Le gouvernment des Tonga accusé de museler les médias publics à la veille des élections

Les studios de la Tonga Broadcasting Commission, fondée en 1961. Photo mise en ligne sur Wikipédia par Makutu, transférée depuis en.wikipedia sur Commons par RoyFocker 12 via CommonsHelper. Domaine public.

Un remaniement au sein de la Commission audiovisuelle des Tonga (Tonga Broadcasting Commission, TBC) fait craindre que le gouvernement tongien ne cherche à accroitre sa mainmise sur les médias publics. La rédactrice en chef de la TBC Laumanu Petelo et la directrice de l'information Viola Ulakai ont été subitement mutées au département des ventes et du marketing à la fin du mois d'octobre. Les deux journalistes étaient en désaccord avec le Premier ministre Akilisi Pohiva depuis que celui-ci avait accusé la TBC d'être un ennemi du gouvernement.

Le Premier ministre avait également affirmé qu'il était du devoir de la TBC de soutenir les programmes du gouvernement, menaçant qu'il pourrait ordonner la privatisation, voire la fermeture du groupe audiovisuel.

Le nouveau directeur de la TBC Tu'i Uata, récemment nommé, est à l'origine du transfert des deux journalistes qui dirigeaient la rédaction. Selon lui, cette mutation serait due aux pertes financières du groupe, arguant que la TBC aurait pu risquer la faillite en deux mois si une restructuration n'avait pas eu lieu.

Cependant, l'avocat de Petelo et Ulakai estime que ce remaniement de la rédaction fait partie intégrante du plan du gouvernement pour contrôler la TBC à l'approche des élections générales prévues pour le 16 novembre 2017.

Le groupe de médias indépendant Matangi Tonga Online a publié un éditorial faisant écho à ces allégations :

It is quite clear with the beheading of the news service that government is taking full control of the public broadcaster in the lead up to the November 16 general election.

La décapitation du service d'informations [de la TBC] est un signe clair que le gouvernement s'arroge un pouvoir total sur ce média de service public à la veille des élections générales du 16 novembre.

Matangi Tonga Online ajoute que le nouveau directeur de la TBC “a anéanti sa légitimité de média public intègre”. L'éditorial rejette également l'argument selon lequel la TBC devrait soutenir aveuglément les politiques du gouvernement :

It is a blatant attempt to turn watchdogs into lap dogs.

The rhetoric by government officials, that because the TBC is a Public Enterprise its news coverage “should be pro-government,” is completely off the mark. No genuinely professional journalists will work under such a politically controlled system.

Il s'agit d'une tentative flagrante de transformer des chiens de garde en chiens de salon.

Cette rhétorique du gouvernement qui insinue que, puisque la TBC est une entreprise publique, elle devrait être pro-gouvernement, est complètement à côté de la plaque. Aucun journaliste professionnel digne de ce nom ne pourrait travailler dans un environnement à ce point contrôlé par la sphère politique.

L'article rappelle également au gouvernement la nature de la mission de la TBC en tant que média public :

Public broadcasters do not rely on advertising to the same degree as commercial broadcasters. This allows public broadcasters to transmit programs that are not commercially viable to the mass market, such as well-balanced public affairs shows, radio and television documentaries, and educational programmes, that otherwise could not be produced.

Les diffuseurs publics ne dépendent pas de la publicité au même titre que les diffuseurs commerciaux. Cela permet à l'audiovisuel public de diffuser des programmes qui ne sont pas forcément viables économiquement, tels que des émissions sur la vie publique, des documentaires pour la radio et la télévision et des programmes éducatifs, qui ne pourraient être produits autrement.

L'organisation Pacific Freedom Forum (PFF) a quant à elle appelé le gouvernement des Tonga à respecter la liberté de la presse :

Government needs to stop using so-called losses as an excuse to apply punitive changes aimed at gagging newsroom and management in a leading public broadcaster of the region.

Informing the public about what is happening with their own tax dollars is a key role of state broadcasters, who are not faced by the profit-margin pressures of commercial broadcasters.

Il faut que le gouvernement cesse d'utiliser de supposées pertes financières comme un prétexte pour décider de transferts punitifs dont l'objectif n'est autre que de museler la rédaction et la direction d'un groupe public majeur dans la région.

Informer le public sur ce qu'il advient de l'argent de leurs impôts est l'un des rôles principaux des médias publics, qui ne sont pas sujets à la pression de la course au profit comme peuvent l'être les médias privés.

La directrice de PFF Monica Miller décrit les deux journalistes de la TBC comme des “ pionnières du journalisme dans le Pacifique ” :

Pacific media colleagues everywhere are dismayed at this treatment of two women in journalism who have done nothing but be journalists.

Laumanu and Viola are leading Pacific trailblazers in journalism that is unafraid to ask the hard questions, and continues to put the public right to know to the fore. They are passionate about what they do and have faced cultural barriers and stereotypes about women in Pacific newsrooms for decades.

Nos collègues journalistes dans tout le Pacifique sont choqués du traitement imposé à ces deux journalistes qui n'ont rien fait de plus que leur travail de journalistes.

Laumanu et Viola sont deux pionnières du journalisme dans le Pacifique qui n'ont pas peur de poser les questions qui fâchent, et continuent de placer le droit de savoir des citoyens au-dessus de tout. Elles sont passionnées par leur travail et bravent des barrières culturelles et des stéréotypes sexistes au sein des rédactions dans le Pacifique depuis des décennies.

La PFF rappelle que la constitution tongienne comporte une clause garantissant le respect de la liberté d'expression et appelle le gouvernement des Tonga à entamer un dialogue avec les médias afin d'aborder des questions telle que la partialité et la censure, au lieu d'engager des actions punitives.

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