[Billet d'origine publié en espagnol le 26 novembre 2016]
Qu'ont de commun une école de musique mexicaine de la commune de Vicente Guerrero dans l'Etat d’Oaxaca et des enfants de la ville de Cateura au Paraguay ?
C'est que la musique jouée à ces deux endroits n'a pas seulement changé la vie de ces enfants, elle est intimement liée aux… ordures.
Quand la musique côtoie les ordures
La commune de Vicente Guerrero est située au bord d'une vaste décharge à seulement 16 kilomètres au sud d'Oaxaca — une vieille cité coloniale très fréquentée par les touristes — mais à des années-lumière des ruines précolombiennes voisines, et de la célèbre gastronomie régionale. Il y a quelques années déjà que La banda de música (La bande musicale) se produit dans la ville. Le projet a évolué en un orchestre symphonique composé d'enfants et d'adolescents, qui ont trouvé grâce à leurs instruments de musique un chemin hors de la pauvreté qui les entoure :
Una escuela de música con 100 estudiantes se ha vuelto un eje central de la comunidad de Vicente Guerrero en Oaxaca https://t.co/gbQciibvcj
— José Luis Moyano (@NicksNames) 23 de noviembre de 2016
Une école de musique de 100 élèves est devenue un axe central de la communauté de Vicente Guerrero en Oaxaca.
Le quotidien britannique The Guardian écrivait à propos de ce projet :
Cette commune, dans l'un des États les plus pauvres du Mexique, a une réputation de toxicomanie et de de gangs violents. Mais elle vit une transformation après que la rencontre fortuite avec un pilote français a aidé à créer une entreprise musicale offrant une rare espérance à ses jeunes.
Les jeunes instrumentistes de l'orchestre prennent leur engagement musical très au sérieux, à en croire le média local Noticias Oaxaca NVI :
Ni bien salen de la escuela, llegan casi corriendo a sus casas, ni bien comen y se encaminan por las polvorientas calles para encontrarse con su gran pasión. Siempre llegan sonriendo, con los ojos vivaces y jugueteando, entre un gran bullicio. […] aprenden día a día a tocar con destreza la trompeta, el trombón, el flautín, el clarinete, el oboe, la flauta, la trompa, los timbales, los bongoes y las congas.
Dès la sortie des classes, ils rentrent quasi en courant à la maison ; leur déjeuner avalé, ils vont par les rues poussiéreuses retrouver leur grande passion. Ils arrivent toujours souriants, l’œil vif et en s'amusant, dans un grand brouhaha. […] Ils apprennent jour après jour à jouer avec dextérité de la trompette, du trombone, du piccolo, de la clarinette, du hautbois, de la flûte, du cor, des timbales, des bongos et de la conga.
Des ordures transformées en musique
À plus de 7.000 kilomètres là, les enfants de Cateura — un village pratiquement perché au sommet de la principale décharge d'Asunción, la capitale du Paraguay — joue d’instruments fabriqués à partir de matériaux recyclés :
[Interpretan] obras musicales con instrumentos reciclados, fabricados a partir de residuos sólidos domiciliarios, en el taller de lutería que posee el grupo en Cateura, donde recicladores, asesorados por Favio Chávez […], han comenzado a utilizar restos de “basura” para elaborar instrumentos que emitieran sonidos musicales. Los instrumentos […] imitan a violines, violas, cellos, contrabajos, guitarras, flautas, saxofones, trompetas, trombones e instrumentos de percusión, pero construidos con basura. Entre su repertorio ejecutan música clásica, música folklórica, música paraguaya, música latinoamericana, música de los Beatles, de Frank Sinatra, entre otros.
[Ils interprètent] des oeuvres musicales avec des instruments recyclés, fabriqués à partir de déchets solides dans l'atelier d'instruments de musique que possède le collectif à Cateura, où des recycleurs sous la houlette de Favio Chávez […] ont commencé à utiliser des éléments “d'ordures” pour élaborer des instruments émettant des sonorités musicales. Les instruments […] imitent les violons, altos, violoncelles, contrebasses, guitares, flûtes, saxophones, trompettes, trombones et instruments de percussion, tous fabriqués à partir d'ordures. Leur répertoire comprend de la musique classique, de la musique folklorique, paraguayenne, latino-américaine, des Beatles, Frank Sinatra, et autres.
Dans un article du journal américain Los Angeles Times, Favio Chávez, un écologiste et musicien local qui enseigne aux enfants de Cateura, se souvient de leurs débuts :
Au départ c'était dur parce que nous n'avions pas de lieu pour répéter et qu'il fallait enseigner là où les parents travaillaient dans les ordures […]. Les enfants n'avaient aucune notion de musique et contacter les parents était très compliqué parce que beaucoup ne vivent pas avec leurs enfants.
Tout a changé quand Favio a eu sous les yeux quelque chose qu'il n'avait encore jamais vu : un violon fabriqué à partir de déchets. Aujourd'hui, il y a un orchestre entier d'instruments assemblés, appelé L'Orchestre Recyclé. Un documentaire intitulé “Landfill Harmonic” [mot-à-mot “Décharge harmonique”,un jeu de mot sur “landfill”, décharge, et “Philharmonique”, NdT] a chroniqué l'opération musicale :
La planète génère environ un milliard de tonnes d'ordures chaque année. Ce qui vivent dessus et en vivent sont les pauvres – comme les habitants de Cateura, au Paraguay. Et voilà qu'ils en font de la beauté. Landfill Harmonic suit l'orchestre dans la tournée mondiale de son spectacle enthousiasmant d'ordures transmuées en musique.
L’orchestre a même joué devant le pape François :
The Orquesta de Instrumentos Reciclados Cateura were invited to play for Pope Francisco, and presented him with a… http://t.co/gPXweZrNqV
— Landfill Harmonic (@landfillhrmnic) July 13, 2015
L'Orchestre d'Instruments recyclés a été invité à jouer devant le Pape François, et lui a [remis un violon recyclé fabriqué par Nicolas “Cola” Gomez]
Ces deux formations, comme quelques autres [en Amérique latine], montrent que la musique ouvre des possibilités infinies.