvent prêts à agir comme le montrent certaines de leurs déclarations. On arrive alors au paradoxe suivant : ce sont souvent des ONG américaines qui y promeuvent la contraception.

Pendant longtemps, pour des raisons religieuses, historiques, des coutumes ou tout simplement pour l'insuffisance d'information, dans les pays africains, surtout francophones, même utiliser des expressions comme “contraception”, “limitation des naissances” et “Planning familial” était suspicieux.

Taux de natalite par region de 1950 a 2050 via UN World Population Prospects

En 2010, Brice Dossou-Gouin signalait les différents obstacles que rencontraient les opérateurs sanitaires dans l'introduction des méthodes de planning familial:

L’environnement familial et le contexte socio-culturel africain et béninois en particulier  ne sont pas toujours favorables à l’adoption de la planification familiale au sein  du couple à cause de la pression culturelle et les croyances diverses.  Sa  phase active est loin de faire la réalité. Elle offre beaucoup d’avantages et des effets secondaires aux couples.

 Mais au cours des dernières années, les attitudes des autorités sont entrain de changer. Ce ne sont plus les organisations non gouvernementales seules, en particulier américaines, qui cherchent à freiner l'explosion démographique. Cependant, il y a des différences.
Concluant un document de travail sur les politiques comparatives de nombreux pays africains, intitulé Planning familial et fécondité en Afrique Évolutions de 1950 à 2010. FERDI 2017, le Professeur Michel Garenne constate :
On observe donc, en Afrique subsaharienne, une grande diversité de situations quant aux politiques de population, aux programmes de planning familial et à la maîtrise de la fécondité, qui fait écho à la diversité des situations idéologiques, politiques, économiques, et sociales, et même à une certaine diversité des situations épidémiologiques : certains pays partent de plus hauts niveaux de fécondité que d’autres, et ont donc plus de problèmes à résoudre qui prendront plus de temps.

En juillet dernier, les parlementaires des états membres de la CEDEAO réunis avec leurs collègues, de Mauritanie et du Tchad, devant la constatation qu'à l'horizon 2050, l’Afrique sera le seul continent dont la population aura doublé, ont pris l'engagement d’œuvrer pour augmenter chaque année d’au moins 5% le budget alloué à la mise en œuvre des plans nationaux de planification familiale afin d'atteindre l'objectif de 3 enfants au plus par femme d’ici à 2030, comme le rappellent les stagiaires de Bénin 24, Ismène KPEDJO et Fabienne SANON.

Plusieurs pays africains ont célébré le 26 septembre la Journée mondiale de la contraception par des cérémonies officielles. Narcisse Yao signale qu'en Côte d'Ivoire du 26 au 28 septembre, les consultations sur la contraception sera gratuite, grâce des cliniques mobiles de l’Association ivoirienne pour le bien-être familial (Aibef). Il ajoute:

Faire connaître les différents moyens de contraception aux populations de manière à limiter le nombre de grossesses non-désirées. Permettre au couple d’adopter une méthode de contraception de leur choix.

Tel est l’objectif de la célébration officielle de la Journée mondiale de la contraception, la première du genre en Côte d’Ivoire. C’était le 26 septembre à l’espace Figayo d’Abidjan-Yopougon, sous le thème : « Investir dans la contraception, c’est garantir l’avenir »…

Selon les chiffres communiqués par la Direction de coordination du Programme national santé de la reproduction et de planification familiale, la prévalence contraceptive actuelle est de 14% contre un besoin non-satisfait estimé à 27%. Quant à la mortalité maternelle, elle est estimée à 614 décès pour 100.000 naissances vivantes.

Le site afrosantelgbt.org  de l’Association Afrique Avenir, qui se définit comme “un espace d’information et de ressources pour les acteurs de prévention s’intéressant aux publics LGBT afro-caribéens”, dénonce certaines idées reçues :

  1. Hygiène. La douche vaginale après un rapport sexuel ne constitue pas un moyen de contraception.
  2.  La pilule ne protège pas des infections sexuellement transmissibles. Efficaces pour lutter contre les grossesses non désirées, les différentes méthodes de contraception d’urgence ne protègent pas contre les IST. Seul le préservatif masculin ou féminin protège à la fois de la grossesse et des IST
  3. La pilule ne peut pas rendre une femme stérile. Le fait de prendre la pilule pendant les années n’augmente pas le risque de maladies.
  4. La méthode du retrait, lorsque l’homme se retire avant l’éjaculation, n’est pas une méthode efficace
  5.  Une femme peut tomber enceinte à n’importe quel jour du cycle menstruel et durant ses règles. Il en est de même lors du premier rapport sexuel…
  6. Le stérilet ne provoque pas des infections mais peut favoriser la progression des germes jusqu’aux trompes. C’est pourquoi il est déconseillé aux femmes présentant un risque infectieux important et ayant de nombreux partenaires

Au Burundi où l'utilisation des moyens de contraception moderne atteindrait 37,4%, Clarisse Shaka rend compte de la situation de la planification familiale:  

Selon Dr Juma Ndereye, Directeur du PNSR, le gouvernement s’est assigné l’objectif d’avoir un indice de fécondité de 3 enfants par femme en 2025. Aujourd’hui, l’indice est à 6 enfants par femme. Pour y arriver, la prévalence contraceptive doit être à 60% des femmes qui utilisent les méthodes contraceptives, selon des experts en démographie.

Aujourd’hui, 37,4% de la population utilisent les moyens de contraception moderne, selon Dr Juma Ndereye. Pour lui, ce taux n’est pas satisfaisant. Mais, estime-t-il, le pas franchi est très grand. « Très peu de pays feraient ce que le Burundi a fait en 15 ans. » En 2000, poursuit-il, le taux de contraception moderne était à 2.7%. « C’est un progrès énorme. »

Sur le site ledjely.com les internautes Balla Y. et Sanso Barry ont essayé de faire un état des lieux sur l'information et la pratique de la contraception en Guinée:

Ce 26 septembre, l’humanité célèbre la journée mondiale de la contraception. A l’occasion, notre rédaction essaie de faire un état des lieux au moment où la capture du dividende démographique passe pour une priorité du continent africain, dans son ensemble. En effet, la maitrise des naissances et des soins de santé de qualité sont des facteurs essentiels à la capture du dividende démographique. Et en la matière, la Guinée a du chemin à faire, dans la mesure où selon la dernière Enquête démographique et de santé (EDS-2012), la prévalence contraceptive varie de 6 %, pour les femmes de la tranche 15-19 ans, à 14 % pour celles de la tranche 20-24 ans, en dépit du fait que 91 % des femmes en union et 97 % de celles non en union mais sexuellement actives, ont connaissance d’au moins une des méthodes contraceptives. Résultant de plusieurs facteurs, ce niveau bas de recours aux méthodes de contraception n’est pas sans conséquences sur d’autres indicateurs socio-sanitaires relatifs à la population dans son ensemble et aux jeunes en particulier.

Depuis 2011, neuf pays d’Afrique de l’Ouest et centrale : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal et Togo se sont réunis au sein du Partenariat de Ouagadougou pour faire face ensemble au défi démographique.

Les pays africains les plus performants en matière de planification familiale ont déjà initié le ralentissement de leur croissance démographique. Ce sont selon la Banque mondiale: le Ghana, le Kenya, la Namibie, le Rwanda, le Soudan et le Zimbabwe, de 3,2 à 2,3.

Les pays africains les plus riches ont quant à eux atteint le seuil critique où la croissance démographique naturelle n'est plus capable d'assurer le maintien de leur population au volume actuel sans apport de l'immigration: Botswana, Maurice, République Sud-africaine et Swaziland.

Lire sur le même sujet : Les internautes africains réagissent aux propos d'Emmanuel Macron sur la limitation des naissances en Afrique

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