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Le réchauffement du Moyen-Orient accroît l'urgence des discussions de l'ONU sur le changement climatique

Catégories: Afrique du Nord et Moyen-Orient, Jordanie, Maroc, Environnement, Gouvernance, Médias citoyens, Politique, Sciences

Sécheresse et températures élevées menacent le Moyen-Orient. Source image : Wikimedia / Creative Commons.

Tandis que la 23ème conférence annuelle des parties (COP23 [1]) à la Convention Cadre de l'ONU sur le Changement Climatique (UNFCCC) rassemble à Bonn, en Allemagne, les pays de la planète, 2017 est bien parti pour être une des années les plus chaudes enregistrées. [2]

Logo de la COP 23. Source: site web de la COP 23.

Les chercheurs de l'Institut Max Planck de Chimie et de l'Institut chypriote à Nicosie prédisent un sombre destin à la région Moyen-Orient et Afrique du Nord [3]. La Jordanie connaît en ce moment une des sécheresses les plus graves [4] jamais enregistrées. En l'absence d'une politique climatique mondiale, le pays pourrait recevoir 30 % de précipitations en moins d'ici 2100 et la moyenne annuelle des températures pourrait monter de 4,5 degrés Celsius.

L’Accord fondateur de Paris [5] à la COP 21 [6] en 2015 a fourni le premier texte véritablement mondial s'attaquant au changement climatique. La réunion de 2017 à Bonn sera d'une importance capitale pour bâtir les règles d'application de l'accord de Paris et renforcer les actions nationales afin de maintenir l'augmentation de la température mondiale en-dessous de 2 degrés Celsius [7].

Le Moyen-Orient face à des vagues de chaleur massives

En octobre 2015, la revue Nature Climate Change prédisait que les vagues de chaleur dans certaines parties du Golfe Persique pourraient menacer la survie humaine  [8]à la fin du siècle. La durée des vagues de chaleur dans la région Moyen-Orient – Afrique du Nord se prolongera de façon spectaculaire, de 80 jours au milieu du siècle à 118 jours à sa fin, à comparer à la moyenne actuelle de 16 jours, et ce même si les émissions de gaz à effet de serre se remettent à baisser après 2040.

Capture d'écran de Google Earth du Golfe Persique et des pays avoisinants.

La demande immodérée d'eau pour l'agriculture dans la région a conduit à la surexploitation des nappes souterraines, au déclin de la qualité de l'eau et à la dégradation des terres par la salinisation (l'augmentation de la teneur en sel des sols).
Le changement climatique ne pourra qu’aggraver [9] ces tendances et le secteur de l'agriculture sera le plus durement touché. Les vagues de chaleur plus fréquentes et plus intenses, ainsi que la baisse des précipitations réduira les périodes de pousse. Moins de pluies, ce sera moins d'humidité des sols, moins de ruissellement et moins de recharge des aquifères. La montée de l'incertitude affectera la productivité, et rendra plus difficile la planification agricole.

Comme l'a déclaré Safa’ Al-Jayoussi de ‘Climate Action Network – International [10]‘ (Réseau Climat-Action international) au journal Al-Ayam : [11]

«المنطقة العربية تعاني من الجفاف حاليا الذي ما هو الا بداية تبِعات التغير المناخي ولذلك يجب على المناقشات أن تراعي المجتمعات المحلية الاكثر تأثرا بالأضرار من جهة والتعويض عن الخسائر الناتجة عن تلك الظاهرة من جهة أخرى.”

Le monde arabe souffre actuellement de sécheresse, et c'est seulement le début des conséquences du changement climatique. C'est pourquoi les discussions doivent prendre en compte les communautés les plus touchées par les dégâts d'une part, et l'indemnisation des pertes résultant de ce phénomène, d'autre part.

La Jordanie, par exemple, tire 160 pour cent plus d'eau du sol que la nature ne reconstitue, et pourtant il y a peu d'incitations à économiser cette précieuse ressource.

L'utilisation de l'eau pour l'irrigation reste publiquement subventionnée pour des montants considérables et de façon non viable, avec le gaspillage pour principal problème. Plus de la moitié de l'eau de la Jordanie est utilisée pour une agriculture qui ne produit qu'une faible partie de l'offre alimentaire locale. On estime à 50 pour cent de la fourniture d'eau les pertes dues aux mauvais usages ou aux vols.

L'Egypte est confrontée à des problèmes similaires :

[Sur l'image : Les paysans égyptiens paient un lourd tribut au changement climatique] Le changement climatique engendre la faim, et frappe le plus durement les plus vulnérables. Les paysans égyptiens luttent pour s'adapter, le Programme Alimentaire Mondial est là pour aider.

Exploiter l'énergie solaire et éolienne

Les pays du Moyen-Orient paient au prix fort leur dépendance aux combustibles fossiles [16], sous forme de pollution de l'air et d'eau contaminée. La désertification qui gagned [17] est préjudiciable à l'activité agricole. La pêche souffre de la qualité détériorée des eaux côtières et des effets négatifs du changement des températures marines sur les prises.

Pourtant les combustibles fossiles continuent à jouir d'énormes subventions, et leurs prix sont tellement sous-évalués [18] que les énergies renouvelables n'arrivent pas à percer. Elles sont considérées comme non compétitives en coûts à cause des subventions parfois cachées offertes aux combustibles fossiles.

La part des capacités en énergies renouvelables dans le monde arabe, en Turquie et en Iran (2016)

Seuls quelques pays de la région se sont enrichis en exploitant les combustibles fossiles, et leur majorité obtient moins d'un pour cent de leur électricité à partir de sources renouvelables. Alors que tous les pays du Moyen-Orient sont ensoleillés, et que la région a un énorme potentiel d'énergie solaire et éolienne, l'investissement dans les énergies renouvelables est parmi les plus faibles du monde. Le Moyen-Orient est distancé par des pays à revenu comparable dans ce domaine, et même par beaucoup de pays plus pauvres.

Les pays du monde arabe sont volontaristes pour des objectifs d'un certain pourcentage d'énergie renouvelable dans leur capacité totale de production d'électricité.

Le Moyen-Orient se prépare un avenir d'extrêmes

Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC [26]), le changement climatique anthropique est déjà en train d'accroître significativement la probabilité d'événements météorologiques extrêmes comme les vagues de chaleur [27], les inondations [28], et les incendies de forêt. [29]L'impact de ces catastrophes naturelles pourrait être irréversible, profond et étendu pour des milliards d'individus si rien n'est fait pour réduire drastiquement les émissions mondiales de carbone.

Dans la dernière décennie [30], divers pays ont annoncé des plans de développement à moyen et long terme d'installations alternatives aux ressources en énergies fossiles.

Ainsi, le Maroc et la Jordanie ont été amenés à diversifier leurs sources d'énergie pour remédier à une plus grande dépendance et demande de combustibles importés, dont le prix ne fait qu'augmenter.Le gouvernement marocain est sur le point de réaliser son objectif de produire 2 Gigawatts d'électricité solaire et 2 GW d'électricité éolienne d'ici 2020, alors que sa capacité éolienne actuelle dépasse 750 Mégawats. Le gouvernement jordanien prévoit d'augmenter son objectif initial de 600 Megawatts d'électricité solaire à 1 GW d'ici 2020.

Les promesses actuelles de réduction de carbone des pays de la planète se traduisent par au moins 3 degrés Celsius de réchauffement mondial et des dégâts importants, [31]mettent en garde les experts. Sans sérieuse préparation pour bâtir la confiance et le consensus, les accords prendront du retard, comme l'a montré l'échec de la COP de 2009 à Copenhague.

Alors que l'Accord de Paris incluait un mécanisme de réexamen et de cliquet pour ces promesses, les règles n'ont pas été fixées, augmentant la pression sur la réunion de Bonn pour qu'elle termine ce travail vital avant 2018.